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Niska : « Je ne fais pas de la musique pour être écouté dans les vestiaires »

Propos recueillis par Mathias Edwards et Matthieu Pécot
Niska : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je ne fais pas de la musique pour être écouté dans les vestiaires<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Niska n'a rien choisi, mais le constat est là : il n'y a pas une équipe de Ligue 1 dans laquelle l'enceinte bluetooth posée dans les vestiaires ne crache pas les morceaux du rappeur d'Evry. Mais il n'y a pas que les footballeurs qui écoutent Niska : il y a aussi toute la France. Les quelque 900 000 disques vendus ces quatre dernières années et le chiffre fou d'1,5 milliard de vues sont formels. Entretien avec un homme qui a toujours préféré les méchants aux esthètes.

Sorti il y a deux semaines, Mr Sal, le troisième album de la carrière de Niska, n’a eu besoin que de quelques jours pour être certifié disque d’or. La moindre des choses pour un homme dont les textes font l’apologie de la réussite sociale. Si les références au football sont inexistantes dans ce projet, le rappeur de 25 ans, en tant qu’idole des footballeurs français, est tout à fait légitime pour parler foot.

Quel est ton rapport au foot ?Je suis fanatique depuis tout petit. Le jeu Football Manager m’a clairement permis de franchir des étapes dans mon rapport au foot. J’achetais des jeunes pas trop connus ou des mecs qui avaient un beau nom. Après, je les regardais à la télé, j’étais content pour eux quand ils réussissaient vraiment.

Tu as joué au foot en club ?

J’ai essayé le foot quand j’étais petit, j’avais une licence au club d’Evry, mais j’étais une merde. L’entraînement le mercredi et le match le samedi, je connais. (…) Malheureusement, je préférais aller « bédave ».

J’ai essayé quand j’étais petit, j’avais une licence au club d’Evry, mais j’étais une merde. L’entraînement le mercredi et le match le samedi, je connais. Et quand t’arrives dans le vestiaire et qu’on te dit que tu ne vas pas jouer, t’as envie de pleurer. Les cinq-six premières fois, tu te dis que l’entraîneur a tort. Après, tu ouvres les yeux et tu te dis : « Bon, je crois que c’est moi le problème ! » (Rires.) Malheureusement, je préférais aller « bédave ».

Pourquoi « malheureusement » ? C’est moins bien d’être rappeur ? Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi la fume, mais ça m’a amené dans le rap, donc je ne peux pas dire que c’est un mauvais choix. Le schéma, c’est : la fume, la galère, tu rigoles avec les potes, il y en a un qui écrit un texte et voilà, tu te retrouves à prendre conscience que tu vis assez de choses pour pouvoir les raconter.

Si tu avais percé dans le foot, tu aurais moins de choses à raconter ?Ouais, mais j’aurais plus d’oseille !

Avant d’exploser dans la musique, tu te destinais à devenir éducateur spécialisé. Pourquoi ?Quand la musique est arrivée, j’étais en pleine formation. Ça durait trois ans. Mon objectif était de faire ces trois ans et de me retrouver avec les jeunes de foyer. Mon ambition était de leur ouvrir l’esprit. Les mecs qui arrivent dans les foyers, ils sont bloqués. D’une manière générale, ce sont des jeunes qui ont des problèmes d’éducation. Je voulais leur montrer d’autres horizons. Quand tu parles à un mec de 12 ans et qu’il te raconte un braquage dans lequel sa mère et son oncle sont impliqués et qu’il croit que c’est une vie normale, je veux lui prouver que non, c’est pas ça, la vie ! Quand tes parents t’impliquent dans un go fast, le foot, ça ne veut rien dire. Et la musique, il n’en a rien à foutre. Sa vision de la vie, c’est : « Faut aller chercher des trucs en Espagne… » À 12 ans, ce n’est pas des choses que tu devrais être en train de faire. Ces petits ont Mesrine pour modèle. Moi, les petits, je ne leur dis jamais quoi faire à part suivre la voie dans laquelle ils sont les meilleurs. Si l’école n’est pas faite pour toi, c’est comme ça ! Il y a des petits qui n’arrivent pas à rester concentrés ! Mais ils peuvent être des super pâtissiers. Ne fais pas n’importe quoi, essaye d’aller jusqu’au bac, mais si ça ne marche pas, ça ne sert à rien de forcer.

Pourquoi t’as choisi de citer Matuidi, dans le morceau Freestyle PSG qui t’a fait connaître, en 2015 ? C’est un joueur que j’appréciais à cette époque-là. C’était too much de mettre Ibrahimović, il était déjà trop haut. Et puis, je ne connais pas son histoire. Matuidi, il vient de la cité, ça se voit que c’est un mec comme nous, on aurait pu être à sa place.


Plus que jamais, les rappeurs français citent des joueurs de foot dans leurs textes. Toi, en dehors de la référence à Matuidi qui a contribué à ta notoriété, tu ne parles jamais de footballeurs…C’est devenu too much. « Frappe de nanani, passement de jambes de truc… » , c’était bien à l’époque, quand j’étais petit, mais là… Après, tu peux en glisser une quand ça s’y prête, quand le joueur t’inspire quelque chose ou qu’il n’est pas trop connu. Mais je ne vais pas faire une phase sur Mbappé, il n’a pas besoin de ça. À la limite, un nom qui sonne bien pourrait m’inspirer. On en revient à Football Manager !

Justement, ton vrai nom, Stanislas Dinga Pinto, pourrait complètement être celui d’un milieu offensif dans Football Manager, et… (Il rigole.) Vous avez raison de ouf, maintenant que vous me le dites. Numéro 10, direct !

Quelle est la part des rappeurs qui font ça pour être repris par des footballeurs et être écoutés dans les vestiaires ?C’est sûûûûr qu’il y en a qui font ça pour ça !(Rires.) Moi, à la base, je ne fais pas de la musique pour être écouté dans les vestiaires, même si plein de footballeurs ont acheté mon dernier album et l’ont partagé sur leurs réseaux sociaux. C’est lourd, mais c’était pas un objectif. Tu as des amis dans le foot ?Des amis, je considère que ce sont des gens chez qui je vais manger, ou qui viennent manger chez moi, et je n’en ai pas dans le foot. Mais des bonnes connaissances, avec qui je parle régulièrement, ouais j’en ai ! On s’apprécie, j’invite les mecs à un concert, ou ils m’invitent voir un match, mais c’est tout.

Ce ne sont que des mecs du PSG ?Non, non ! Cela va de Kimpembe à Benjamin Mendy, en passant par Karim Benzema, entre autres.
Tu vas souvent au stade ?La dernière fois, c’était au Parc. Je suis aussi allé à Nice pendant l’Euro, pour un Espagne-Turquie. Mais je n’aime pas trop aller au stade. Mes conditions idéales pour regarder un match, c’est télé, potes, débats et ça hurle quand on n’est pas d’accord. L’idéal, c’est quand il y a deux camps clairs, que chacun a son équipe. Au stade, on est loin, il fait froid, t’es avec ta petite couverture… Est-ce que tu kiffes vraiment, finalement ? Si quelqu’un te parle, ça peut te faire rater un but et tu n’auras pas le ralenti derrière. Et l’ambiance du Parc des Princes, franchement, c’est pas ouf. Après, je ne suis jamais allé voir Galatasaray !
C’était quoi, ton premier match dans un stade ?Un match de Paris, mais je ne me souviens même plus duquel. Attention, c’est récent, je parle de l’époque d’Ibrahimović ! Avant ça, pour dire la vérité, je n’ai jamais eu l’occasion d’aller au Parc. Je n’y pensais même pas, en fait. Pour moi, c’était inaccessible. Quand tu es d’Evry, Paris, c’est loin. Et quand mon club a commencé à emmener les jeunes voir un match, j’avais déjà arrêté le foot, j’étais dans le bâtiment avec un joint.

Dès que Neymar est arrivé au PSG, il a partagé des vidéos de lui en train d’écouter Réseaux. Tu as un public au Brésil ? Je ne pense pas que si j’arrive au Brésil, les gens vont se dire : « Tiens, c’est le mec qui a fait le son sur lequel Neymar a dansé dans une story Instagram ! » Après, je dois avoir quelques vues qui viennent du Brésil, ouais. Vu que Neymar est une vraie star, il y a des cinglés qui doivent forcément disséquer ses réseaux sociaux et qui m’ont connu par ce biais, mais ça s’arrête là.

Neymar a partagé ma musique et basta. Il n’a pas essayé de m’approcher, et moi non plus. C’est cool de sa part, merci, mais rencontrer les agents pour organiser un truc, c’est pas mon délire.

Tu l’as rencontré ?Non, il a partagé ma musique et basta. Il n’a pas essayé de m’approcher, et moi non plus. C’est cool de sa part, merci, mais rencontrer les agents pour organiser un truc, c’est pas mon délire. Et puis Neymar, il a écouté une musique sans savoir que c’était Niska. Il n’est pas allé sur Spotify en se disant qu’il allait écouter le dernier Niska. Il s’en fout, de moi.

Ton gimmick du moment, c’est « Méchant ou méchant ? » . Les méchants te fascinent plus que les esthètes, même dans le foot ? On préfère toujours les méchants, les mecs qui ont du caractère. Ce sont les plus critiqués, mais aussi ceux qu’on regarde le plus. On regarde plus Zlatan Ibrahimović que N’Golo Kanté, c’est la vérité ! Comme au cinéma !

On préfère toujours les méchants, les mecs qui ont du caractère. Ce sont les plus critiqués, mais aussi ceux qu’on regarde le plus. On regarde plus Zlatan Ibrahimović que N’Golo Kanté, c’est la vérité !

Ce qui me plaît chez les méchants, c’est leur charisme, l’aura qu’ils dégagent. Après, quand je te parle de méchants, je pense aux grandes gueules, pas aux mecs comme Luis Suárez ou aux ciste-ra. Quand tu nuis aux autres, j’aime pas. Zlatan, il se met en avant et il répond aux gens qui parlent mal de lui, mais il ne fait de mal à personne.

Et le défenseur qui ne vit que pour le tacle, tu le mets dans quelle catégorie ?Je kiffe ça, le mec est à fond dans son travail. Matuidi, je kiffe aussi son côté « acharné » . Après, je préfère quand il marque que quand il tacle. Parce qu’il fait ma danse !

Il t’a prévenu, la première fois qu’il l’a faite ?Non, on ne se connaissait même pas à l’époque. Ce sont les gens qui m’ont prévenu, parce que je dormais pendant qu’il l’a faite. J’ai reçu une tonne de messages.

Sur ton dernier album, tu as pas mal fait appel à des producteurs néerlandais. Tu as écouté ce que fait Memphis Depay ?Ouais, c’est lourd ! J’ai kiffé ! On sent qu’il s’est fait happer par le foot, mais qu’il aurait pu faire carrière dans le rap. C’est vraiment pas nul, loin d’être ridicule. Tu sens que c’est sa passion.

Tu imagines un artiste mener de front des carrières de footballeur et de rappeur ?C’est impossible, frère. Le mec n’aurait rien à raconter. « J’étais en centre de formation, après j’ai joué là-bas, j’ai participé à la Coupe du monde, j’ai rencontré untel… » Tu vas dire quoi ?

Le rappeur Topas vient de signer à Valenciennes, qui lui a demandé d’arrêter la musique. Et Dinor, qui vient d’intégrer le centre de formation de Sochaux, pourrait subir le même sort. Tu comprends ça ? C’est une question d’image. Si le mec parle de la rue, c’est peut-être pas bon pour sa carrière de footballeur…

Est-ce qu’un jour, la France sera prête à entendre certaines réalités ?Elle aime bien cacher ce genre de trucs. C’est un peu triste, et en même temps, il faut se mettre à la place des dirigeants, qui veulent renvoyer une bonne image de leur sport. Si tes footballeurs racontent qu’ils vendent du crack, c’est pas bon, tu viens quand même de gagner une Coupe du monde.

Que ce soit dans le foot ou dans le rap, il y a beaucoup de nostalgiques, de partisans du « c’était mieux avant » . Comment tu expliques ça ? Ce n’était pas mieux avant, c’est juste qu’il faut vivre avec son temps. Ce sont les vieux qui disent ça, parce qu’avant ils étaient jeunes, ils ne payaient pas de factures, ils n’avaient pas d’enfants, c’était la belle époque pour eux. Aujourd’hui, ils ont trente ans, ils passent leurs journées au travail, ils n’ont pas envie d’entendre un p’tit qui gueule « pilon, pilon ! » Je peux comprendre ça.

Un autre truc que ne comprend pas l’ancienne génération, c’est la mode des maillots et survêtements de foot. Dans son esprit, il ne faut porter que les équipements de l’équipe que tu supportes…Oui, bah effectivement, sans manquer de respect à personne, c’est une réflexion de vieux. Aujourd’hui, on ne porte pas un ensemble pour l’équipe qu’il représente. C’est un vêtement comme un autre, qu’on met parce que la coupe ou les couleurs claquent. J’ai des potes qui ne regardent jamais le foot, mais qui ont tous les survêtements. Moi, le seul ensemble que je ne peux pas porter, c’est celui de l’OM.

Tu détestes l’OM ?Non, même pas. Mais je suis supporter du PSG, donc c’est un principe.

Tu aurais aimé faire le morceau de Vegedream sur les champions du monde 2018 ?J’aurais aimé avoir un tel succès, mais pas avec ce morceau-là, parce qu’il ne me ressemble pas. Mais pour les initiés, Vegedream existait dans le rap avant de faire ce tube. C’est pas Kamini, quoi !

Est-ce que le sens caché de ton tube Du lundi au lundi, c’est que tu attends avec impatience le match décalé de Ligue 2 du lundi soir ? Je n’ai jamais regardé un match de Ligue 2 en entier.

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Propos recueillis par Mathias Edwards et Matthieu Pécot

Crédit photos : Koria

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