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Nîmes : C’était les Costières

Propos recueillis par Loïc Bessière, Adel Bentaha et Mathias Edwards
9 minutes
Nîmes : C’était les Costières

Ce samedi après-midi, le Nîmes Olympique foulera pour la dernière fois la pelouse des Costières, face à Bordeaux. Christian Perez, René Girard, Régis Brouard et Omar Belbey racontent leurs souvenirs dans ce stade inauguré en 1989.

Le casting :

Christian PerezJoueur du Nîmes Olympique de 1979 à 1987 et en 1995-1996.

René GirardJoueur du Nîmes Olympique de 1972 à 1980 et de 1988 à 1991. Puis entraîneur intérimaire au débuts des années 1990.

Omar BelbeyJoueur du Nîmes Olympique de 1995 à 2000

Régis BrouardJoueur du Nîmes Olympique de 1999 à 2001, puis entraîneur de 2005 à 2007.


Les Costières n’étaient pas un coupe-gorge, mais c’était un stade suffisamment exigu pour te mettre la pression.

Quel est votre meilleur souvenir au stade des Costières ?Omar Belbey : La demi-finale de Coupe de France contre Montpellier, le dimanche 14 avril 1996, sans hésiter. Une belle après-midi ensoleillée, un stade plein, un derby chaud bouillant, des supporters chauffés à blanc… Tout était réuni pour qu’on réussisse l’exploit, et nous nous sommes imposés 1-0.Christian Perez : Pour moi aussi, ce match est mon meilleur souvenir aux Costières. On jouait une demie de Coupe, alors qu’on était en National et en plus c’était contre le voisin historique qu’est Montpellier. Loulou Nicollin avait mis la pression sur ses joueurs en disant qu’en cas de défaite, il rentrerait à cheval. Le pauvre… C’était extraordinaire ! Les Costières étaient pleines, c’était fabuleux.René Girard : Les Costières n’étaient pas un coupe-gorge, mais c’était un stade suffisamment exigu pour te mettre la pression. Je me souviens du barrage de D2 en 1989, contre Brest. C’était le 30 mai, je crois. À l’aller, on perd lourdement à Francis-Le Blé (3-0). Et au retour, c’était vraiment chaud ! Il n’y avait pas beaucoup de monde au stade pourtant (11 000 spectateurs, NDLR), mais suffisamment pour créer une atmosphère bouillante, alors qu’on n’a même pas réussi à se qualifier (Nîmes l’avait emporté 1-0, NDLR). Mais il y avait une telle ambiance, qu’on a été emportés par nos émotions, avec des tacles de fous, des embrouilles. Le résultat était limite passé au deuxième plan. Moi le premier, en tant que capitaine, j’étais pris dans le truc, c’était indescriptible. (René Girard s’était fait expulser en fin de rencontre, NDLR.) Régis Brouard : Pour moi, c’est le derby contre Montpellier de la saison 2000-2001, l’ambiance était extraordinaire. Et puis il y a un match contre le Lille d’Halilhodžić, en 1999-2000. Pareil, le stade était en ébullition, une ambiance incroyable.

Régis Brouard

Certains joueurs ont du mal à jouer aux Costières, j’en connais qui sont rentrés chez eux planqués dans le coffre de leur voiture.

Et votre plus mauvais souvenir aux Costières ?Régis Brouard : Je n’en ai pas un particulier, mais quand ça se passe mal sur le terrain, le public peut être très dur. C’est un public qui vit, on ne s’ennuie jamais ! Certains joueurs ont du mal à jouer aux Costières, j’en connais qui sont rentrés chez eux planqués dans le coffre de leur voiture. Ça pouvait être tendu.René Girard : Il y a eu un Nîmes-OM de 1992 assez difficile… Les Costières étaient pleines comme jamais auparavant. C’était même volcanique, je me souviens des grillages qui tremblaient, des fumigènes partout. On n’y voyait rien. Donc nous, on entre sur le terrain en conquérants. On mène même au score pendant une heure, mais on se fait remonter à la fin. Tu penses tenir la victoire de l’année, mais tu perds en quelques minutes. C’est vraiment un souvenir dur à digérer, parce que l’ambiance de ce jour-là était exceptionnelle ! Et perdre contre le grand Marseille de l’époque, devant autant d’ambiance, c’est encore plus dur.Christian Perez : Pour moi, c’est un match contre l’Île-Rousse (1-2 en 1996). Un match assez viril, rugueux. On était tombé sur quelques imbéciles de l’équipe adverse. Franchement, certains avaient des « cacarinettes » dans la tête ! Cela fait partie des quelques matchs qui ont été très moyens de notre part en National cette saison-là. Omar Belbey : Contre Cannes, en 1998, en Ligue 2. Le mercredi qui précède le match, je reçois ma première convocation en équipe d’Algérie. J’en discute avec Pierre Mosca, l’entraîneur de l’époque, et on convient de me laisser sur le banc pour que je puisse préparer au mieux ma semaine avec la sélection. Sauf qu’à la 85e, un de nos joueurs se blesse, et je dois rentrer. Une minute plus tard, je me prends une balayette, je retombe mal et je me brise la clavicule en quatre fragments. Grosses boules. J’ai mis 3 mois à revenir.

Christian Perez

Quand il y avait 22 000 personnes qui entonnaient le fameux chant sur Nicollin à cheval, les gens de Caveirac, mon village situé à 7 km du stade, l’entendaient. « Nicollin, à cheval ! » C’était énorme.

Qu’est-ce qui faisait la singularité de ce stade ?Régis Brouard : J’adorais jouer dans ce stade, même en tant qu’adversaire. C’était toujours particulier, c’est pour cela qu’on l’appelait « le petit Marseille ». Le public est extrême, passionné, que ce soit dans le positif comme dans le négatif, mais toujours présent avec son côté corrida, festif, coloré. Cela a toujours été un endroit particulier dans lequel j’aimais me rendre. Omar Belbey : Effectivement, je me souviens que les gens avaient coutume de dire que c’était un petit Vélodrome. Ce n’était pas simple pour les équipes adverses et parfois pour nous, lorsque ça se passait mal. Le public pouvait rapidement nous prendre en grippe. En revanche, lorsqu’on entamait le match tambour battant, c’était très compliqué pour nos adversaires, surtout les grosses équipes. Il pouvait y avoir une super osmose entre le public et les joueurs.Régis Brouard : Lors d’un match contre Vannes où j’étais entraîneur, on a pris un bouillon mémorable, une leçon de football, et le public nîmois a encouragé et soutenu les Vannetais. Là, quand vous êtes sur le bord du terrain, c’est dur.Omar Belbey : Quand je suis revenu aux Costières avec Montpellier, où j’ai signé en 2000, et là c’était compliqué. Les supporters m’avaient réservé une petite surprise pas trop à mon goût, mais bon il faut accepter. Ils avaient déployé une banderole qui disait « Omar m’a trahi », en référence à Omar Raddad. Christian Perez : Nous étions proches du public. C’est important de sentir que les gradins vibrent ! À chaque action, on entendait le brouhaha du public. Mais il n’avait pas la particularité du vieux stade Jean-Bouin. Là, j’y ai vu des adversaires perturbés par les barbelés tout autour des grillages, la piste cendrée où l’on s’échauffait et où l’on se croisait avec l’équipe adverse. Des fois, on savait que l’on avait pratiquement gagné le match avant de l’avoir commencé. Les Costières, c’était quand même moins un guet-apens.René Girard : Le problème des Costières aura surtout été son aménagement. Il y avait des angles morts partout, donc la visibilité n’était vraiment pas bonne. Je peux vous dire que quand vous êtes entraîneur aux Costières, il faut se débrouiller pour bien voir. Pareil pour les buvettes, il n’y en avait pas suffisamment, donc les spectateurs étaient moins attirés et communiaient moins qu’à Jean-Bouin. Mais c’est quand même un stade qui aura marqué sa génération, après les années 1990. Les derbys contre Montpellier ou les quelques oppositions face à l’OM ont forgé le nom de cette enceinte. Quand les grosses équipes venaient jouer aux Costières, elles savaient qu’elles allaient être à l’étroit et que ça risquait de faire du bruit. Les adversaires se sentaient étouffés !Omar Belbey : Quand il y avait 22 000 personnes qui entonnaient le fameux chant sur Nicollin à cheval, les gens de Caveirac, mon village situé à 7 km du stade, l’entendaient. « Nicollin, à cheval ! » C’était énorme.

René Girard

La situation actuelle est triste. Je trouve que ce club a raté toutes les époques. On aurait dû être le club phare de la région, mais c’est Montpellier qui a dominé.

Quel regard portez-vous sur la situation actuelle du Nîmes Olympique ?René Girard : Ma préoccupation pour le Nîmes Olympique actuel, c’est qu’il retrouve de la stabilité et avant tout une équipe. Construire un nouveau stade, c’est bien, ça fait partie d’un processus d’évolution, et ça montre qu’on a trouvé les financements nécessaires pour le faire. Mais une fois que tu as fait ça, qu’en sera-t-il du sportif et de la gestion globale du club ? C’est à ce niveau-là que je m’interroge. Depuis vingt ans, Nîmes, c’est un yo-yo incessant. À peine trois saisons de Ligue 1, avant de retourner à l’échelon du dessous. Il faudrait se stabiliser, trouver une identité de formation par exemple. Et ce serait bien que ce nouveau stade serve de tremplin pour de futurs projets, parce que pour le moment, on n’y voit pas très clair. Les supporters nîmois sont fidèles, c’est une ville de football, et j’ai vraiment envie que le club retrouve de sa superbe, avec ou sans les Costières.Christian Perez : Avec la fermeture de ce stade, peut-être qu’ils vont s’inscrire dans la durée, c’est de bon augure. Nîmes, j’y ai un attachement particulier entre la ville qui est super et le NO qui est mon club formateur. Je regarde les résultats, mais pas les matchs. Déjà que je ne regarde pas tous ceux de Ligue 1… Je fais aussi attention à leur classement, il ne faudrait pas qu’ils descendent… La situation actuelle est triste. Je trouve que ce club a raté toutes les époques. On aurait dû être le club phare de la région, mais c’est Montpellier qui a dominé. Loulou avait certainement plus de moyens, mais aussi plus de motivation que certains.Régis Brouard : Il y a eu beaucoup de bouleversements ces dernières années, avec la montée en L1, la descente en L2, le nouveau président et sa mésentente avec les supporters et maintenant le changement de stade… Ce type de club a besoin de ses supporters.Omar Belbey : Cela me fait de la peine que le président se soit mis tout le monde à dos, notamment nous, les anciens joueurs, et les ultras. Sa décision de bannir tout le monde, de n’en faire qu’à sa tête, alors qu’il aurait tout intérêt à ce que tout le monde face bloc derrière le club. Dernièrement, il a essayé de rétropédaler en présentant des semi-excuses, mais le mal était fait. On a passé nos meilleures années de footballeurs dans ce club, avec tellement de bons moments, que se sentir exclus du jour au lendemain sans en connaître la raison, c’est dur. C’est quelqu’un de spécial, qui ne comprend pas le football et qui a une façon de communiquer particulière.

Omar Belbey au Parc des Princes

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