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Nos régions ont du talent : Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente
D'ici l'Euro, SoFoot.com fait une revue d'effectif de ce que les régions françaises ont de mieux à offrir question football. Histoire de mieux se familiariser avec le nouveau découpage administratif et ce que cela implique pour le ballon rond. Cinquième étape en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente, où les Chamois niortais ambitionnent secrètement de mettre fin à la domination des Girondins de Bordeaux.
« On est sur des terres de rugby, même si on a Bordeaux, et Toulouse pas loin, avec un club en Ligue 1. Mais si on regarde le rugby, on a plein de clubs dans les trois premières divisions alors qu’en foot, après les Girondins, c’est Pau en National. » Benoît Domenges est responsable des équipes de jeunes du Pau FC, réaliste – un peu chauvin, car il occulte Niort -, mais pas forcément fataliste face à la concurrence du ballon ovale, car « malgré tout, il y a une grosse offre football, pas loin d’un club par village, c’est peut-être trop » . Plus qu’une opposition entre deux formes de ballon, Gérard Roland, directeur adjoint du Pôle Espoirs d’Aquitaine, au CREPS de Bordeaux, considère surtout sa région comme un endroit « où il y a beaucoup de choses à faire en dehors du football. En rugby bien sûr, mais on peut même penser aux sports nautiques et à plein d’autres choses. » Ce qui fait de l’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente une région où le ballon rond est forcément moins passionnel qu’à proximité de Marseille ou même dans le Nord, où il peut être ancré dans la culture locale comme à Lens. « Et puis si on parle de gros vivier, on parle donc de gros bassin de population, et nous, on est loin d’être aussi important que l’Île-de-France, la région lyonnaise ou le Sud-Est, donc on n’est pas un grand vivier français » , tranche André Penalva, responsable des U17 aux Girondins de Bordeaux. D’autant que pour lui, « le football de rue n’existe plus vraiment ici, c’est trop réglementé, on ne peut plus jouer n’importe où » . Une situation qui fait du réseau de clubs amateurs le fil de vie du football régional, « avec le futsal qui se développe pas mal et qui est une idée à creuser quand on voit le talent d’un Wissam Ben Yedder » . Qui a explosé à Toulouse, à 250 km de distance, « le seul autre gros club local avec Bordeaux si l’on excepte les Chamois niortais, en Ligue 2 » , précise Gérard Roland, même si le TFC appartient à la région administrative du Languedoc-Roussilon-Midi-Pyrénées.
Niort, Trélissac, Agen, références chez les jeunes
Malgré cette faiblesse apparente dans l’offre de clubs de haut niveau, l’Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente n’en reste pas moins scruté par les recruteurs de tous horizons. « Je me demande s’il n’y a pas plus de recruteurs que de joueurs pendant les matchs, c’est problématique pour les gamins et leurs parents » , assure Domenges. Force de la réputation de la formation française dans son ensemble ? L’éducateur de Pau pense surtout que « plusieurs clubs bossent bien chez les jeunes, comme Niort, Trélissac ou même Agen » . Sans oublier le poids lourd local. « Cette année, on les a rencontrés en U15 régionaux et on n’a pas existé. Il y a des générations de grande qualité. » Qui ne bénéficient pas qu’aux Girondins, comme le certifie Gérard Roland : « Nos joueurs partent dans toute la France. Cela peut même déboucher sur des transferts à l’étranger, même si on privilégie les clubs français, car on est une structure fédérale. Toulouse, Lyon ou Monaco font partie de ceux qui viennent se servir chez nous. » Dernier exemple en date d’une expatriation précoce, « c’est la Real Sociedad qui vient de recruter un gosse à Bayonne » , précise Domenges. Pour Roland néanmoins, comme pour n’importe quel formateur, l’idéal, « c’est de voir les jeunes percer dans les clubs de la région comme Bordeaux, car on sait notamment que les échecs sont plus courants avec l’éloignement de la famille » . Mais pas question pour lui de se sentir pieds et poings liés aux Girondins de Bordeaux, « si eux ne prennent pas nos joueurs, on sait que d’autres équipes leur donneront leur chance » .
Qui sera le prochain Mathieu Chalmé ?
D’autant qu’à en croire André Penalva, le footballeur du bassin aquitain, du Limousin ou de Poitou-Charente a toutes les caractéristiques du joueur de club idéal : « Le sérieux, l’application, la stabilité, la loyauté… » Les exemples ? « Chalmé, Planus ou Marange symbolisent bien cela. » Des éclosions de joueurs pas forcément impressionnants, mais collectifs, qui peuvent s’épanouir dans un contexte moins passionné et donc plus « plus patient » , estime Penalva. « Benoît Trémoulinas, il aurait été laissé de côté dans d’autres régions, car il était limite physiquement, a eu du mal à percer en pro, car il s’est beaucoup blessé au moment de franchir le pas… Et puis finalement, on ne l’a pas mis de côté et il a explosé avec Laurent Blanc. » Mais l’approche collective et patiente a ses limites : chez les joueurs encore en activité, peu d’attaquants de haut niveau sont originaires ou ont été formés dans la région. La référence actuelle s’appelle Cheikh Diabaté, en fin de contrat à Bordeaux, qui avait été le chercher au Mali pour finir sa formation. « On a beaucoup de gamins qui veulent toucher le ballon et pas seulement attendre que le ballon arrive, se sacrifier pour l’équipe et ne toucher le ballon que toutes les 3 minutes » , tente de justifier Penalva. Quand Domenges y voit plutôt une évolution du jeu, car « on joue souvent avec un seul devant, et donc on cherche la perle rare plutôt que de former des joueurs pour ce poste » . Une mauvaise stratégie selon André Penalva, pour qui « il faut remettre ce poste au goût du jour, car en Île-de-France par exemple, ils ont beaucoup d’attaquants dribbleurs, et ils se retrouvent en sélection » . Pour Benoît Domenges, qui estime que la région a « l’une des meilleurs écoles de gardiens de but » , les décisions doivent être prises « en haut de la pyramide. Selon le projet de jeu de l’équipe pro, cela actionne des générations à certains postes » . Vu les performances d’Isaac Kiese Thelin, on peut quand même se dire qu’il y a une carte à jouer pour les gamins d’Aquitaine qui veulent devenir avant-centre des Girondins…
Le grand club formateur
Les Girondins de Bordeaux et le désert. Ou presque, avec les Chamois niortais en Ligue 2 et Pau en National. « Logiquement, Bordeaux devrait être la première source de débouchés pour nos joueurs » , pose Roland, à propos des promotions qu’il a sous la main au Pôle espoirs. « À une époque d’ailleurs, ils nous en confiaient certains pour la pré-formation. » Sauf que les temps ont changé, et les Girondins sont en mesure de jouer en solo, car « ils ont le statut « élite » et peuvent donc préformer eux-mêmes les gamins » . Et donc pour les Bordelais, l’essentiel n’est plus alors de travailler main dans la main avec le Pôle Espoirs, mais bien de dénicher les talents à la source, c’est-à-dire au sein des clubs amateurs du bassin. « Un club pro doit s’appuyer sur les clubs amateurs pour son recrutement, car ils font un premier travail de repérage au niveau local, voire communal. Philippe Goubet, l’un de nos anciens recruteurs, s’occupe à plein temps des relations entre les Girondins de Bordeaux et les clubs amateurs environnants » , explique Penalva, selon qui ce maillage local minutieux a un double effet : trouver de la qualité, mais aussi « renforcer l’attachement, la prise avec la région » . Ce que le club au scapulaire n’a pas forcément toujours fait avec un axe Bordeaux-Cannes (Crivelli, Touré), des recrutements franciliens (Sertic, Obertan), voire africain dans le cas de Diabaté. Benoît Domenges : « Bordeaux a été chercher des joueurs ailleurs, mais a remis la main sur la région afin de ne pas laisser filer les talents régionaux. C’est important, car il faut faire du local, même si dans certains cas, on ne peut empêcher le déracinement : un gamin de Bayonne au Pôle espoirs de Talence sera déraciné… » Pour le dirigeant de Pau, les Girondins sont une composante vitale pour la formation locale « comme la Bourgogne avec Auxerre. Depuis que le club est descendu, c’est plus difficile pour eux, comme la région de Grenoble quand le club a explosé en vol. Un gros club, c’est une motivation et une visibilité pour le travail effectué, ainsi qu’une opportunité de se confronter au plus haut niveau pour ces jeunes. »
Gérard Roland assure pourtant que certains parents préfèrent encore confier leurs enfants à son Pôle Espoirs plutôt qu’aux Girondins pour la préformation, « car on est dans une structure CREPS plus ouverte, moins centrée purement sur le football, avec une scolarité plus classique » . André Penalva pense néanmoins qu’à niveau de structure égal, les Girondins de Bordeaux ont l’avantage d’offrir « un cadre familial qui facilite l’intégration des jeunes de l’extérieur » . Entre la situation économique de Bordeaux et la nomination de Jocelyn Gourvennec à la tête de l’équipe première, Benoît Domenges s’attend à des lendemains qui chantent. Avec à l’esprit un idéal que les Bordelais doivent prendre pour modèle selon lui. « Lyon a mis en place avant tout le monde ce qui était nécessaire : un nouveau stade et une politique de formation, soutenue par une philosophie de jeu à tous les étages. Bordeaux a ce qu’il faut pour adopter une politique similaire. Mais il faut y mettre des moyens. Quand on voit les salaires accordés dans les staffs pros par rapport à ceux des formateurs, l’écart est trop important alors que les éducateurs ont un rôle essentiel. » Gérard Roland ne dira pas le contraire : « Lyon réussit sa politique de formation, car ils en ont perçu l’intérêt il y a longtemps et on investit fortement dessus, notamment au niveau financier. À Bordeaux ou dans d’autres clubs, le potentiel est réel, mais a-t-on investi autant de temps et d’argent que Lyon ? À Lyon, cela se voit dans la stratégie de l’équipe première où des places sont laissées aux jeunes du centre. Et sur le long terme, cela permet de voir se développer un Lacazette, un Fekir, un Gonalons, un Ben Arfa ou un Benzema. En prenant le risque de lancer des jeunes à 18 ou 19 ans, ils ont aussi la possibilité d’un retour sur investissement exceptionnel avec des joueurs performants qui n’ont pas nécessité un transfert onéreux. » Avec dix joueurs maison dans son équipe première, Bordeaux a déjà les intentions.
Équipe type joueurs actuels
Ruffier – Trémoulinas, Laporte, Koscielny, Jallet – Krychowiak, Rabiot, Capoue – Valbuena, Touré – Diabaté
Liste des 23
Gardiens: Stéphane Ruffier (Saint-Étienne), Benjamin Lecomte (Lorient), Jérôme Prior (Bordeaux)
Défenseurs : Benoît Trémoulinas (Séville), Florian Marange (Bastia), Christophe Jallet (Lyon), Jonathan Martins Pereira (Guingamp), Laurent Koscielny (Arsenal), Aymeric Laporte (Athletic Bilbao), Damien Da Silva (Caen), Cédric Yambéré (Bordeaux)
Milieux : Grzegorz Krychowiak (Séville), Adrien Rabiot (PSG), Étienne Capoue (Watford), Rio Mavuba (Lille), Mathieu Valbuena (Lyon), Floyd Ayité (Bastia), Adam Ounas (Bordeaux), Henri Saivet (Newcastle)
Attaquants : Cheikh Diabaté (Bordeaux), Enzo Crivelli (Bordeaux), Sloan Privat (Guingamp), Thomas Touré (Bordeaux)
Tous propos recueillis par Nicolas Jucha
NB : Est considéré comme « sélectionnable » tout joueur né en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente ou formé au moins une saison dans la région, sans distinction de nationalité.