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Nikica, le tueur
Perdu dans le marasme économique des Rangers en 2011, Nikica Jelavić a profité d'un semestre de folie à Everton pour convaincre définitivement Slaven Bilić d'en faire un titulaire à la pointe de son attaque durant l'Euro. Et ça marche.
Tim Browell, Fred Geary, Jack Southworth. Ces noms ne parlent à personne. Ou presque. Ce trio a œuvré sur le front de l’attaque d’Everton entre 1889 et 1912. Une autre époque. Quel rapport entre ce trio qui a pratiqué le football dans un pays dirigé par la Reine Victoria ou le Roi George V et Nikica Jelavić ? C’est simple, le Croate est devenu le quatrième joueur le plus rapide de l’histoire des Toffees a planté dix buts avec la liquette du club de Liverpool. Pour Nikica, la barre de la première dizaine a été atteinte au bout de 13 matches et 910 minutes de jeu. Oui, c’est hyper costaud. À peine arrivé et voilà l’avant-centre déjà marbré dans la légende du club. Nikica, c’est l’histoire d’un mec qui ne perd pas de temps. Tout ce qu’il fait, il le fait vite. Et bien. Professionnel à 17 piges à Split après une naissance à Čapljina, en Bosnie-Herzégovine, l’attaquant a déjà roulé sa bosse en Belgique, en Autriche, en Écosse et en Angleterre. Un guide du routard à lui tout seul. Sans le sac à dos.
Aujourd’hui, celui qui est surnommé « l’assassin silencieux » par son entraîneur David Moyes se retrouve titulaire à la pointe de l’attaque croate avec l’autre révélation du pays, Mario Mandžukić. Jelavić présente un profil atypique, comme aimait le rappeler l’ancienne légende d’Everton Trevor Steven dans la presse anglaise, en admettant que « sur un terrain, il tente énormément, il a une intelligence dans le jeu, il n’a aucun point faible. On avance souvent qu’il n’a aucun point fort, mais c’est faux. Son point fort, c’est de n’avoir aucun point faible. » Un mec pragmatique, donc. D’autant que son parcours n’a pas de quoi faire péter une braguette. Aucun club huppé n’a daigné s’intéresser à ce sosie de Gonzalo Bergessio. Pis, quand il débarque en Angleterre, personne ne mise un sou sur cet attaquant quasi-inconnu alors que son passage aux Rangers a été une franche réussite.
Adoubé par Bilic
« Jouer en Écosse lui a permis de se familiariser avec le football britannique, épluche Trevor Steven.Il ne faut pas croire que les Rangers achètent des mecs uniquement sur CV. Ils l’ont vu, ils l’ont épié et ont longuement travaillé sur son cas avant de l’engager. Everton a fait la même chose et c’est payant. » Une demi-saison plus tard, le voilà indiscutable en club et en sélection. Une compétition que Nikica aborde sans pression. « C’est ma première grosse compétition internationale. Niveau ambition et motivation, je suis au maximum, balance-t-il dans FourFourTwo.J’espérais déjà faire partie de l’équipe quand j’évoluais au Rangers. Aujourd’hui, j’ai encore progressé, je joue dans le meilleur championnat du monde et j’ai vu que le sélectionneur avait entièrement confiance en moi. Pourtant, la concurrence est relevée en attaque. Mais peu importe si je commence titulaire ou sur le banc, l’important, c’est l’équipe. » Un faux modeste. En même temps, les anciens parlent pour lui. Et en bien. Comme Davor Šuker, tout sauf un peintre en matière de perçage de filet, pour qui « Nikica peut claquer plus de 20 buts l’année prochaine » .
Quand le patron des attaquants du pays parle de vous comme ça, vous avez un afflux sanguin dans le bas ventre. Une montée de sève qui prend définitivement forme quand le sélectionneur du pays, Slaven Bilić, se permet de vous adouber dans le Guardian. « Je le connais depuis qu’il est môme. Ayant joué à Everton, je le regarde plus particulièrement. Je n’ai jamais douté quant à sa réussite. Son profil est intéressant : ce n’est pas un simple buteur. Il participe au jeu. Il peut garder la balle, jouer en déviation. Il ne panique jamais devant le but. Ce n’est pas une surprise de le voir à ce niveau. » Le mec est aimé de tout un peuple. C’est bon signe. À l’heure de défier l’Espagne pour une place en quarts de finale de l’Euro, Jelavić aimerait terminer la saison sur une note positive et ainsi éviter de revivre son drôle de début d’année 2012. Au bord de la faillite, les Rangers s’étaient vus dans l’obligation de vendre leur attaquant à Everton en janvier dernier. Une situation économique que le Croate a du mal à vivre. Il parle même d’un cas qui lui « arrache le cœur » . Pour compenser, ce soir, il aimerait surtout arracher celui de Casillas. En Croatie, on l’en sait tous capable.
Par Mathieu Faure