- Ma vie de joueur pro
- Épisode 10
Loïc Puyo : « J’ai peut-être pris plus de cuites après les matchs que pour le jour de l’an »
Ancien milieu de terrain passé par la Ligue 1, la Ligue 2, le National et même l’Australie, Loïc Puyo (36 ans) a plusieurs fois pris la plume afin de raconter, pour So Foot, la vie d’un footballeur. Un an après avoir annoncé, dans ces colonnes, sa retraite de joueur, il remet le couvert ce mois-ci pour une dixième chronique de circonstance : les footeux et les fêtes de fin d’année.
Quand on est joueur, n’importe quel jour de vacances supplémentaire est un nouveau cadeau sous le sapin. En tout cas, c’était comme ça que je le prenais. Et les coachs, qui l’avaient bien compris, s’en servaient souvent comme levier de motivation pour le dernier match de l’année avant le départ en vacances. Car la trêve de Noël représente bel et bien des vacances, pour les joueurs et les staffs. Une vraie pause pour les jambes, et pour le cerveau. Un moyen de couper complètement, au milieu d’une saison qui démarre fin juin avec le début de la préparation physique. Six mois non-stop, entrecoupés de quelques trêves internationales, mais qui ne représentent que de brefs moments de respiration – souvent trop courts pour rentrer chez soi auprès de ses proches.
À Nancy, Pablo Correa l’avait parfaitement compris. J’en avais discuté avec Benjamin Gavanon, qui m’avait expliqué que durant la saison 2008-2009, lors du dernier match de l’année civile, pour un déplacement très compliqué à Marseille, le coach leur avait lancé un défi : « Si vous gagnez ce soir, je vous donne un jour de vacances de plus, et chaque but marqué ajoutera un jour supplémentaire. » L’ASNL était allée gagner 3-0 au stade Vélodrome ! J’ai connu ce même challenge pendant mon passage en Lorraine, en Ligue 2. Lors de notre dernier match, à Évian Thonon Gaillard, dans le froid glacial d’un stade vide au milieu des Alpes, le même coach nous avait proposé le même deal. La source de motivation était toute trouvée. Même résultat à la fin : une victoire qui nous offrait deux jours de vacances en plus. Ça, c’est du coaching !
Cette période de Noël est un bonheur pour nous : elle permet de rentrer voir sa famille et ses proches, de se mettre au chaud et de relâcher un peu la pression, de changer du rythme habituel de la saison. C’est aussi l’occasion d’offrir plein de cadeaux. On peut (presque) tout s’offrir. Le vrai bonheur de Noël, c’est le fait d’arriver les mains pleines de paquets et de faire plaisir à son entourage. Pour ce qui est de mes listes de Noël, il faut croire que je ne devais pas beaucoup inspirer mes proches. Alors que j’avais 20 ans et que j’étais déjà pro, ma grand-mère m’avait offert un ballon de foot jaune avec le logo de l’Olympique lyonnais… merci quand même « Mamée » !
Faire plaisir aux autres et se faire plaisir à table ? Chacun voit les choses différemment, pour ma part je sais que physiquement, je ne relâchais pas vraiment, et j’essayais de ne pas trop modifier mon alimentation. J’ai peut-être pris plus de cuites après les matchs que pour le jour de l’An ! Je me laissais deux ou trois jours sans rien faire, mais je reprenais vite un programme soutenu en essayant de varier les activités. D’autres prennent vraiment le mot « vacances » au pied de la lettre. Mais tout ça se voit au moment de la reprise. Les préparateurs physiques avertissent, bien avant de partir, sur le risque de prise de poids. Et le vrai moyen de contrôler les écarts des joueurs, ce sont les menaces de sanctions financières. À Amiens, le deal était qu’à la reprise, à partir d’un kilo pris pendant les vacances, 100 grammes coûtaient 100 euros. Pour certains, l’addition était aussi salée que la dinde de Noël. Mais on a tous des mentalités et des approches différentes. Moi, j’étais paniqué de prendre le moindre gramme et d’arriver en méforme, quand d’autres semblaient ne pas du tout s’en préoccuper.
Je pense que la gestion des vacances est la même que durant la saison. Il y a un relâchement, mais pas un changement de mentalité. Que l’on soit chez sa famille, au chaud à Dubaï ou dans le froid à la montagne, si l’on est sérieux pendant l’année, on le sera aussi pendant les fêtes. À l’inverse, si on aime sortir, boire et se faire plaisir, ça sera la même chose pendant la trêve. On n’est pas tous égaux devant les excès. Des joueurs peuvent se permettre de faire n’importe quoi sans jamais le payer – financièrement et physiquement, d’ailleurs.
Moi, je n’ai pas toujours eu cette chance. Lors de la trêve de ma saison en Ligue 2 avec Orléans, le coach avait mis une reprise de l’entraînement le 29 décembre, une séance le 30 au soir et repos le 31 et 1er janvier. Mais lors de la dernière séance de l’année, une décision arbitrale lors d’un petit jeu m’a énervé et j’ai voulu me faire justice moi-même : résultat des courses, je me suis blessé tout seul au genou, j’étais malade le lendemain pour la soirée du 31, et je n’ai plus jamais rejoué avec Orléans. Ma carrière dans mon club de cœur s’est terminée un 30 décembre… pour un ego mal placé ! Avec, en prime, un jour de l’An gâché.
Malgré ce mauvais souvenir, les trêves de Noël restent toujours de bons moments. Des périodes qui permettent de se ressourcer, de penser à autre chose et de profiter des gens que l’on a moins l’habitude de voir à cause de l’éloignement. Le rythme des matchs s’accélère et ceux de la Coupe de France de janvier arrivent de plus en plus tôt. Ainsi, le moindre jour de repos est, quoi qu’il arrive, bon à prendre, pour son corps, mais surtout sa tête. Après, même si ça fout un peu les boules, on est toujours content de retrouver les coéquipiers pour de nouvelles aventures.
En National, Nancy repasse 1er, Châteauroux enregistre la pire défaite de son histoire à domicilePar Loïc Puyo, avec Jérémie Baron
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