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Nkunku, un Titi sur la route du PSG

Par Simon Butel et Jérémie Baron
7 minutes
Nkunku, un Titi sur la route du PSG

Un an après son départ de Paris pour l’Allemagne, Christopher Nkunku va déjà retrouver son club formateur et équipe de cœur, ce mardi en demi-finale de C1. L’occasion de mesurer le chemin parcouru, fermer quelques bouches et se souvenir du gamin frêle à qui l’on n’aurait pas forcément prédit cet avenir.

« Même s’il n’y a pas de sentiment d’échec de ma part, je trouve ça quand même dommage, car je me sentais capable de jouer un vrai rôle. Je rêvais même d’être un jour capitaine du PSG. Tant pis. » Ça, ce sont les mots prononcés par Christopher Nkunku il y a plus d’une semaine, dans les colonnes de France Football. Soit juste avant de débarquer à Lisbonne avec ses nouveaux coéquipiers, qualifier son RasenBallsport Leipzig dans le dernier carré de la Ligue des champions et ainsi prendre rendez-vous avec le Paris Saint-Germain pour des retrouvailles au sommet de l’Europe. Oui, c’est face à son équipe de cœur que le natif de Lagny-sur-Marne (en Seine-et-Marne) jouera le match le plus important de son début de carrière. Si tout s’était passé comme prévu, le milieu de terrain aurait certainement pris place dans l’autre camp, ce mardi ; mais le destin a basculé il y a treize mois – contre autant de millions d’euros – et le petit Christopher n’enfilera certainement jamais le brassard de capitaine de son club formateur.

Remonté comme un Nkunku

Pour comprendre, il faut donc remonter au 19 juillet 2019, date à laquelle Nkunku met les voiles et le cap à l’Est. Direction la Saxe, d’où émane la promesse d’un projet de jeu alléchant et surtout d’un statut meilleur que celui qui est le sien au PSG. Abdiquer n’est pourtant pas le genre de la maison. Quand, en 2009, le gamin intègre les U13 du RC Pays de Fontainebleau, l’AS Marolles et le district Seine-et-Marne étant devenus trop petits pour son talent, ses limites pour le niveau régional semblent criantes, tout du moins dans le vestiaire bellifontain. À un âge où les corps des uns poussent aussi vite que les complexes des autres, Nkunku affiche un retard quasi rédhibitoire sur le plan athlétique. Mais de la même manière que les vieux libéros compensent, selon la formule consacrée, leur lenteur par leur expérience ou leur sens du placement, le gamin au physique encore enfantin compense sa légèreté par « sa rapidité, sa technique et sa vision du jeu, souffle Norbert Boj, ancien responsable de l’école de foot et actuel vice-président du RCPF. Il avait quelque chose de plus que les autres ». Et un mental gros comme ça : « Il ne lâchait rien. »

« Discipliné et travailleur », Nkunku évolue alors invariablement à droite, à gauche et dans l’axe du milieu francilien. Une polyvalence qui fait encore aujourd’hui sa force et que l’enfant de Montereau-Fault-Yonne doit, selon un autre éducateur du club, « à sa qualité technique, évidemment, mais surtout son intelligence de jeu. On avait déjà une super équipe, mais il sortait vraiment du lot. » Mais s’il lui permet d’attirer les scouts au stade Philippe Mahut et de gratter quelques essais, ce « QI footballistique au-dessus de la moyenne » ne suffit pas à lever tous les doutes : « Beaucoup de clubs pros l’ont refusé parce qu’il était trop petit, comme Toulouse ou Lens. » Protégé par ses dirigeants, qui prennent soin de taire ces rejets de dossiers, le Monterelais continue de bûcher. Comme persuadé que son heure arrivera. « Malgré son déficit physique, il n’a jamais douté, poursuit cet ancien membre du club. Il avait déjà un gros caractère, et de grosses ambitions. » Des ambitions capitales : parmi les premiers clubs à suivre le prodige, Paris se laisse convaincre. Un premier combat de gagné.

Moqueries, carré magique et Youth League

Avant de partir en vacances avec lui à Miami ou Marbella plusieurs années plus tard, Bryan Labissière (aujourd’hui milieu offensif du Puy Foot en National) enfile la tunique du PSG en même temps que Christopher, en U14. Et avant de devenir son « frère », il découvre un garçon « timide et réservé » et qui « ne sortait pas du tout du lot » sur la ligne de départ, toujours pour des questions de croissance tardive. « Il a beaucoup bossé pour en arriver là, c’était compliqué pour lui, certains s’en moquaient même. Il n’a jamais lâché, et aujourd’hui on est très fiers de lui. » D’abord en préformation à Clairefontaine et avec le club de la capitale pour les matchs le week-end, il intègre ensuite le centre deux ans plus tard. Mais les premières années sont rudes. « Il avait un talent, mais au PSG, on en avait tous, se remémore Alexandre Demirdjian, latéral gauche de cette génération, aujourd’hui exilé en Arménie. Il y avait déjà de gros gabarits, et il n’arrivait pas à s’imposer, il ne jouait pas souvent. C’est en U19 qu’il a pu commencer à jouer titulaire. »

Une version que confirme Labissière : « Une année, cinq 1997 sont montés avec les 19 ans, lui est resté avec les 17. Ça lui a fait du bien, c’est à ce moment-là qu’il a vraiment commencé à jouer et à prendre confiance en lui. Il a fait une très bonne saison et l’année d’après, en 19 ans, il explose tout. » D’ailleurs, seul Chelsea, en finale, empêchera les Titis de rafler la Youth League lors de la saison 2015-2016, avec un Nkunku indispensable. Lui aussi devenu un ami intime de l’actuel Lipsien (Fodé Ballo-Touré fermant le carré), le Guingampais Félix Eboa Eboa se souvient que « quand il jouait avec la catégorie du dessous, il n’était pas content. Il ne le manifestait pas, mais on le sentait, et on le savait. Dans la chambre, je lui disais toujours de ne pas lâcher. » Finalement, c’est avec Laurent Blanc, sous le charme de son jeune, que la porte – celle du monde pro – s’ouvre, en 2015. Même si la suite en équipe première ne sera pas toute rose, entre manque de temps de jeu et trimbalage un peu partout sur le pré. « Le truc, c’est que quand on est jeune au PSG, on sait qu’on aura du temps de jeu, mais pas autant qu’on voudrait, regrette Eboa Eboa. Donc il faisait tout son possible pour exploiter au maximum le peu de temps de jeu qu’on lui donnait. »

Pour aller plus haut

Et ainsi s’assurer la meilleure porte de sortie, trouvée donc du côté de Leipzig. Non sans une petite amertume. « Ça n’a pas été facile de quitter Paris, ça reste son club de cœur, admet un proche. Mais avec le temps de jeu qu’il avait… Il méritait d’avoir davantage sa chance. Aujourd’hui, à Paris, on promet aux jeunes de jouer, mais quand vous êtes au top et qu’on achète Paredes 40 millions… Christo avait les moyens de s’imposer. » À défaut, c’est en Allemagne que le Francilien, désormais « prêt physiquement », profite enfin « pleinement de toutes ses qualités ». Et en fait profiter un Julian Nagelsmann visiblement convaincu lui aussi par ses capacités d’adaptation. « Cette saison, il jouait parfois en pointe, parfois sur le côté, mais lui s’en fout, assure Eboa Eboa. Même si vous lui demandez de jouer latéral, il le fera. Tant qu’il est sur le terrain, ça lui va. » Nkunku le sera vraisemblablement ce soir face au Paris Saint-Germain, à l’occasion de retrouvailles que le titi attend de pied ferme. « Il est très très content, confie Labissière. Avant même le début du Final 8, il voulait jouer contre Paris. »

« Avant le match contre l’Atlético, poursuit Eboa Eboa, je lui ai dit : « Gagne, pour jouer contre Paris, et montrer que tu n’es pas parti pour rien. Tu as des choses à prouver. » » Et pas qu’à son club formateur. C’est que Nkunku et sa garde rapprochée voient un peu plus loin que cette demi-finale inédite, synonyme de – double ? – revanche personnelle pour l’ancien Parisien. Premier point culminant de sa courte carrière, ce Leipzig-PSG n’est en fait au mieux qu’un palier, et l’Allemagne une étape vers d’autres sommets. « Il pourrait passer un bon bout de temps là-bas, mais il cherchera sans doute à aller plus haut, veut croire Eboa Eboa. Il ne peut pas s’arrêter à ça. L’équipe de France ? On en parle souvent. À son poste, il y a énormément de monde, je lui dis donc souvent qu’il faut qu’il fasse plus que les autres. Après, il est polyvalent, et il y a la place pour s’imposer. » Dream bigger, comme on dit à Paname…

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Par Simon Butel et Jérémie Baron

Tous propos recueillis par SB et JB, sauf mention

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