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Noël Le Graët, le strike de la démagogie
Le président de la FFF a repris de volée la ministre des Sports, à la fois inspiré et trop facile. Mais sous les couches de démagogie, la lueur d'une ouverture. Décryptage.
Honnêtement, c’est le plus beau retour de la semaine dans le petit monde du football français. « Elle n’a pas l’habitude de venir au stade. C’est vrai que dans les piscines, on n’entend pas ce qu’il se dit » , posé avec le sourire qui va bien, c’est point gagnant : un renvoi en fond de court sur le thème de la légitimité, la vanne personnalisée pour claquer la volée, le public se lève et applaudit. Bien envoyé, Noël ! On ne va pas se laisser dicter nos codes par une nageuse ! La machine à titraille tourne à plein, la cause est acquise : Roxana Maracineanu n’a rien compris à l’affaire, mais heureusement, Noël Le Graët est là, garant de notre culture. Sans oublier le lancer de balles pour se mettre définitivement le public dans la poche avant la sortie : « J’aimerais qu’il n’y ait que des gens bien sages qui applaudissent poliment (ironique). Mais, dans un stade, il y a une vie. » Définitivement, c’est un strike. Un strike de la démagogie.
Insulte, mode d’emploi
Il suffit d’écouter encore un peu le patron du football français dans son interview au Figaro pour réaliser que oui, il aimerait qu’il n’y ait que des gens bien sages qui applaudissent poliment. Il « condamne » les chants injurieux. Il n’a pas su « empêcher les supporters de mal se comporter » . Il veut « avec vous les médias(…)vendre l’idée que le stade n’est pas une enceinte où on s’insulte » . Et « le meilleur vecteur, ajoute-t-il, c’est de communiquer sur le bien-être au stade. » Un vrai discours de VRP pour cure thermale exclusivement fréquentée par des gens bien sages et polis.
On peut être d’accord ou non avec la position. On peut penser l’insulte de l’adversaire comme une partie du folklore, ou la voir en contradiction avec l’esprit du sport. On peut se demander si l’injure est le premier pas vers la violence physique ou au contraire un exutoire salvateur. On peut débattre sur le caractère plus ou moins acceptable de tel ou tel emploi, souvent à caractère sexuel – les injures racistes ont en majorité disparu et personne ne les regrettera. Mais vouloir faire venir un nouveau public dans les stades et, dans le même temps, reprocher sa méconnaissance du milieu à la première personne élevant une voix qui porte, relève au mieux de l’incohérence intellectuelle. Noël Le Graët se pose en chevalier blanc du football ? Il ne défend que son pré carré.
La confiance du père Noël
Cela dit, il y a une chose à relever des propos du boss de la Fédération sur le sujet des supporters : la reconnaissance de l’échec des politiques répressives. Quand il affirme, pour conclure le sujet, qu’ « on met déjà assez de sanctions et d’amendes » , c’est une réponse aux « pénalités » voulues par la ministre des Sports. Mieux, Noël Le Graët instille une dose d’autocritique lorsqu’il passe au thème des interdictions de déplacement : « On n’aide pas les supporters en leur fermant les portes des stades.(…)Il faut absolument que tout le monde puisse aller au stade. Les préfets prennent de moins en moins de risques. C’est aussi notre cas, les dirigeants du foot. » Le fait que la FFF n’ait pas de responsabilités dans ce genre de décision libère forcément la parole de son patron. Il n’empêche : par les temps qui courent, tous les soutiens aux kops et parcages sont bons à prendre. Quand certains ne prêchent que par le tout-répressif, Noël Le Graët veut « avoir des stades ouverts et faire davantage confiance » . Souhaitons lui d’être écouté ! Mais ne rêvons pas trop grand non plus : les fumigènes, c’est toujours non.
Par Eric Carpentier