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Nicolas Pépé, African Express
L’attaquant de vingt et un ans poursuit sa progression fulgurante qui l’a vu passer en dix-huit mois de la réserve d’Angers aux vingt-trois Ivoiriens sélectionnés pour la CAN. Et personne ne sait aujourd’hui où il posera ses valises en rentrant du Gabon.
« Nicolas Pépé n’est pas Gervinho, mais c’est un jeune qui a du potentiel pour l’avenir. C’est l’occasion pour nous de lui ouvrir la porte de la sélection et lui donner sa chance. » Le capitaine des Éléphants blessé au genou, il faut lui trouver un remplaçant. Mais par ce commentaire face à la presse en novembre dernier, le sélectionneur de la Côte d’Ivoire, Michel Dussuyer, a acté la naissance au haut niveau de Nicolas Pépé en le retenant pour les matchs amicaux contre le Maroc et la France. En quelques minutes sur la pelouse de Bollaert face à son pays natal, le gamin de Mantes-la-Jolie a changé de dimension. Entré à la 85e minute, Nicolas Pépé n’a mis que quelques secondes pour se procurer une première occasion repoussée par Benoît Costil. Le même gardien qu’il croisera quatre jours plus tard à Rennes et en Ligue 1. Mais cette fois, le gaucher enroulera superbement sa frappe des 25 mètres pour inscrire son premier but en professionnel, offrir le point du nul à son équipe (1-1) et clôturer une semaine décidément forte en émotions. Une semaine plus tard à Jean-Bouin, il se mue à nouveau en buteur pour ouvrir le score face à Saint-Étienne (1-2). « Sa sélection et son entrée contre l’équipe de France lui ont donné de l’assurance » , témoigne Serge Le Dizet, entraîneur-adjoint du SCO. « Et puis après ses buts en championnat, tous les projecteurs se sont braqués sur lui. »
Du FC Solitaires aux Éléphants
L’éclosion de Nicolas Pépé est tellement brutale que Serge Le Dizet semble à peine avoir eu le temps de noter sa présence dans les vestiaires. « Nico, c’est un garçon discret qui ne la ramène pas beaucoup. Mais pour un jeune qui n’a pas beaucoup de vécu au plus haut niveau, il est bien accepté dans le groupe. » Car Pépé s’est d’abord construit dans le monde amateur. Il a débuté son parcours dans les cages du FC Solitaires, pépinière de l’Est parisien et club partenaire du PSG. Mais, c’est le Poitiers FC qui le récupère à l’âge de treize ans. Dans la Vienne, il gravit les échelons les uns après les autres jusqu’à la CFA2, qu’il intègre en 2012-2013. Déjà à cette époque, il fait l’étalage de sa palette technique. Le frêle attaquant (1,78 m pour 68 kg) emprunte son move à son idole Lionel Messi : beaucoup de vitesse et de percussion sur le côté droit, avant de rentrer sur son pied gauche pour éliminer ou frapper. Des qualités remarquées de Nantes à Bastia, en passant par Tours et bien sûr Angers qui a été finalement le plus prompt, notamment par l’intermédiaire de Philippe Leclerc, manager du Poitiers FC à l’époque et désormais superviseur du SCO. Au Sporting, il parfait sa formation avec les U19 et la CFA2 et arrive à convaincre Stéphane Moulin de l’aligner sur quelques matchs avec les pros en Ligue 2 ou en coupes.
Quand Angers valide son billet pour l’élite en 2015, Nicolas Pépé est prêté à l’US Orléans où il débarque « en toute humilité, avec une bonne mentalité » , selon les mots de son coach d’alors, Olivier Frapolli, dans les colonnes du Parisien. En National, l’ailier épate et prend un rôle déterminant dans la montée en deuxième division de l’USO. Un an plus tard, il revient dans le Maine-et-Loire auréolé du statut de meilleur joueur de la division. « Il est arrivé dans le groupe un peu sur la pointe des pieds, car rien ne disait qu’il allait forcément s’imposer en Ligue 1 » , reprend Serge Le Dizet. « Ces retrouvailles nécessitaient une période d’adaptation. » Dix-huit matchs et cinq titularisations plus tard, Stéphane Moulin fait de Pépé l’un de ses principaux jokers offensifs, bien qu’il soit encore en phase d’apprentissage. « Ça a été un peu vite pour lui, mais il écoute, il observe et il a manifestement appris pas mal de choses de son passage à Orléans. » Conscient du talent qu’il avait à disposition, Michel Dussuyer a donc décidé de faire sauter quelques classes au protégé de Stéphane Moulin et de l’embarquer avec la sélection ivoirienne qui ira défendre son titre au Gabon.
Fastlife
Même les équipes de la communication de la Fédération ne l’avaient pas vu venir. Dans la première liste donnée à la presse, l’Angevin était annoncé comme recalé des 23, avant de voir son nom réapparaître miraculeusement quelques heures plus tard. Quelques jours plus tard, c’est même lui, qui commence le dernier match de préparation contre la Suède (2-1). Sa présence, dans un groupe rajeuni qui devra se débrouiller sans la figure tutélaire du néo-retraité Yaya Touré, est complètement justifiée selon Serge Le Dizet. « Dans une sélection, il y a un équilibre à respecter : on ne peut pas entasser les vedettes au fort caractère. Prendre deux ou trois jeunes talentueux et insouciants, acceptant le rôle de remplaçant, ça peut faire la différence quand ils entrent. Nico rentre dans cette catégorie et c’est dans ce cadre-là qu’il a été pris » , explique l’adjoint angevin. Un profil de détonateur, comme a pu l’être Kingsley Coman avec les Bleus cet été. Et puis être l’un des gars sûrs de Serge Aurier, que Pépé considère comme un grand frère, ne peut que faciliter son intégration.
Si les doutes sur son talent paraissent définitivement levés, le joueur comme son encadrement sont conscients qu’il reste beaucoup à faire pour ne pas rester un surdoué précoce qui disparaîtra aux premières difficultés rencontrées. « Il faut encore qu’il associe ses qualités individuelles dans un collectif, une organisation, une animation » , diagnostique Serge Le Dizet. « Il doit diversifier son jeu pour devenir moins prévisible, parce qu’en Ligue 1, tu es étudié, analysé et confronté à de meilleurs défenseurs. C’est ce qu’on essaie de lui apporter sur le plan offensif et aussi défensif, pour que lorsqu’on n’a pas le ballon, il soit un élément qui apporte quelque chose à l’équipe. » Sa marge de progression est donc énorme, mais dépendra surtout de sa capacité à être régulier et d’enchaîner les matchs. Une manière pour le technicien angevin de dire qu’il est encore trop tôt pour un départ de sa jeune pépite vers un plus grand club ? Évoqué au Stade rennais, au LOSC, à Saint-Étienne et Monaco, c’est Lyon qui manifeste le plus grand intérêt pour attirer le néo-international ivoirien. « Que Nico ait plus de temps de jeu à Lyon qu’à Angers, je ne pense pas. Mais même dans un club comme l’OL, en une demi-heure, il est capable d’apporter de belles choses. Je ne sais pas s’il va partir, et il n’y a pas grand monde qui le sait aujourd’hui. C’est sûr que s’il y a une offre qui ne peut pas se refuser au niveau du club, ça se fera. » Dix millions d’euros, la somme à débourser pour l’arracher à Angers. Et de belles prestations sur les pelouses gabonaises ne pourraient qu’accélérer encore un peu plus les choses.
Par Mathieu Rollinger
Propos de Serge Le Dizet recueillis par MR