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Norvège-France 2010, le match d’après Knysna
Présentée comme le match du rachat, cette rencontre amicale en Norvège marquait une rentrée internationale du foot français sous le signe du redoublement. Reléguée sportivement, recalée moralement, l’équipe de France entamait sa (très) longue marche vers la rédemption.
« Avec Blanc, on sort du noir ». Jeu de mot à deux balles sur la banderole des Farfadets, un des rares groupes de supporters français, que les caméras de TF1 zooment longuement. Christian Jeanpierre et Bixente Lizarazu assurent les commentaires dans la tiédeur d’un Ullevaal Stadion d’Oslo aux nombreux sièges vides. On est le 11 août, période de reprise de Ligue 1 et du traditionnel match amical des Bleus, disparu depuis. Adidas fournit encore ses trois bandes avant de passer bientôt le relais à Nike. Maillot blanc virginal, manches courtes, sans noms floqués au dos, histoire de se faire oublier. Ruffier est en kit gris souris, rase-muraille. En lunettes sévères, costard-cravate, mais sans la touillette, Laurent Blanc affiche une nervosité que ses bras croisés ne masquent pas. C’est la première après le « désastre » , 50 jours pile depuis le France-Afrique du Sud de Bloemfontein (1-2) qui avait renvoyé les mutins de Knysna au terminus des prétentieux. Raymond a giclé, Escalettes aussi. Titi Henry s’est éclipsé, Nico Anelka a été dézingué par les foudres fédérales et Toulalan hante incognito la cafète d’un magasin Casino d’une banlieue nantaise. Ribéry et Evra sont bons pour le service en ce mois d’août mais, punis eux aussi par la FFF, ils sont officiellement exclus pour encore quelques matchs.
En fait, tous les Bleus présents en coupe du monde ont été suspendus pour ce rendez-vous norvégien. C’est la sanction symbolique très clémente qui a été adoptée par le tout nouveau sélectionneur, Laurent Blanc, en accord avec la Fédé. Sa nomination fait encore un peu tache vu qu’elle avait été décidée le 21 mai, juste avant le Mondial, savonnant un peu plus la planche pourrie sur laquelle Raymond tanguait grave. Et puis, vu de Bordeaux, on n’a pas trop apprécié le « lâchage » du club par « Coach Laurent » dont le contrat courait jusqu’à juin 2011. Une impression de précipitation escorte aussi son parachutage à Clairefontaine : s’il ne faisait aucun doute que Blanc et Deschamps seraient un jour sélectionneurs de l’équipe de France, on pensait que pareille promotion serait plus tardive. Avec une expérience sur le banc plus ancienne, DD partait mieux placé pour cette nomination suprême…
Avec les réservistes de Raymond !
Bizarrement, la liste des 23 du « Président » emprunte pas mal au groupe élargi de son prédécesseur puisque Rod Fanni, Adil Rami, Yann M’Vila (titulaires contre la Norvège), ainsi que Lassana Diarra, Hatem Ben Arfa et Jimmy Briand (qui entreront en jeu à Oslo) figuraient parmi les réservistes de Raymond Domenech au Mondial sud-africain – Diarra ayant été lui forfait pour cause de drépanocytose. Les fanatiques du Vivre-Ensemble saluent, eux, le retour en bleu des Ben Arfa, Benzema et Nasri, non retenus en Coupe du monde. C’est d’ailleurs ce dernier, Gunner depuis 2008, qui mènera le jeu en pointe du 4-4-2 losange, derrière la paire d’attaquants Hoarau-Rémy. Yann M’Vila, Moussa Sissoko (encore au TFC) et Charles N’Zogbia complètent le milieu de terrain. En défense, le bon gars Rod Fanni et le sur-évalué Aly Cissokho encadrent le duo peu rassurant constitué d’Adil Rami et de Philippe Mexès, capitaine d’un soir. Histoire de bien motiver ses gars, Laurent Blanc avait prévenu qu’« il y avait pour chacun des points à marquer ».
Objectif atteint en première mi-temps avec une équipe de France séduisante devant, et notamment dans les airs avec deux bonnes têtes de Hoarau, puis de Rami sur corner. À la 16e, on croit même au premier but du match sur une autre tête, plongeante et à bout portant, de Loïc Rémy sur un centre de Moussa Sissoko que le portier Knudsen repousse péniblement. À la 29e, une bonne volée du gauche du même Sissoko est sortie de la lucarne une fois encore par le gardien viking. Un 0-0 emballant clôt la première période. Le changement de système à la pause introduit un 4-2-3-1 (avec Hoarau seul en pointe) qui fait place aussi à trois entrants : Jérémy Ménez, Lassana Diarra et Ben Arfa. Et ça paye d’entrée avec ce dernier sur une superbe frappe sèche des 25 mètres qui rase le bas du poteau (1-0, 48e). Joie de courte durée puisque Huseklepp égalise deux minutes plus tard en devançant Hoarau dans la surface avant de décocher une demi-volée qui trompe Ruffier, maladroit sur cette action.
L’illusion Hatem
Et là, le bloc français va reculer de plus en plus malgré l’entrée de Karim Benzema (61e). Et les flottements au milieu vont vite gagner la défense. À la 71e, Diarra manque son contrôle dans le rond central au profit de B.H. Riise qui lance Huseklepp parti en sprint dans le trou béant laissé par la défense centrale. Après avoir dribblé Ruffier (trop facilement éliminé), l’attaquant norvégien signe un doublé (2-1). Rageant ! Les Bleus ont laissé échapper la victoire vu que le score ne bougera plus. « À part le résultat, il y a beaucoup de choses positives, confiera Laurent Blanc au coup de sifflet final. Nous sommes déçus car nous étions venus pour gagner. Le jeu m’a plu et on a essayé de partir de nos bases arrière. » Pour le jeu pratiqué et l’attitude humblement disciplinée, la très estivale opération séduction a partiellement réussi auprès d’un public français qui est pourtant loin de vouloir pardonner l’humiliation de Knysna.
Sur le fond, on sent bien que la mise en place d’une véritable identité de jeu va prendre du temps. Dans le détail, le chantier de la défense axiale (encore défaillante) apparaît sans fin. En août 2010, la France, 22e au classement Fifa, ne fait peur à personne, comme l’attestera la victoire de la Biélorussie au Stade de France le 3 septembre suivant, en premier match des éliminatoires de l’Euro 2012 (1-0). Symbole à Oslo du renouveau des Bleus et plus que jamais porteur à 23 ans des espérances fondées sur ses dons inouïs, Hatem Ben Arfa confirmera hélas sa trajectoire de talent gâché pendant encore deux ans jusqu’à l’Euro 2012. Ce sera aussi la fin du bail avec les Bleus de Laurent Blanc, déjà miné par l’Affaire des quotas. Incapable d’imprimer un style véritable à l’équipe de France et, surtout, inapte à redresser son image auprès des supporters, Laurent Blanc ne parviendra pas non plus à réussir l’amalgame des Bleus de Knysna et ceux de l’après-Knysna. Son demi-échec (quart de finale à l’Euro 2012, tout de même) constituera néanmoins une petite avancée à partir de laquelle Didier Deschamps lancera son opération reconquête couronnée six ans plus tard à Moscou…
Par Chérif Ghemmour