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Non, le foot français ne passe pas que par Benzema
D’espoir de toute une nation qui a toujours eu un problème avec ses attaquants mais voyait en lui la solution, Karim Benzema est devenu symbole d’un collectif qui cherche à être enfin efficace.
Débuter un match sur le banc, sans qu’il ne soit blessé, suspendu ou excusé, était une grande première pour l’attaquant des Bleus. Karim Benzema, pour des questions de rendement, a donc commencé sur la touche, mardi, contre la Biélorussie. D’ailleurs, il a fini sur la touche aussi.
En première période, il a pu admirer une prestation abyssale, encore plus décevante que quatre jours plus tôt en Géorgie, c’est dire, et pour tout dire la pire depuis longtemps des Bleus (qui ont à cette occasion battu, à la 21e minute de jeu, leur record de stérilité de 500 minutes, qui datait de 1924-25, soit 89 ans, quand même, quand on dit que nos joueurs n’ont plus le respect des anciens…). Karim a ensuite pu voir une seconde période bien plus fructueuse, et forte de 4 buts. Deux de Ribéry, un de Nasri, un autre de Paul Pogba, mais aucun de Giroud.
Giroud de secours
Après lui avoir été associé, l’avant-centre d’Arsenal a donc été cette fois titularisé en lieu et place de celui du Real Madrid, dans un 4-2-3-1 où, traditionnellement en Edf, l’avant-centre n’est pas des plus servis. Ce fut cette fois encore le cas. Pour certains, Giroud s’est beaucoup donné, a fixé la défense adverse et plus particulièrement ses deux membres centraux, permettant aux siens de jouer (enfin) plus haut, voire plus long, et même, soyons fous, de centrer. Pour d’autres, il s’est montré inutile voire insipide, en tout cas pas mieux que Benzema. Mais tous s’accordent sur son registre. Effort, sens du sacrifice, placement, tous ces mots-clés qui manquent à celui de Benzema. Efficacité aussi, et cette fameuse série (toujours en cours) de 1217 minutes sans but…
Giroud n’a donc pas convaincu au point de relayer Benzema au rang de simple remplaçant. Mais son profil et ce qu’il apporte au 4-2-3-1 français (le schéma inscrit dans l’ADN des Bleus, il serait temps d’arrêter de farfouiller) sont incontestablement passés devant celui du Merengue. Karim, lui, s’inscrit également dans la tradition de l’avant-centre français, mais l’autre versant, celui du neuf qui, pas assez servi à son goût, décroche, bascule, redescend, s’écarte, à gauche de préférence.
Si l’avant-centre français n’est donc jamais assez servi, il existe ensuite deux façons différentes de réagir, comme deux profils qui sont pour toujours voués à s’opposer. Le neuf qui, non sollicité, reste tranquille et discipliné à son poste, s’évertuant à distiller son énergie en pressing et autres efforts défensifs ; le neuf qui, non sollicité, passe son temps à dézoner pour mieux s’y retrouver, consacrant ses déplacements à sa propre cause plutôt qu’au sacro-saint esprit collectif et à la bonne tenue du bloc – voire aux consignes du coach.
De Guivarc’h à Anelka
Et pour chacun des deux profils existent en France deux jurisprudences. Trezeguet quand on regrette que le jeu de cet avant-centre pur soit tué dans le neuf et son rôle ingrat, Guivarc’h quand on ne voit là qu’un vulgaire chiffonnier ; Henry quand décalage, décrochage et démarrage sont appréciés, Anelka quand dézonage rime davantage avec démontage, sauvage et enfantillage. Même en ce qui concerne son avant-centre, la France se fait un malin plaisir à avoir deux visages.
Karim Benzema, depuis ses débuts lyonnais, semblait destiné à être celui qui réconciliait les deux profils. À la fois Trezeguet et Henry, le neuf parfait, chirurgical devant les buts, véloce le long des lignes, adroit face au gardien autant que dans le petit jeu avec ses milieux. Aujourd’hui, il est condamné à faire du Guivarc’h s’il ne veut pas devenir le nouvel Anelka.
Même si Giroud n’a pas scoré contre la Biélorussie, le grand perdant de la soirée s’appelle Karim Benzema. La France a livré son meilleur match, en tout cas sa meilleure mi-temps, sans lui. Résultat des courses, maintenant, on en est là. Karim Benzema n’est plus indispensable, ce qui était encore impensable il y a peu pour celui à propos duquel Thierry Henry disait, en 2008, que « le foot français passera par lui ou ne sera pas » . Aujourd’hui, il semblerait surtout que le foot français est prêt à se passer de lui.
Par Simon Capelli-Welter