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Niko Kovač, la tronche de l’emploi
Une gueule, un caractère, un nom, une carrière de joueur forçant le respect et quelques jolies références comme entraîneur : en dépit de son passage foiré sur le banc de la Croatie et de son bilan discuté au Bayern Munich, Niko Kovač a sur le papier le profil idoine pour relancer pour de bon l’AS Monaco, où il a été nommé ce samedi à la place de Robert Moreno.
Il y a d’abord eu la période de vaches grasses, symbolisée par les signatures à l’été 2013 de Falcao, James Rodríguez, João Moutinho et Ricardo Carvalho, et récompensée par une remontée en Ligue 1, puis deux podiums dans l’élite (2014, 2015). Puis le règne, consécutif au très onéreux divorce de son président Dimitri Rybolovlev, de la spéculation. Avec ses hauts, comme cette folle saison 2016-2017 achevée sur le toit du pays et en demi-finales de la C1. Et surtout ses bas, depuis, à l’image de ce maintien obtenu à l’arrachée en 2019, ou de cette saison 2019-2020 insipide jusqu’à son interruption et sanctionnée d’une indigne neuvième place. S’ouvre à présent pour l’AS Monaco l’ère Paul Mitchell, du nom de son nouveau directeur sportif. Du projet de l’Anglais, on sait pour l’instant une chose : qu’il se veut « ambitieux ». Ce dont le foot français a obtenu la confirmation ce samedi en découvrant l’identité du successeur sur le banc monégasque de Robert Moreno, remercié après sept mois et treize petits matchs en Principauté : Niko Kovač. À ceux qui en doutaient, le club du Rocher a prouvé qu’il n’avait pas perdu tout son sex-appeal.
Le révélateur bavarois
Car au-delà du joueur et de sa carrière longue de deux décennies (1989-2009), le CV du Niko Kovač entraîneur vaut lui aussi le coup d’œil. Dernière mission professionnelle en date : un passage de seize mois sur le banc du grand Bayern Munich, son ancien club (2001-2003), entre juillet 2018 et novembre 2019. Une expérience mitigée, le second séjour du Croate en Bavière s’étant écrit dans une certaine adversité. Troisième choix des dirigeants munichois à sa signature au printemps 2018, auteur d’un début de saison poussif que la victoire rapide en Supercoupe d’Allemagne n’a pas suffi à enjoliver, menacé dès l’automne où les rumeurs diverses (Wenger, Hasenhüttl et même Zizou) ont commencé à fleurir et régulièrement critiqué pour son style de jeu jugé trop frileux, Kovač a en outre peiné à faire l’unanimité au sein du vestiaire du FC Hollywood.
Il n’empêche : malgré la défiance de James Rodríguez ou la frustration de Jérôme Boateng, celui-ci n’a pas explosé, et l’homme à la coupe de cheveux soignée et au regard pas commode a lors de son unique exercice complet au Bayern remporté les trois trophées nationaux. Un minimum syndical, chez le Rekordmeister ? Un petit exploit, en fait, dont ni Pep Guardiola, ni Carlo Ancelotti ne peuvent se targuer : les Roten n’avaient plus signé pareil triplé depuis l’exceptionnelle saison 2012-2013, celle de la dernière victoire en C1 et n’y étaient auparavant parvenus que trois fois dans leur richissime histoire (en 2000, 2010 et 2013). Même son prédécesseur, le vénéré Jupp Heynckes, a dû se contenter d’un doublé supercoupe-championnat lors de son ultime passage en Bavière en 2017-2018. La faute à une défaite surprise en finale de la Coupe d’Allemagne face à l’Eintracht Francfort de… Niko Kovač.
Kovač donne des ailes
Bourreau du Croate en novembre dernier (Kovač a quitté le Bayern après une défaite 5-1 à Francfort), l’Eintracht a ainsi d’abord constitué une carte de visite béton pour l’ancien milieu. Nommé en mars 2016 à la tête d’une équipe voguant tout droit vers la 2. Bundesliga, après une expérience malheureuse à la tête de la sélection croate, le natif de Berlin a non seulement sauvé in extremis les Aigles de la relégation, mais il leur a redonné des ailes. Au point de les conduire une première fois en finale de la DFB-Pokal en 2017 (face au Borussia Dortmund de Thomas Tuchel). Et de leur offrir leur premier trophée majeur depuis trente ans et une victoire en Coupe d’Allemagne, déjà. Ce, en dominant le grand Bayern, donc. Cette capacité qu’a eue Niko Kovač à remporter un trophée dans un pays où le géant bavarois truste à peu près tous les titres, à l’image du PSG en France, a quelque chose d’encourageant pour l’AS Monaco.
Mais avant de parler trophées, il conviendra de parler contenu. Sur ce plan-là, l’arrivée de l’ancien international croate (83 sélections) a également de quoi inciter à l’optimisme sur le Rocher. Si l’on se réfère, du moins, à la manière dont il a redressé l’Eintracht, où il est notamment parvenu à maîtriser les personnalités bien trempées de Kevin-Prince Boateng ou Ante Rebić. Compacte, rugueuse, capable par séquences d’aller toiser ses adversaires dans leur camp, son équipe revêtait le caractère et la solidité défensive qui font depuis trop longtemps défaut à l’ASM. Pris en défaut 57 fois en 2018-2019 (1,5 but par match), où seuls Nîmes, Dijon (barragiste) et Guingamp (lanterne rouge) ont davantage pris l’eau, les Rouge et Blanc étaient partis sur de plus piètres bases encore cette saison, où ils ont concédé 44 pions en 28 journées. Soit 1,57 de moyenne par match. Qui dit pire ? Sainté (45), Amiens (50) et Toulouse (58). Soit le 17e et les deux relégués.
L’anti-Robert Moreno ?
De quoi conforter Paul Mitchell dans sa volonté, dévoilée par L’Équipe, de voir l’ASM déployer à l’avenir un bloc haut et un pressing intense. Deux exigences tranchant avec l’identité de jeu à la barcelonaise prônée sans grand succès (l’ASM a en moyenne affiché moins de 50% de possession de balle lors des 13 matchs de Ligue 1 dirigés par l’Espagnol) par Moreno ces sept derniers mois. Trop vert et pas assez fédérateur aux yeux de sa direction pour porter sur le terrain et en coulisses la refonte du club de la principauté, l’éphémère sélectionneur de l’Espagne ne véhiculait par ailleurs ni le « fighting spirit », ni « cet esprit du très haut niveau » attendus par le board monégasque, selon un dirigeant cité par le quotidien sportif. Des attentes que la personnalité, l’expérience, la rigueur et le bagage de joueur et d’entraîneur de Niko Kovač, suivi notamment par le Hertha Berlin et le Borussia Dortmund et secondé par son frangin Robert, ont tout pour combler. Au moins sur le papier.
Par Simon Butel