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Non, l’OM ne méritait pas mieux
Au Groupama Stadium dimanche soir, l’OL de Bruno Génésio n’a pas eu la possession (40,8%) et a vu Anthony Lopes enfiler un costume d’homme élastique décisif. Détail : les Lyonnais se sont imposés (2-0), grâce notamment à une boulette rapidement trouvée dans la chaussette de Mandanda, mais si Rudi Garcia est ce lundi matin « déçu et frustré », cela doit avant tout être à cause de son gang et de Nabil Fekir. Voilà pourquoi.
Drôle d’ambiance au moment de couper la musique dimanche soir, derrière la ligne du Groupama Stadium : moustache impériale parfaitement travaillée, Adil Rami est droit, il lâche un regard rapide jeté vers la fumée qui se dégage du Virage nord, et s’élance, parlant d’une soirée où l’on n’aura « pas vu un grand Lyon » , mais où « les trois points » resteront le plus important. Avant de quitter la scène, quelques mots supplémentaires glissent de sa barbe : « Cette saison, on va gagner des matchs, on va en perdre, mais il faut l’accepter. On va être dans la bataille jusqu’à la fin, et cette équipe de Lyon va avoir des difficultés, je pense. » L’OM vient de s’incliner pour la première fois en championnat depuis son dérapage au Vélodrome, le 10 septembre dernier, face au Stade rennais (1-3), mais surtout de laisser l’OL prendre trois points d’avance.
Soit le destin d’une victime abattue en deux coups de flingue, l’un de Fekir en début de match sur un coup franc qui a savonné Steve Mandanda – but qui a foutu en l’air le scénario d’une rencontre entre deux équipes à l’approche similaire, aux schémas calqués –, l’autre de Mariano juste après l’entracte. Logique ? « Le score ne reflète pas la physionomie du match, répond Rudi Garcia, coach d’un OM qui aura bouclé la soirée avec un taux de possession (59,2%) positif pour une équipe à l’extérieur, et qui sera tombé sur Anthony Lopes, gardien élastique d’un OL qui se sera fait pilonner à près de vingt reprises dimanche soir (pour six arrêts de Lopes, ce qui est énorme pour un gardien, ndlr). Nous avons manqué de réussite.(…)Nous avons perdu, car nous n’avons pas su marquer et nous sommes tombés sur un grand gardien. » Vérité : si Lyon s’est imposé dimanche soir, c’est avant tout grâce à son réalisme froid, là où Bruno Génésio a reconnu que son équipe ne pouvait « pas toujours briller et gagner » et où le jeune Houssem Aouar a avoué que l’OL n’avait pas « su exploiter [son] jeu, le mettre en place » .
Curseur, scénario et efficacité
Alors oui, dimanche soir, à Lyon, débarqué dans un 4-2-3-1 tenu par une ligne Sakai-Rami-Rolando-Amavi, où Zambo Anguissa avait été préféré par Garcia à Maxime Lopez et où Ocampos avait poussé Sanson sur le banc, l’OM a fini la soirée avec des regrets, des vrais. Parce qu’Anthony Lopes avait décidé de rendre un hommage mérité à Joël Bats, marin en charge des gardiens de l’OL depuis 2000 et qui vivait là sa dernière soirée à la maison avant de filer au Canada. Parce qu’il y avait la place de faire plus aussi et parce que les hommes de Garcia n’ont pas poussé le curseur jusqu’au bout, surtout. Une impression, ressentie au fil de la rencontre : pour une équipe qui a dominé – dans la possession, les duels, les tirs –, l’OM a échoué dans sa capacité à rester haut, à asphyxier son adversaire, à lui prendre véritablement la gorge, ce à quoi le scénario écrit par le but rapide de Fekir aurait dû conduire.
En réalité, si l’OM a montré de la présence, la bande de Garcia ne l’a jamais fait avec efficacité, son nombre de fautes dans le camp adverse (11) étant supérieur à son nombre de tacles réussis (8). En clair, Marseille n’a jamais connu de véritable temps fort dans ce match, parenthèse permettant à une équipe de multiplier les attaques sans temps mort jusqu’à ce que la défense adverse finisse par plier. Au lieu de ça, les nombreuses fautes concédées dans la moitié de terrain lyonnaise ont permis aux locaux de remettre le pied sur le ballon et de souffler.
La répartition des 19 fautes de l’OM dans ce match. Cruauté du football, les deux les plus proches du but de Mandanda ont été les déclencheurs (plus ou moins directs) des deux buts lyonnais.
Le leurre Fekir
Partant, l’OM a finalement laissé les Lyonnais progressivement dicter leur tempo, leur scénario, là où Génésio affirmait tout haut, cette semaine, que l’objectif de la seconde partie de saison de son équipe serait « d’être capable d’évoluer de différentes façons » . Soit en continuant de baser son jeu sur des transitions offensives, ou défensives, rapides, tout en développant une variété dans l’approche. Rapidement devant dimanche soir, l’OL a donc reculé, parce que l’OM l’y a poussé, mais aussi car cette équipe a la capacité de défendre bas sans subir grâce notamment à la présence de Tanguy Ndombele, titularisé face à l’OM, ce qui a permis de décaler Aouar sur l’aile gauche et de pousser Depay sur le banc, mais surtout de Nabil Fekir, central dans la victoire lyonnaise.
Preuve : après le deuxième but de l’OL, inscrit rapidement par Mariano au retour des vestiaires au bout d’un centre délicieux de Cornet, Fekir a reculé, jouant la majorité de ses ballons dans sa propre moitié de terrain, servant de liant offensif à lui tout seul, ce qui a permis à l’OL de plus que doubler son nombre de tirs (sept en seconde période, trois en première).
Ci-dessus, les passes effectuées par Nabil Fekir face à l’OM. En bleu pendant la première mi-temps ; en rouge pendant la seconde.
Quasi invisible à la finition (son seul tir du match étant le coup franc du 1-0, ndlr), Nabil Fekir était dimanche soir au déclenchement des actions de ses potes. Maître de son sujet, imperméable à la pression – il a malgré tout rendu un ballon à Luiz Gustavo dans le rond central en pleine seconde période -, le Français a souvent permis à l’OL de s’échapper de ses quarante mètres pour s’offrir des séquences de possession dans l’entrejeu. Phases de jeu bienvenues car décisives dans le gain de temps et la récupération des chargés défensifs du onze lyonnais. Mieux, Fekir a parfois servi de leurre, décrochant très bas pour attirer les milieux marseillais, avertis que pour faire taire le DJ de l’OL, il ne faut pas lui permettre de contrôler le ballon et donc le serrer de près, alors que ses défenseurs sautaient sa zone pour directement toucher les attaquants (Cornet, Mariano).
En plus de montrer son importance pour faire respirer toute l’équipe, les statistiques défensives de l’international français, deuxième Lyonnais ayant touché le plus de ballons (31) derrière Aouar, sont claires : sept ballons récupérés (contre 4,8 en moyenne depuis le début de saison), plus de 55% de duels gagnés… mais aucun ballon touché dans la surface adverse, ce qui est plus que logique vu la tournure d’une rencontre où Fekir a enfilé le maillot de meilleur buteur français actuel des cinq grands championnats européens avec douze pions. Ce dimanche soir a glissé une ligne de plus dans le dossier de l’international français, pivot du projet de jeu revu par Génésio durant l’été : choisir de défendre assez bas pour laisser le ballon à l’adversaire est une chose, le faire sans finir par s’étouffer en est une autre, Fekir ayant ici un rôle de Ventoline. Et de craqueur d’allumettes, là où Lopes aura assuré l’extinction des flammes.
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Par Maxime Brigand et Florent Toniutti, avec Opta