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Noël Le Graët et la réforme de la mise en retraite
Noël Le Graët a donc finalement accepté une mise en retrait. Une formule très à la mode en ce moment, aussi bien dans le monde sportif (cf. Bernard Laporte) que politique. Une décision a minima de la part du comex qui doit imaginer ainsi éteindre l’incendie médiatique. Pour mieux repartir comme avant, car c’est la solution de la continuité qui l’a emporté...
« Il faut que tout change pour que rien ne change. » Jamais cette célèbre formule tirée du Guépard n’a été autant d’actualité qu’en ce 11 janvier. Depuis deux jours, Noël Le Graët, président qui semblait inamovible (quatrième mandat à 81 ans), affrontait une tempête inédite, en particulier sur les réseaux sociaux avec des # réclamant même la venue d’un Michel Platini en guise de sauveur, ainsi qu’une pression politique de plus en plus insistante jusqu’au plus haut sommet de l’État. Y compris à la sortie du Conseil des ministres qui suivait l’annonce des contours de la réforme des retraites, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, prenant le temps d’envoyer une ultime cartouche envers l’ancien boss de l’EA Guingamp, juste avant ce fameux comex censé être fatidique.
Toutefois, la réponse de la direction de la Fédération française de football reste marquée par le souci de protéger l’institution et le pouvoir de ses notables, sans prendre à bras-le-corps les véritables raisons de la crise que traverse le foot français. Le communiqué officiel explique de la sorte que « Noël Le Graët, en accord avec le comité exécutif de la FFF réuni ce jour à Paris, a choisi de se mettre en retrait de ses fonctions de président de la Fédération jusqu’à la communication définitive de l’audit diligenté par le ministère des Sports, et dans l’attente de son analyse par le comex de la FFF ». Il est accompagné dans cet exil provisoire par Florence Hardouin, directrice générale mise à pied, elle aussi sous le feu des critiques, notamment pour un plan social durant le Covid particulièrement dur et injustifié au regard de la situation financière de la fédération. Personne n’est sanctionné ni critiqué. Personne ne perd de fait son poste de manière définitive. La mise en retrait, formule bien pratique – on l’utilise beaucoup en ce moment dans les partis politiques, quel que soit leur bord – pour éviter des choix douloureux, suffira-t-elle néanmoins pour camoufler l’ampleur des ruines qui se dissimulent derrière les murs du siège de la FFF, dans le 15e arrondissement à Paris ?
Séance de câlinothérapie
La nomination, statutaire, de Philippe Diallo, vice-président délégué de la FFF et disciple du Breton, afin d’assurer « l’intérim de ces deux fonctions » (président et direction générale), donne plutôt à penser que ce sont finalement toujours les mêmes, avec les mêmes habitudes, qui restent aux commandes. Les mêmes qui avaient fermé les yeux sur certains dysfonctionnements au sein de la fédération, sur des comportements individuels problématiques. Les mêmes qui avaient toujours soutenu, ne serait-ce que par leur silence, Noël Le Graët quand il niait le racisme dans le football, tenait des propos sexistes sur les Bleues ou encore déshonorait le foot français dans ses positions méprisantes sur les conditions de vie (et de mort) des travailleurs migrants au Qatar. Finalement, en prenant l’initiative de se mettre en retrait, le Costarmoricain a fait le nécessaire pour que ses affidés gardent un pouvoir que lui, personnellement, a peu de chance de retrouver.
Signe ultime de ce jeu de dupes, « le comex de la FFF, informé des modalités de la prolongation du contrat de Didier Deschamps à la tête de l’équipe de France jusqu’en 2026, l’a validée à l’unanimité ». On pensait les membres de ce « gouvernement » fédéral ulcérés d’avoir été placés devant le fait accompli. Or, donc, y compris quand leur orgueil est touché, ils préfèrent encore se réfugier derrière le conservatisme et les murs de leurs beaux bureaux. Cet entre-soi paraît le seul credo de ce petit monde. Cette farce nuit et blesse une fois encore le foot français dans son ensemble (des bénévoles amateurs à Kylian Mbappé). La France a besoin d’une FFF qui prenne un peu au sérieux son rôle dans notre pays, en matière de démocratie, d’engagements sociétaux, de représentativité et d’exemplarité auprès des jeunes générations. Une FFF du peuple du ballon rond.
Par Nicolas Kssis-Martov