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Nîmes, les compteurs à zéro
Le point final a été posé il y a seulement quelques mois. Des semaines où le Nîmes Olympique était passé dans la rubrique faits divers. Huit points de retard effacés plus tard, le club débute sa saison. Pleinement. On est le 15 octobre et, pour lui, le maintien se jouera à cinquante points.
C’était il y a un peu plus de onze mois. 332 jours exactement. Six heures du matin. On est le 18 novembre 2014 et, dès l’aube, le football français va vaciller. De Caen à Nîmes en passant par Dijon avec pour centre névralgique un club, le Nîmes Olympique, et ses deux têtes pensantes : le président Jean-Marc Conrad et l’actionnaire Serge Kasparian. Deux bonhommes arrivés sept mois plus tôt avec un discours excitant et laissant devant eux des supporters excités. À travers leurs lèvres, le Nîmes Olympique redevient un monument. Le club familial géré pendant douze ans par Jean-Louis Gazeau va grandir avec la Ligue 1 dans la tête. Sauf que la justice est rapide, elle est curieuse et elle sait tout. Toujours. Et à trop jouer, les rêveurs ont perdu. Tout.
Le cœur des hommes
Car le jeu, c’était une partie de leur vie. Enfin, surtout celle de Serge Kasparian, dirigeant du cercle de jeu parisien, le Cercle Cadet. Un cercle qui va le faire tomber et va entraîner dans sa chute de nombreux amis de Kasparian, dont Jean-Marc Conrad. Le 16 octobre 2014, Serge Kasparian, dont le cercle de jeu est également l’un des sponsors du Nîmes Olympique, est placé en détention dans le cadre d’une enquête autour du Cadet. Il est rapidement accusé de blanchiment en bande organisée, d’abus de confiance, de travail dissimulé et d’abus de biens sociaux par le parquet de Paris. Dans son jeu, Kasparian fait alors tomber son nouveau jouet sportif. L’affaire fait trembler les couloirs des Costières. Conrad prend alors rapidement la parole : l’affaire n’a, selon lui, aucun lien avec son club.
Sauf que ce 18 novembre 2014, sept hommes vont être entendus par de nouveaux enquêteurs. Nîmes sort une nouvelle fois de la pelouse sous les regards circonspects de la France du foot. Des conversations téléphoniques entre Serge Kasparian, l’actionnaire, et Jean-Marc Conrad, le président, laissent échapper des arrangements sportifs sur les sept derniers matchs de la saison 2013/14 à l’issue de laquelle Nîmes se sauvera un soir de mai 2014 après un nul farceur à Caen (1-1). Les enquêteurs écouteront ce 18 novembre le président caennais, Jean-François Fortin, mais aussi l’entraîneur de Dijon, Olivier Dall’Oglio. Au total, le dossier compilera 108 heures d’auditions réalisées en deux mois sous la coupe de François Jaspart, l’ancien leader du 36 parisien. On écoutera 137 témoins, on écrira 50 pages au terme de l’expertise vidéo du Caen-Nîmes. Le 17 mars 2015, Serge Kasparian prend dix ans d’interdiction de licence. Jean-Marc Conrad, lui, sept ans d’interdiction de toute fonction officielle. Le Nîmes Olympique sera rétrogradé en National avant d’être repêché par la Commission supérieure d’appel de la FFF deux mois plus tard. Sa punition : un retrait de huit points.
Le président « vierge »
L’homme du renouveau a débarqué en pleine tempête. « Pour son ami » Jean-Marc Conrad. C’était le 26 novembre dernier, via un communiqué. Christian Perdrier, ancien directeur de Poudlard, ex-vice-président de Disneyland, débarque alors au pays des emmerdes. Il est nommé néo-président du Nîmes Olympique avec un chantier en ruines à ses pieds. « Oui, l’image du club a été ternie, mais aujourd’hui, on sait que l’on ne devrait pas être là. En six mois, ces deux hommes ont planté le club, mais maintenant, on se bat pour redonner une belle image du Nîmes Olympique » , raconte aujourd’hui Perdrier. Il affirme ne plus parler à son prédécesseur. Selon nos informations, Jean-Marc Conrad serait même parti s’installer à l’étranger.
Rani Assaf, l’autre actionnaire, arrivé en même temps que Conrad et Kasparian, est un survivant. Lui est resté et est devenu aujourd’hui l’actionnaire majoritaire du club. L’homme est notamment connu pour avoir inventé la Freebox, soit un homme qui pèse 135 millions d’euros. « On aurait pu se retrouver en National et nos problèmes ne se sont réglés que le 1er juillet. La préparation a été retardée, mais finalement, on a réussi à faire un mercato intelligent et on a évacué ces huit points de nos têtes. Le chemin va être long, on démarre notre saison maintenant. Et 70% de l’effectif n’était pas là à l’époque des faits, ce qui a aidé à avancer » , détaille Christian Perdrier.
Un maintien à cinquante points
Pour la première fois de la saison, ce soir, Nîmes se déplacera à Bourg-en-Bresse avec l’espoir de passer dans le positif. Il aura fallu dix journées au groupe entraîné par José Pasqualetti pour effacer cette ardoise de huit points. Le bilan est mitigé : quatre défaites, cinq nuls et une victoire importante sur la pelouse de Metz il y a deux semaines (2-1). Le Nîmes Olympique court donc aujourd’hui à sept points derrière l’AC Ajaccio, l’ancien club de Pasqualetti. Sur les cinq dernières saisons, il fallait au dix-septième en moyenne 43 points pour se maintenir. Autour de 42 les trois dernières saisons. « L’an passé, on attendait surtout les décisions judiciaires, raconte l’historique gardien, Mathieu Michel, qui a été le premier à resigner avec le club pendant le scandale. On a un challenge maintenant, c’est le maintien. On veut montrer qu’on n’a pas volé notre place. »
Présent sous l’ère Conrad-Kasparian, Michel affirme « qu’il ne s’est rien passé. On ne peut pas y revenir, mais je le sais. Nîmes, c’est un petit Marseille, il se passe toujours des choses, mais là c’était assez hallucinant. » Le sentiment d’honneur est grand. Nîmes a enfin rallumé la lumière, le VRP Jean-Jacques Bourdin est toujours présent dans les tribunes, il appelle souvent Christian Perdrier. Les Costières ont retrouvé un peu de vie. Frédéric Thiriez, lui, a rangé son « poison mortel » et lissé sa moustache. Affaire classée.
Par Maxime Brigand