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Nos régions ont du talent : Normandie

Tous propos recueillis par Nicolas Jucha
Nos régions ont du talent : Normandie

On continue la revue d'effectif de ce que les régions françaises ont de mieux à offrir question football. Histoire de mieux se familiariser avec le nouveau découpage administratif et ce que cela implique pour le ballon rond. Nouvelle étape en Normandie, où Le Havre et Caen doivent composer avec les appétits des clubs bretons.

« Il y a peu de pratique spontanée, car c’est une petite ville rurale. Je pense qu’à Rouen par exemple, cela doit plus exister. La conséquence de ce recul de la pratique spontanée, c’est qu’on récupère des gamins qui ont leur premier contact avec le foot chez nous, et qui sont donc techniquement moins bons qu’il y a quelques années. C’est un constat que de nombreux éducateurs partagent dans le coin. » David Giguel est responsable des équipes de jeunes au FC Dieppe, en Haute-Normandie. Il y a la plage et parfois le soleil, mais pas le contexte idoine pour développer des diamants bruts comme dans les cités franciliennes. À l’US Queville-Rouen-Métropole, c’est un peu mieux : « on a quelques cités dans le Petit-Quevilly, ce qui nous permet d’avoir ce « football de rue » dans le club » souligne Thomas Tiarcy, responsable formation dans le club de National, qui ne s’interdit pas de « recruter aussi sur des zones plus rurales, on est ouvert à tout. »

Il faut dire que la région normande se porte bien, avec deux locomotives, Caen et Le Havre, qui se répartissent de manière complémentaire le territoire. Quand ce ne sont pas les voisins bretons ou les gros poissons lyonnais, parisiens ou lensois qui viennent dénicher des perles rares. « Pour tout vous dire, les deux derniers gamins qui sont partis dans un centre de formation, c’est à Lorient et à Guingamp » témoigne Giguel. « Il n’y en a pas forcément beaucoup de chez nous qui vont à Caen ou au Havre, je dirais même qu’il n’y a pas de règle précise. » Même si dans le cas de Dieppe, un partenariat est en cours d’élaboration avec le HAC. « C’est d’ailleurs dommage qu’il ne soit pas déjà en place car on préfère envoyer nos jeunes près de chez eux, c’est mieux. »

« Le joueur normand, c’est un mec bien »

Ne pas recruter à plus de 200 kilomètres, un mantra partagé par la plupart des clubs formateurs professionnels, conscients de la hausse des taux d’échecs pour les enfants déracinés. Mais en Normandie, ce principe prend encore plus d’épaisseur car « si on généralise, le joueur normand est fiable, stable, fidèle et collectif, c’est un mec bien qui se met au service du collectif » analyse Sébastien Bannier. Et donc attaché à ses couleurs. Pour appuyer son propos, il avance l’exemple du SM Caen, dont il a été responsable du centre de formation de 2005 à 2014 : « les clubs normands comme Caen ont souvent plus de 60% de joueurs de la région dans leur effectif, c’est une marque de fabrique. On forme des joueurs pour qu’ils évoluent dans nos équipes premières, le plus longtemps possible. »

Sans forcément se contenter des plus gros potentiels, sur lesquels des clubs comme Lorient, Rennes, mais surtout Paris ou Lyon peuvent se positionner avec des moyens autrement plus imposants, mais en recherchant des jeunes à même de vouloir défendre les institutions locales. Pour nourrir ce modèle sportif, les deux clubs professionnels peuvent s’appuyer sur un dense réseau amateur, élaboré dans la dernière décennie par les Comités Techniques Régionaux locaux. « Grâce notamment au travail d’un Patrick Gonfalone(aujourd’hui sélectionneur des U19 français ndlr), le réseau pré-formation est bien en place en Normandie » souligne Bannier, qui œuvre aujourd’hui comme adjoint de la CFA à Bordeaux.

Quevilly-Rouen, troisième poids lourd en devenir ?

Alors certes, la Normandie est encore loin du potentiel de l’Île-de-France ou du Rhône-Alpes, il n’y a pas encore de recruteurs étrangers qui viennent scruter le monde amateur « car la densité de talents est moindre que dans d’autres régions » estime Tiarcy. Mais le football normand avance et pourrait bientôt compter un troisième club solidement installé dans les deux premières divisions. Quevilly-Rouen est en effet à la lutte pour la montée en Ligue 2, « et il va falloir alimenter l’équipe première en joueurs formés ici car on n’aura jamais le budget pour recruter » . Actuellement, l’éducateur estime à « 0,2 ou 0,3% » le nombre de jeunes par promotion qui deviennent professionnels via sa structure. Mais avec une place dans l’anti-chambre de l’élite, le score pourrait exploser et renforcer un vivier normand qui a discrètement sorti quelques valeurs sûres dans la dernière décennie.


Les grands clubs formateurs : Le Havre et Caen

Deux entités, une pour la Haute-Normandie, l’autre pour la Basse-Normandie. A priori, la répartition des forces est idéale entre le SM Caen et Le Havre. Avec pour chacun des clubs la volonté de sonder en priorité ses environs, mais sans se fermer à l’immense vivier parisien, une nécessité. « On a un recrutement local en priorité, et ensuite on se tourne vers l’intérieur des terres. Mais avec la mer au nord, on ne peut pas avoir une zone d’influence à 360°, mais on a l’avantage de n’être qu’à 2h de train de Paris. On ne dépasse pas les 200 km de distance, car on veut que les parents puissent suivre et voir leurs enfants. Cet équilibre sport et famille est au cœur de notre stratégie. » Johann Louvel dirige le centre de formation havrais et peut se targuer des résultats de son club, capable de sortir quelques « top players » comme Lassana Diarra, Paul Pogba, Ryad Mahrez, Steve Mandanda ou Benjamin Mendy pour ne citer que les plus récents. « On ne forme pas que des joueurs pour notre équipe première même si on est fiers de voir des Havrais porter notre maillot. À l’image de ce que l’on a vu pour des Pogba, Mahrez, Mendy ou Mandanda, on n’a pas d’états d’âme si l’équipe pro n’est qu’une étape pour certains de nos jeunes. On est fiers de les voir dans de gros clubs. »

Pour le HAC, la formation est un pivot dans la survie de l’institution, donc autant profiter au mieux de la mine d’or parisienne. Ce qui passe par une méthodologie axée « sur un travail individualisé avec chaque gamin. » Parmi les premiers centres labellisés du pays, l’un des seuls classifiés 1A -le meilleur niveau- en Ligue 2, Le Havre se base en partie sur une évaluation continue de ses protégés, via à un code couleur allant du bleu au rouge pour chaque thématique, qu’il s’agisse du poste de prédilection, des qualités techniques et athlétiques, ou de la personnalité. « Cela va du bleu, le très bon, au rouge, le mauvais, et entre les deux c’est vert et orange. » Benjamin Mendy, doté de qualités innées hors normes, a ainsi rapidement été dans le rouge en tant qu’attaquant, mais considéré comme « bleu » et donc particulièrement prometteur pour une reconversion comme arrière latéral. Qui aujourd’hui lui permet d’évoluer en Ligue des champions et d’apercevoir l’équipe de France. Ce n’est pas pour rien qu’avec moins de 2,5 millions d’euros de budget annuel, le centre havrais puisse rivaliser avec la fine fleur française. « On a un vrai savoir-faire. »

À Caen, les résultats récents n’ont pas la même portée symbolique, mais n’en sont pas moins solides. Grâce à des principes précis, comme le recrutement raisonnable : « l’avantage de notre politique, c’est qu’un Bodmer pouvait rentrer dans sa famille une fois par semaine, un Benoît Costil lui, rentrait chez lui tous les soirs et n’a pas connu l’internat. » Une fierté pour Bannier, pour qui le Stade Malherbe ne s’interdisait que la Bretagne – « car il y a trop de clubs formateurs déjà présents » – mais pas de tenter des paris comme un partenariat en Guadeloupe. « Thomas Lemar, les frères Zubar ou Lenny Nangis, cela vient de là. »


L’équipe type :

Mandanda – Guerreiro, Yago, Bodmer, Heurtaux – Diarra, Pogba, N’Zonzi – Payet, Mahrez, Dembélé.


La liste des 23 :

Gardiens : Steve Mandanda (Crystal Palace), Benoît Costil (Rennes), Nicolas Douchez (Lens)

Défenseurs : Raphaël Guerreiro (Borussia Dortmund), Benjamin Mendy (AS Monaco), Steeve Yago (Toulouse), Frédéric Guilbert (Caen), Mathieu Bodmer (Nice), Thomas Heurtaux (Udinese), Jean-Armel Kana-Biyik (Kayserispor), Nicolas Pallois (Bordeaux)

Milieux : Lassana Diarra (Marseille), Paul Pogba (Manchester United), Steven N’Zonzi (Séville), Thomas Lemar (Monaco), Prince Oniange (Wolverhampton), Toungo Doumbia (Toulouse)

Attaquants : Dimitri Payet (West Ham), Ryad Mahrez (Leicester), Youssef El Arabi (Grenade), Ousmane Dembélé (Borussia Dortmund), M’Baye Niang (AC Milan), Nicolas de Préville (Lille)


Dans cet article :
Nos régions ont du talent : Nord-Pas-de-Calais-Picardie
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Tous propos recueillis par Nicolas Jucha

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