- Coupe des confédérations – Groupe B – Nigeria
Nigeria, les derniers seront les premiers ?
Arrivée à la bourre au Brésil à cause d'une sombre histoire de primes, la sélection nigériane doit en plus composer avec quelques absents de taille par rapport à leur récente victoire à la CAN. Est-ce pour autant complètement utopique de les imaginer créer une surprise ? Pas forcément, si l'entraîneur faiseur de miracles Stephen Keshi parvient à remobiliser à temps un groupe de Super Eagles au potentiel inestimable.
Pourquoi ils vont surprendre : Parce que c’est leur spécialité, justement, de surprendre. Les Nigérians ne sont jamais vraiment là où on les attend, que ce soit en bien ou en mal. Parfois losers magnifiques, ils se sont mués cet hiver en héros pragmatiques d’une nation qui attendait depuis près de 20 ans un troisième sacre continental. La glorieuse génération 94 – celle d’Amokachi, Yekini, Amunike, Okocha, Oliseh… – n’a pas d’égal et ce serait mentir que de considérer l’actuelle comme aussi fantastique (du moins pour l’instant), mais elle a au moins le mérite de faire le boulot proprement. Et le point très positif, c’est que les Super Eagles ont déboulé avec l’effectif le plus jeune de la compétition, de loin : même pas 25 ans de moyenne d’âge. Qui dit jeunesse, dit potentiel, dit marge de progression, dit surprise possible. Bonne, de préférence. D’une élimination au premier tour à une place en finale, franchement rien ne nous étonnerait de la part de ces champions d’Afrique aussi séduisants que déroutants, capables de provoquer un mini-Knysna avant leur départ, refusant de prendre l’avion et faisant une grève de 24 heures en fin de semaine dernière pour protester contre une sombre histoire de primes. Une affaire à 2500 euros, finalement réglée en haut lieu par le ministère des Sports, qui a pris le relais d’une fédé dépassée. Le Nigeria déboule donc bien à la bourre, mais a la chance d’avoir une mise en jambe a priori (très) facile face à Tahiti.
Les super absents :Plus encore que cette histoire de primes qui a un peu pourri l’avant-compétition du Nigeria, c’est l’absence sur blessure d’Emmanuel Emenike et Victor Moses qui va certainement poser le plus gros problème. Car les deux larrons de l’attaque ont été les grands artisans du sacre continental obtenu en janvier dernier, le premier ayant inscrit 4 buts (premier de l’exercice), le second figurant très logiquement dans l’équipe type de la compétition pour sa grande influence dans le jeu offensif de son équipe. Sans ces deux joueurs, les Super Eagles ont les ailes coupées, à droite et à gauche. Du trident de devant que le sélectionneur Stephen Keshi avait mis en place, il ne reste donc plus que l’attaquant de pointe Ideye Brown de disponible. Visez un peu l’allure que peut avoir un aigle avec des ailes en moins. Pas super, hein ?
Le super héros : Ahmed Musa, vous connaissez ? L’hiver dernier déjà, beaucoup d’observateurs l’imaginaient en révélation de la CAN. Mais barré par le duo Emenike/Moses, il a moins joué que prévu et n’a pas eu l’influence escomptée, se contentant d’un but en demi-finale face au Mali et d’une seule titularisation. Mais au Brésil, Emenike et Moses ayant dû renoncer à participer, Musa doit cette fois bel et bien faire figure d’atout offensif numéro un. Le jeune ailier de 20 ans devrait évoluer sur la droite de l’attaque, en lieu et place d’Emmanuel Emenike. À moins que son sélectionneur ne profite de sa polyvalence pour le positionner en pointe ou sur l’autre côté (où le joueur de Varese Nnamdi Oduamadi part a priori favori pour remplacer Moses). Excellent dribbleur, vif, doté d’une belle intelligence de jeu, Musa peut s’appuyer sur une belle saison en club pour prendre de la confiance et s’imposer dès cette Coupe des confédérations comme le patron qu’il finira forcément par devenir en sélection : 11 buts et 6 passes décisives avec le CSKA Moscou, récent champion de Russie. Pour situer, c’est mieux que ses coéquipiers Honda et Dzagoev.
Le super coach : Ancien joueur du RC Strasbourg au début des années 90, Stephen Keshi est le sélectionneur des Super Eagles depuis 2011. Un sélectionneur à poigne, qui n’a pas hésité à écarter quelques sénateurs de son groupe pour gagner en unité et en esprit de corps. Exit Taiwo, Odemwingie, Utaka, Martins et plus récemment Yobo, place à la jeunesse ! Contre l’avis de l’opinion publique et des médias locaux, il a imposé des choix forts, notamment celui de composer une charnière centrale inexpérimentée, composée de Godfrey Oboabona (du club nigérian des Sunshine Stars, affaire à faire pour un club de L1) et de Kenneth Omeruo (joueur de Chelsea prêté la saison dernière aux Pays-Bas). Le premier a 22 ans, le second seulement 19. Mais la paire est complémentaire et l’habituel stoppeur du Celtic Efe Ambrose s’est révélé à droite de la défense, l’ancien Rennais Elderson Echiéjilé (aujourd’hui à Braga) complétant le quatuor défensif. Au milieu de terrain, Keshi a aussi eu les c… d’accorder sa confiance à Sunday Mba, jeune meneur évoluant au pays, héros de tout un peuple avec son but marqué en finale de la dernière CAN face au Burkina Faso, le seul de la rencontre. À voir en revanche comment le coach va compenser le probable forfait d’Ogenyi Onazi, le joueur de la Lazio, à la récupération. John Ogu, qui évolue à Coimbra au Portugal, est favori pour être associé à l’indéboulonnable John Obi Mikel. À moins que Keshi nous réserve une surprise. Ce ne serait ni la première, ni la dernière.
Par Régis Delanoë