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Nos régions ont du talent : Île-de-France
D'ici l'Euro, on fait une revue d'effectif de ce que les régions françaises ont de mieux à offrir question football. Histoire de mieux se familiariser avec le nouveau découpage administratif et de ce que cela implique pour le ballon rond. Nouvelle étape en Île-de-France, où tout le monde veut prendre le PSG de vitesse.
« On recrute beaucoup dans la région PACA, histoire de faire du local, mais après, c’est surtout en Île-de-France, là où il y a le plus de joueurs. » Frédéric Barilaro est formateur à l’AS Monaco, l’une des grandes références françaises quand il s’agit de sortir des jeunes talents. Cataloguée comme formation « d’élite » , l’académie asémiste a les yeux rivés sur la région parisienne car cela rapporte. Un Thierry Henry par exemple. Mais le club de la Principauté n’est pas le seul à lorgner dans ce qui devrait, logiquement, être le terrain de chasse du PSG. « Aujourd’hui, ce ne sont pas que les clubs d’Île-de-France ou de France qui scoutent la région, mais ceux des cinq grands championnats, et même plus. Belgique, Pays-Bas, bien-sûr, mais aussi des pays plus exotiques comme la Turquie, la Macédoine ou l’Azerbaidjan… » , assure Franck Scanvic, « permanent » de l’AC Boulogne-Billancourt, l’un des clubs amateurs les plus productifs de l’IDF.
Le potentiel démographique de Paris
Si tout le monde vient faire ses courses à proximité de Paris, c’est parce que l’offre est riche et bonne.
« Même dans des niveaux districts, c’est plus relevé et dense que dans les régions » , assure Bafodé Diakhaby, ancien joueur pro au FC Bruxelles formé au PSG, et depuis un an formateur au Paris FC. Les raisons sont multiples, entre un potentiel démographique évident et un contexte social qui favorise l’attrait pour le ballon rond, « un sport simple à pratiquer et qui dégage des espoirs d’ascension sociale » , souligne Claude Dussault, éducateur de l’INF Clairefontaine aujourd’hui à la retraite. « À une époque, un professionnel sur trois environ sortait de la région Île-de-France. Là où il y a une grande métropole dans un pays de football, on a un vivier. Madrid, Londres, Buenos Aires, Rio de Janeiro. »
Qui dit vivier dit besoin de quadriller pour optimiser la recherche de la perle rare. Et dans ce domaine, Dussault assure que les clubs pros n’ont rien laissé au hasard :
« Certains gamins, les clubs pros les ont déjà repérés plusieurs années avant qu’ils ne débarquent au pôle espoirs. C’était le cas d’Hatem Ben Arfa ou de Thierry Henry, que Monaco a ciblé très tôt. » Diakhaby croit savoir que « même des clubs comme Chelsea sont aujourd’hui présents et regardent les enfants d’Île-de-France dès un très jeune âge. » Ce qui, a priori, laisse moins de latitude aux écuries plus « exotiques » pour déraciner de jeunes talents. « Ils peuvent attirer des jeunes qui mettent l’argent en priorité dans leur plan de carrière. Les joueurs ou leur entourage. Cela nous rend la tâche compliquée pour tracer les joueurs partis et éventuellement réclamer nos indemnités de formation quand il y a un transfert » , témoigne Scanvic, pour qui l’effervescence footballistique en Île-de-France a également pour effet secondaire de générer une multiplication des intermédiaires. « Déjà que les clubs pros ont du mal à suivre parfois, imaginez pour nous. Souvent, on ne sait pas si la personne qui se revendique représentant d’un gamin a vraiment la légitimité ou non… »
Un second grand club parisien pour optimiser le vivier ?
Il y a plusieurs décennies, les choses étaient plus simples selon le dirigeant de l’ACBB : « Les gros clubs passaient par les entraîneurs directement pour détecter des joueurs, puis ce sont les agents qui sont venus se placer en intermédiaire, mais nous à l’ACBB, on a préféré faire sans eux, en privilégiant l’option « partenariat » avec de gros clubs. Pour le PSG et nous, cela a duré 4 ans, mais c’était logique, c’était la période Laurent Perpère et leur siège était pas loin. » Depuis la fin du partenariat, le club du 92 voit débarquer des émissaires d’un peu partout. « Récemment, c’est quelqu’un de Leicester qui est venu voir un gamin. » Mais il continue d’entretenir une relation intelligente avec les clubs pros comme le PSG « qui nous renvoie les joueurs qui n’ont pas réussi à percer, et nous on les relance » .
Comme d’autres qui sont partis se planter dans des plans de carrière à l’étranger, « et qui reviennent à 21, 22 ou 23 ans et que l’on remet en selle. »
Un travail qui illustre l’apport du football amateur dans la région, « des petits clubs hors du monde pro qui bossent également très bien et peuvent sortir d’excellents joueurs » , dixit Dussault, qui aimerait cependant voir un second club parisien en Ligue 1 pour optimiser encore un peu plus la source francilienne. « On le dit et le répète, plus on déracine les gamins, plus le taux d’échec est élevé, donc l’idéal, c’est de garder les gamins dans leur région, près de leur famille, le plus longtemps possible. » Quid du Paris FC ou du Red Star pour compenser le manque et lancer des talents parisiens en Ligue 1 ? « Le problème, c’est aussi de savoir si on le veut vraiment » , demande Dussault. « Derrière le PSG, quel club serait capable de remplir un stade ? C’est assez récent pour le PSG, et puis bon, après, je ne suis pas contre que les gamins aillent percer ailleurs s’ils font comme Blaise Matuidi. Personne n’a fait attention à lui et finalement, il est parti avec son envie de réussir et s’est révélé à Troyes. C’est une trajectoire qui me convient aussi. »
Le gros club formateur local : le PSG
« J’ai été formé à Paris, et j’ai vu Bertrand Reuzeau mettre en place un vrai projet de formation qui porte ses fruits aujourd’hui » , témoigne Bafodé Diakhaby, qui a été formé au PSG de 1996 à 2009, et a donc vécu toutes les étapes de l’école de foot à la CFA sur place.
« C’est vrai que le club a aujourd’hui une politique ambitieuse, avec le recrutement de stars, mais il y a de vrais efforts pour avoir de bons jeunes qui sortent. » Ce que confirme Claude Dussault en expliquant qu’avec la densité du vivier francilien, « le PSG est obligé de passer à côté de certains joueurs car ils n’ont pas la place d’intégrer tous les talents » . Et si, pendant longtemps, le club de la capitale a donné l’impression d’être une impasse pour les joueurs de son sérail – période Paul Le Guen exceptée – « aujourd’hui cela travaille bien et tente de changer cette image en prêtant les joueurs pour les faire progresser, comme avec Areola ou Sabaly » . Et puis, le PSG n’est surtout pas seul sur son domaine car « même s’ils ont bien quadrillé la région » , selon Franck Scanvic de l’ACBB, « c’est aussi le cas d’écuries comme Nantes, Rennes, Monaco ou même Lille, Caen, Le Havre et Lens qui sont très actifs en Île-de-France et bossent de manière claire, simple et efficace » .
Ces derniers disposent en effet d’un réseau de recruteurs sur place capable de réagir très vite, « et on a donc des centres de formation qui ne demandent pas à faire cinquante essais aux gamins avant de leur donner une réponse » .
Quant aux autres grands clubs franciliens, ils ne boxent pas sur le même tableau « et surtout ils s’appuient sur leurs propres viviers naturels plutôt que sur un recrutement dans les petits clubs amateurs comme l’AC Boulogne-Billancourt » . D’ailleurs, Bafodé Diakhaby tient à préciser que son Paris FC « n’a jamais cherché à devenir un PSG bis, mais plutôt un club parisien en Ligue 1 qui miserait sur la formation et aurait les deux tiers de son effectif formés au club et issus de la région » . Sur le modèle de ce que fait l’Olympique lyonnais aujourd’hui. Une chose est évidente : si le PFC croit pouvoir se créer un avenir en Ligue 1 en s’appuyant sur du local, c’est que Paris peut également rêver plus grand avec des Franciliens. « Quand on voit ce que fait Barcelone avec un vivier qui a priori n’est pas supérieur au nôtre, cela laisse songeur. Dès lors qu’ils ne perdront plus des Kingsley Coman en cours de route, ces jeunes finiront dans le onze. » Claude Dussault est plutôt d’accord avec la théorie de Diakhaby : « Le PSG peut, avec réalisme, s’imaginer en mesure d’atteindre ses objectifs sportifs élevés en s’appuyant sur la formation. Et heureusement, la politique actuelle semble tenter d’aller dans ce sens. »
Le onze type d’Île-de-France:
Areola; Évra, Aurier, Sakho, Benatia; Pogba, N’Kanté, Matuidi; Martial, Mahrez, Coman.
La liste élargie des 33 originaires d’Île-de-France
Gardiens : Alphonse Areola (Villarreal), Nicolas Douchez (PSG), Benjamin Lecomte (Lorient), Paul Bernardoni (Bordeaux)
Défenseurs : Patrice Évra (Juventus), Lucas Digne (Roma), Serge Aurier (PSG), Sébastien Corchia (Lille), Mamadou Sakho (Liverpool), Eliaquim Mangala (Manchester City), Mehdi Benatia (Bayern Munich), Lamine Koné (Sunderland), Raphaël Guerreiro (Lorient), Benjamin Mendy (Marseille), Steven Moreira (Rennes), Presnel Kimpembé (PSG)
Milieux : Paul Pogba (Juventus), Lassana Diarra (Marseille), Blaise Matuidi (PSG), N’Golo Kanté (Leicester), Moussa Sissoko (Newcastle), Yacine Brahimi (FC Porto), Adrien Rabiot (PSG), Geoffrey Kondogbia (Inter Milan), Sofiane Feghouli (FC Valence)
Attaquants : Anthony Martial (Manchester United), Ryad Mahrez (Leicester), Kingsley Coman (Bayern Munich), Wissam Ben Yedder (Toulouse), Hatem Ben Arfa (Nice), Sofiane Boufal (Lille), Paul-Georges Ntep (Rennes), Jérémy Ménez (AC Milan)
Par Nicolas Jucha