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Nigeria – Argentine, 1996 : des Super Eagles olympiques !

Chérif Ghemmour
6 minutes
Nigeria – Argentine, 1996 : des Super Eagles olympiques !

Mis au ban du football africain en 1996 pour des raisons politiques qui les dépassent, les Super Eagles nigérians s’envolent en juillet pour les JO aux USA, comme ils l’avaient fait pour la Coupe du monde américaine de 1994. Ils y décrochent en août à Atlanta l’or olympique, offrant à l’Afrique, enfin, un premier grand titre international !

Nigeria – Argentine (3-2) – Finale du tournoi olympique – 3 août 1996 Buteurs : C. Lopez (3e), Babayaro (28e), Crespo (50e SP), Amokachi (74e), Amunike (90e)

Une sensation inouïe. L’illustre Mario Zagallo n’en revient toujours pas : « Cela fait longtemps que je dis qu’une équipe africaine peut gagner un tournoi majeur, mais sincèrement, je ne pensais pas être en face ce jour-là. » L’équipe du Brésil olympique qu’il entraîne lors des Jeux d’Atlanta 1996 vient se faire sortir, ce 31 juillet, par les étonnants Nigérians en demi-finales du tournoi ! Pourtant vainqueur des Super Eagles en poule (1-0), la Seleção de Ronaldo, Bebeto, Rivaldo ou Aldaïr a subi leur revanche au terme d’un match dingue. Menant 3-1 à douze minutes de la fin, les Brasileiros ont sombré 4-3 après prolongation sur le but en or signé Nwanko Kanu ! Le bon Nwanko évoquera en 2013 pour le site de la FIFA la mystique de la victoire olympique qui guide le Nigeria :«  En prolongation, il y a eu ce moment magique où j’ai dribblé, frappé et marqué le but en or. Après ça, il était clair pour nous que nous allions gagner le tournoi. » Étonnant ! Car la finale va les opposer à une Argentine hyper favorite et en quête farouche, comme l’était le Brésil, de sa première médaille d’or au tournoi olympique.

Les bons frères sauvent Bonfrère !

Mais ces Super Eagles ne sont pas tombés de la dernière pluie… Ils mêlent les héros du Mondial US 1994, éliminés avec les honneurs par l’Italie en 8es (Okocha, Amokachi, Ikpeba, Oliseh, Okechukwu, Amunike) et la jeune génération victorieuse de la Coupe du monde des U17 en 1993 (Nwanko Kanu, vainqueur de la C1 1995 avec l’Ajax, Celestine Babayaro ou le Lensois Wilson Oruma). L’impayable Taribo West et ses dreadlocks bleues viennent de s’offrir le doublé coupe-championnat avec Auxerre. À l’image de leur communion en prière qu’ils forment fraternellement en cercle avant chaque match, les grands hommes verts (couleur dominante de leur kit) se sont d’abord soudés à partir de deux moments forts. Le premier, c’est leur retrait de la CAN 1996 en Afrique du Sud imposée par la junte militaire en réaction à l’embargo pétrolier actionné par Nelson Mandela pour cause d’exécution d’opposants politiques au gouvernement de Lagos. Victimes de la politique, les Super Eagles disqualifiés en outre par la CAF pour la CAN suivante pour cause de forfait en 1996, comptent bien briller à Atlanta pour leur seule compète internationale présente. L’autre moment fort est survenu avant les JO, quelques jours après une défaite 3-1 à dom en amical contre le Togo. Les pontes de la fédé nigériane veulent virer le sélectionneur néerlandais Jo Bonfrère (assistant de son compatriote Clemens Westerhof, head coach du Nigeria aux USA 94). « Nous étions déjà en Amérique,racontera Daniel Amokachi au journaliste écossais Christopher Weir,et avec toute l’équipe unie, on leur a dit : « Si vous le renvoyez, vous devrez alors chercher d’autres joueurs que nous ! » Jo Bonfrère sera maintenu. Ouf ! Car, outre sa gestion humaine plus relax que celle de Westerhof, il décide de préparer ses joueurs un mois avant le tournoi à Tallahassee (Floride) afin de s’acclimater aux températures américaines et surtout pour fuir les parasitages divers de Lagos… Aux States, les Nigérians prennent confiance dès les poules en finissant derrière le Brésil (0-1), mais devant le Japon (2-0), grâce à leur différence de but supérieure, et la Hongrie (1-0). L’orchestre vert conduit par son stratège Okocha a séduit par son jeu pas toujours abouti, mais offensif et généreux. En quarts, une mine déjà légendaire de « Jay-Jay » et un pion de Babayaro célébré par ses sauts périlleux insensés, dézinguent le Mexique (2-0). En demies, contre le Brésil, les Eagles récidivent comme depuis le début du tournoi en marquant tard (4 buts sur 7 dans le dernier quart d’heure). Menés 1-3, ils chamboulent le score par Ikpeba (AS Monaco) à la 78e, et un doublé de Kanu à la 90e, sur la plus belle action sans doute du tournoi, et à la 94e pour le golden goal. La hype Nigeria s’emballe aux USA et de l’autre côté de l’Atlantique où tout un pays vibre pour sa Dream Team, comme on l’appelle…

Et à la (toute) fin, c’est le Nigeria qui gagne !

Le samedi 3 juillet, jour de la finale, une brise légère rafraîchit un peu le Stadium d’Athens où 90 000 personnes ont pris place malgré la canicule de l’été géorgien. Cet après-midi, c’est le « grand sifflet » Pierluigi Collina qui arbitrera les débats entre le Nigeria et l’Argentine au casting chromé : Zanetti, Sensini, Claudio López, Simeone, Crespo ou Ortega ! L’Albiceleste éclate de rire à la 3e minute avec un but de la tête de Claudio López qui troue la lucarne de Dosu Joseph. Fastoche ! L’Argentine est déjà médaillée d’or. Mais vingt-cinq minutes plus tard, Babayaro place un coup de boule sur corner qui fait poteau rentrant : 1-1. Fumant clope sur clope, le coach Daniel Passarella comprend que ses gauchos vont devoir cravacher… Car les Eagles font jeu égal, sans se laisser impressionner par les légendaires tuniques ciel et blanc : « Nous pouvions rivaliser avec n’importe quelle autre équipe. Il y avait quelque chose en nos esprits qui nous faisait croire à une victoire finale, sans savoir cependant comment on y parviendrait… Aussitôt que l’Argentine a marqué le premier but, on ne s’est pas découragés. Amunike était capable de nous inscrire le but victorieux », narrera pour la BBC Taribo West avec un zeste de prémonition… En seconde mi-temps, les choses se gâtent pourtant à la 50e pour les Nigérians avec un penalty ultra sévère consécutif à un léger contact de Taribo sur Ortega. Le pourtant excellent Collina apporte le petit coup de pouce accordé toujours inconsciemment au gros face au petit. Hernán Crespo ne se prend pas la tête et transforme : 2-1 ! Un peu contre le cours du jeu… Dans le dernier quart d’heure, le Nigeria active alors son habituel finish victorieux. Amokachi égalise d’un coup de patte de chat vicelard qui lobe Cavallero (74e). Jo Bonfrère encourage aussitôt ses gars à monter à l’assaut ! Quinze minutes plus tard, Pierluigi Collina s’apprête à siffler la fin du match quand il décide d’accorder juste avant le terme un coup franc pour le Nigeria. Il est tiré de la gauche par Lawal pour Amunike qui reprend de volée, seul au point de péno : but ! Les Argentins hurlent au hors-jeu, mais le ralenti montre que Sensini, mal remonté, couvrait bien le buteur nigérian… « Quand Collina a sifflé la fin du match, je me suis écroulé sur le terrain, sachant que mon rêve s’était réalisé », racontera Taribo de l’AJA. Contre toute attente, le Nigeria médaillé d’or olympique remporte un premier tournoi majeur ! Une première aussi et surtout pour l’Afrique. «  Nous n’abandonnons jamais, nous sommes africains. Notre victoire signifie beaucoup pour le Nigeria. Le football est ce qui rassemble le plus notre pays. C’est sans doute le jour le plus heureux pour notre peuple » ,déclare, ému, Jay-Jay Okocha en conf d’après-match. Après le bon mot de Kanu saisi au vol ( « Argentina is good. Nigeria is gold » ), les Super Eagles, médailles d’or au cou, se lanceront dans un inoubliable tour d’honneur étirant à plusieurs une large banderole « America, thanks for your support. We love you all. » Merci surtout à vous, lesEagles !

Les années 1990 vous manquent ? Retrouvez le goût des nineties en regardant Power Book III: Raising Kanan, la série produite par Curtis « 50 Cent » Jackson et Courtney Kemp, disponible dès maintenant sur Starzplay.

Arbitre assistant : mode d’emploi

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