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Nîmes dites pas que c’est pas vrai ?

Par Ronan Boscher et Fabrice Drangin
5 minutes
Nîmes dites pas que c’est pas vrai ?

L'affaire a secoué la deuxième quinzaine du mois de novembre. Nîmes aurait donc assuré son maintien en s'écartant de quelques règles éthiques, attrapé par le pedigree de Serge Kasparian, son nouvel actionnaire.

Un type trapu, aux allures de Joe Pesci, foule un gazon de Bourgogne, qu’on appelle Gaston-Gérard. Il aurait sans doute préféré s’avancer vers Ginger McKenna, mais il s’approche d’un parcage de Crocodiles en grogne. Leur Nîmes Olympique vient de chuter lourdement à Dijon : 5-1. « Personne ne le connaît et il nous demande de nous calmer, que le club avait besoin de notre soutien, commence ce supporter. Il finit par se présenter : Serge Kasparian, récent nouvel actionnaire du club depuis son rachat par le président Conrad. » . Au soir de ce 25 avril 2014, Nîmes occupe une inquiétante 17e place de Ligue 2, à égalité de points avec le premier relégable. « Il a eu cette phrase assez énigmatique : « Ne vous inquiétez pas pour le maintien, ça c’est réglé… », se souvient le supporter. À l’époque, ça nous avait fait sourire, un peu comme la caricature d’un responsable de cercle de jeux avec les fantasmes que ça peut engendrer. Et ajouté à son côté Serge Benamou deLa Vérité si je mens, on n’avait pas vraiment pris ça au sérieux. » Loin de Joe Pesci finalement. Quoique. Si Serge Kasparian semble lire l’avenir de son nouveau club, il ignore que la police des jeux écoute son présent. Depuis le 29 juillet 2013 exactement et l’ouverture d’une information judiciaire sur le cercle de jeux parisien de Cadet, dont il est le président. Le périmètre de l’enquête est plutôt costaud : extorsion en bande organisée, abus de confiance, blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs.

« Kasparian n’y connaît strictement rien au foot »

Serge embarque alors sans le savoir le petit monde du foot – et de la Ligue 2 – dans les murs des locaux de Nanterre du service central des courses et jeux. En amont du rachat du club, les desseins de Kasparian semblent plutôt clairs, selon une source policière : « Avec son copain Conrad, il voulait racheter le club, le faire fructifier et le lâcher à prix d’or. Il n’y connaît strictement rien au foot. C’était uniquement une question de plus-value. » Et on ne peut certainement pas espérer une grosse bascule financière en restant en Ligue 2 ou en tombant en National. Si Jean-Marc Conrad, lorsqu’il prend la présidence du Nîmes Olympique, décrit les investisseurs l’accompagnant dans l’aventure comme des « sleeping partners » , les écoutes révélées par le Canard enchaîné semblent montrer que Kasparian avait le sommeil plutôt léger. Le patron du cercle de jeu cherche coûte que coûte à sauver la peau de ses Crocos en Ligue 2, en démarchant Caen, Dijon ou encore le CA Bastia, pour s’assurer les points du maintien. En échange d’argent ? « Pas à proprement parler, dit-on du côté des enquêteurs. Ce sont des échanges de bons procédés. Mais même s’il n’y a pas de transaction réelle d’argent, les enjeux sont bien financiers. Un club comme Caen qui monte en Ligue 1, ses recettes explosent. Et quand Nîmes se maintient en Ligue 2, ses sponsors, son budget sont protégés. »

Le cadet des soucis de Kasparian

Comme le révèle le rapport des délégués de la rencontre Caen-Nîmes, plus que des pots-de-vin, Nîmes fera livrer à la mi-temps du match des caisses de pinard devant le vestiaire caennais. La deuxième période s’apparente à une blague de match, où les deux équipes se satisfont du point qui maintient l’une en Ligue 2 et fait monter l’autre en Ligue 1. Si la presse semble s’émouvoir de ces révélations, du côté de la police, on s’étonne : « On a l’impression que les gens découvrent l’existence de la corruption dans le sport et le football. Il y a plein de facteurs qui nous disent que c’est très fréquent. Seulement, il est très rare de prendre les fautifs la main dans le sac. Tout porte à croire que chaque année, c’est la même rengaine : les clubs traficotent en coulisses pour grappiller les points et s’arranger entre eux. » Le 20 novembre dernier, Kasparian et Conrad sont mis en examen pour corruption active, le président de Caen, Jean-François Fortin, pour corruption passive. Si Conrad s’est muré dans le silence, ce qui est son droit, Kasparian a, lui, tout avoué : « Sa situation avec le cercle Cadet fait qu’il est mouillé jusqu’au cou, il n’est plus tellement dans la résistance » , justifie-t-on chez les flics. Il est vrai que le Serge est incarcéré depuis octobre 2014, suite à l’affaire du cercle parisien. Plusieurs témoignages recueillis par nos soins expliquent la méthode de management plutôt brutale – une employée se plaignant de harcèlement sexuel : « Tu préfères qu’on t’envoie faire la pute au Bois de Boulogne ? » – du clan Kasparian autour du cercle de jeux parisien.

« Cela sent le roussi pour Conrad et Kasparian »

Reste désormais à connaître les sanctions pour une bande qui aurait perdu 5-1 un match normalement arrangé contre Dijon et conclu un match nul contre Caen à l’aide de caisses de vin. L’instruction devrait encore durer un an et le verdict final tomber dans deux ans. « Ce sera vraisemblablement de la correctionnelle. Conrad et Kasparian sont complices et sont mis en examen pour corruption active. Cela sent un peu le roussi pour eux. Pour Fortin, c’est différent. On parle de corruption passive. » Sur le terrain sportif, la LFP et la FFF, en fonction du résultat judiciaire, devraient avoir à intervenir, notamment si d’autres clubs se sentent lésés par cette montée caennaise et ce maintien nîmois achetés à coups de raisin, pour ce qui ressemble à une histoire de pieds nickelés. « C’est vrai qu’arranger un match au téléphone, ce n’est pas très malin. Mais la corruption est avérée. L’enquête est toujours en cours de toute façon. On n’a pas établi toutes les connexions » , acquiesce-t-on du côté de l’enquête. Jean-Marc Conrad et Serge Kasparian n’occupent désormais plus aucune fonction à Nîmes. Tout comme Jean-François Fortin, qui a démissionné de la présidence du Stade Malherbe.

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