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Nolito, une histoire de famille
Nouveauté de la liste de Vicente del Bosque, Nolito n'était en rien programmé à, un jour, enfiler le maillot de la Roja. Entre enfance atypique et parcours chaotique, cet Andalou de naissance, Barcelonais de cœur et Galicien d'adoption profite. Et encore, « le meilleur est à venir ».
Les doigts pointés vers le ciel, il dédie chacune de ses réalisations à son grand-père, Manuel. Au nombre de cinq depuis le début de saison, elles lui ont permis de glaner sa première convocation avec les grands de la Roja. Lui, c’est Manuel Agudo Durán, plus connu sous le surnom de Nolito. Âgé de 28 ans, la pointe du Celta Vigo est l’une des grandes surprises de la liste de Vicente del Bosque. Une récompense sur le tard, comme une revanche sur la vie, pour lui qui n’a connu ni père ni mère, incarcérée dès sa naissance. « Parfois, mes parents m’ont manqué, même si pour moi, ce sont ma grand-mère et mon grand-père. Ils ont été mes parents, ceux qui m’ont éduqué, raconte-t-il dans les colonnes du quotidien ABC. Tous les enfants étaient ramenés chez eux par leur mère ou leur père. Moi, c’était mon grand-père, qui était un peu plus vieux. » C’est dans un modeste baraquement de Cadiz, sur la côte andalouse, où une trentaine de cousins et oncles s’amassait, qu’il a grandi. Ce samedi, à une centaine de kilomètres de là, à Huelva, il s’apprête à « jouer dans un endroit spécial puisque ma famille sera là » .
« La première chose était de manger et s’habiller »
Sa famille, plus précisément ses grands-parents, est un fil rouge dans la vie de Nolito. Lorsqu’il naît, en 1986 à Sanlúcar de Barrameda, village à 50 kilomètres de Cadiz, il est confié à l’abuela Dolores et l’abuelo Manuel : sa mère, emprisonnée, ne peut s’occuper de son éducation. Au milieu de onze tantes et oncles et de quelque trente cousins, il se rappelle que « mes amis avaient trois cadeaux et moi un seul, s’il arrivait. Et il fallait le partager. Nous nous réjouissions de peu parce que la première chose était de manger et s’habiller » . Son grand-père, « un patron de bateau, un marin » , lui a inculqué la valeur du travail et le goût de l’effort. Si bien que, dès ses 13 ans, il se lève aux aurores pour aller travailler dans une boucherie. L’après-midi, plus qu’aux études, est dédiée au football, une passion qu’il tient également de son aïeul Manuel : « Lorsque mon arrière-grand-mère est morte, mon grand-père a hérité d’un peu d’argent. Une partie a servi à m’offrir un maillot du Barça et des chaussures Nike. J’avais 11 ans et le maillot m’a duré trois ans, jusqu’à ce qu’il soit trop petit. »
Le Barça, justement, Manuel en était supporter. Héritage toujours, il a « transmis ce qu’était que de se sentir culé » à son petit-fils. Après avoir écumé de nombreux clubs tout au long de sa jeunesse, Nolito est recruté par la réserve blaugrana en juillet 2008. L’entraîneur est alors Luis Enrique : « Il m’a marqué, en bien et en mal. Il a toujours été direct et clair avec moi, il m’a appris à voir le football d’une autre manière. Il m’a montré que je pouvais vivre de ça. Il m’a dit que j’étais un bon joueur, mais que je devais y croire. » Pour la première fois de sa vie, il imagine le football comme son métier. Un monde d’écart avec son enfance de laquelle il se remémore « de nombreux mauvais moments, des gens qui ont été avec moi, je me rappelle de la merde, comme je dis » . De la merde sortira le rêve. Après une ribambelle de buts et de bonnes performances, il est convoqué en octobre 2008 par Pep Guardiola. Deux ans plus tard, il fête sa première apparition. Entre-temps, grand-père Manuel a rejoint les cieux et Nolito pris en main les besoins économiques de la famille.
Luis Enrique, toujours et encore
Avec Nolito, le FC Barcelone a découvert un joueur tout aussi pugnace que fin technicien. Trop bon pour une réserve qu’il a fait monter d’un échelon, trop tendre pour concurrencer Messi ou David Villa, il émigre en 2011 au Portugal. Deux ans au Benfica et un prêt de six mois à Grenade plus tard, le Celta Vigo s’attache ses services. Aux commandes du club galicien, une vieille connaissance le retrouve et le chapeaute : Luis Enrique. Buteur régulier – 19 pions avec le Celta –, toujours juste techniquement, il a beaucoup appris du « football de rue » : « Avec la Playstation, les jeunes sont étourdis. J’ai beaucoup joué dans la rue et j’aime ça. L’été, je continue à jouer dans la rue avec mes amis. Avant, je n’avais pas de ballon et jouais avec celui d’un autre ami. Nous habitions un quartier de gens humbles et nos mères ne pouvaient pas toujours nous en acheter un. Mais on se débrouillait toujours pour en avoir un. » Désormais, Nolito est un homme comblé pour qui « le plus riche n’est pas celui qui a le plus, mais celui qui en a le plus besoin » . Son plus grand trésor s’appelle Lola et a 4 ans. C’est sa fille. La famille, toujours.
Par Robin Delorme, à Madrid