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Nicolas Cozza : « Les Cévennes, je les aime plus que tout »

Propos recueillis par Théo Denmat
Nicolas Cozza : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les Cévennes, je les aime plus que tout<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

On était prévenus : le gamin a la tête bien faite, ses parents y veillent. Nicolas Cozza, 20 ans, est ce que Montpellier a produit de mieux pour suppléer Vitorino Hilton un jour, et ce que les Cévennes ont produit de mieux depuis longtemps. Interview terroir avec le seul footballeur cévenol de Ligue 1, sur fond d'apéro mousse.

Les Cévennes, c’est un endroit magnifique, mais très isolé… Quelle enfance tu as eue au milieu de tout ça ?Je ne vais pas aller jusqu’à dire que j’étais un amoureux de la nature, mais dès mes douze ans, j’ai été amené à aller à Montpellier pour m’entraîner. Alors dès que je revenais au Vigan dans les Cévennes, c’était un bol d’air frais. Ici je me ressource, je reviens à mes racines. J’essaye de rentrer le plus souvent possible pour voir mes parents et mes grands-parents. Ça me fait du bien. J’ai tous mes amis d’enfance qui sont là, aussi. Petit, j’avais mon meilleur ami qui allait souvent à la pêche et à la chasse. C’est comme un frère pour moi, et il m’a très vite amené là-dedans avec lui. J’ai un peu moins de temps maintenant, alors tous les week-ends on joue à la pétanque. Ça c’est le sport national, ici. Puis c’est très agréable.

Tu pêchais quoi ?

Je n’aime pas trop faire de mal aux animaux. Si j’allais à la chasse, c’était au lapin ou à la bécasse, et j’ai dû tirer une ou deux fois au sanglier.

Mon collègue connaissait un peu tous les recoins que personne ne connaissait. Il m’emmenait dans des endroits perdus en montagne… la verdure. Le bon air, comme on dit ! La chasse, ce n’est pas mon passe-temps favori, je tiens beaucoup aux animaux à vrai dire. (Rires.) Je n’aime pas trop leur faire de mal. Si j’y allais, c’était au lapin ou à la bécasse, et j’ai dû tirer une ou deux fois au sanglier.

Justement, les sangliers dans le coin, c’est un vrai fléau…Chaque année, il y a je ne sais pas combien d’accidents graves sur les routes. Mon collègue a une maison dans les bois, un peu perchée dans les hauteurs au-dessus du Vigan, et toutes les nuits, il a les sangliers qui viennent retourner le terrain devant sa porte. Voilà, on cohabite avec les animaux ! Ça fait un boucan, mais c’est pas désagréable.

Ton premier club, c’est le FC Pays Viganais Aigoual. Tu es souvent monté au sommet de l’Aigoual, le point culminant du Gard, à 1565 mètres ?Bien sûr, l’observatoire du mont Aigoual… Quand j’étais petit, j’allais faire du ski à Prat Peyrot avant que le foot ne m’en empêche, puisqu’on est interdit d’en faire à cause des problèmes aux genoux. Plus tard, quand j’ai joué à Ganges, j’avais un ami qui était de l’Espérou, je passais souvent les vacances chez lui, et il connaissait tout le mont Aigoual par cœur. Il m’a fait découvrir des randonnées en vélo, en raquettes… C’était vraiment magnifique. C’est dommage parce que c’est une région un peu sous-cotée. Personne n’en parle parce qu’elle est loin, difficile d’accès, mais c’est vraiment magnifique.

Le Tour de France ne passe par exemple jamais par là, alors qu’il y a des choses à faire.

Petit à petit, les choses meurent. Sur le parcours du rallye des Cévennes par exemple, la flore a drastiquement diminué par rapport à il y a trente ans. Mon père a fait des rallyes, il en a été témoin.

Je trouve ça dommage parce que petit à petit, les choses meurent. Ou en tout cas changent. Sur le parcours du rallye des Cévennes par exemple, la flore a drastiquement diminué par rapport à il y a trente ans. Mon père a fait des rallyes, il en a été témoin.

Ton père a fait des rallyes ?Oui, il était pilote. C’était sa passion. Des rallyes des Cévennes, il a dû en faire une bonne vingtaine, facile. Mais alors lui, il était pas du tout foot, c’est moi qui l’ait amené là-dedans. Bon là, avec le temps, vu qu’il m’a suivi tout le long, maintenant c’est un féru de football.

On a failli se croiser à la fête de Bréau, un village où il doit y avoir 400 habitants à tout péter, mais dont la fête annuelle réunit toutes les populations alentours. Tu étais à l’apéro mousse ?Non, j’étais sur le terrain de foot dans le haut du village, à jouer aux boules ! C’est vrai que l’apéro mousse, c’est l’activité phare, mes collègues adorent ça. Moi, j’avoue que j’y vais juste pour jouer aux boules. Je ne suis pas trop apéro et pas trop alcool, c’est pas trop mon délire. Mais cette fête chaque année c’est carton, il y a tellement de monde… C’est bien, parce que c’est une fête de village authentique de chez nous.

Chaque année, l’apéro mousse est précédé d’un abrivado, cette tradition qui consiste à lâcher des taureaux dans les rues du village, et où des jeunes tentent de les mettre à l’arrêt. T’as déjà couru après la queue d’un taureau ?Non ! J’ai pas pris ce risque. Si je me fais embrocher, je peux oublier ma carrière de footballeur. (Il se marre.)

On dit que tes parents te surveillent beaucoup…Je suis fils unique, donc toute l’attention est portée sur moi. C’est clair que mes parents sont très protecteurs. Ils voient toujours le mal chez les personnes extérieures qui veulent me rencontrer.

Je suis fils unique, donc toute l’attention est portée sur moi. C’est clair que mes parents sont très protecteurs. Ils voient toujours le mal chez les personnes extérieures qui veulent me rencontrer.

Ils font très attention à ce que tout se passe bien. Quand j’ai signé à Montpellier, ce sont eux qui me descendaient deux à trois fois par semaine pour que je puisse m’entraîner. Puis plus tard, quand je suis entré au centre de pré-formation, il fallait que j’aille en cours à Montpellier. Il a donc fallu qu’on déménage du Vigan à Montpellier. On a emménagé pendant cinq ans dans un appartement de mes grands-parents à Palavas-les-Flots pour qu’ils puissent m’accompagner tous les jours à l’entraînement et vérifier que je ne faisais pas de bêtises. À l’époque, je ne savais pas que j’allais arriver en pro, c’était vraiment un défi.

Il paraît que tu vas toujours aider ta mère au magasin pendant les vacances, c’est vrai ?Oh, de temps en temps… Dès que je rentrais au Vigan, j’allais lui rendre visite, à elle et ses collègues de travail, que je connais bien.

J’ai fait mon stage de troisième obligatoire à Well, l’usine de collants dans laquelle travaille ma mère. C’était passionnant ! (…) À une époque, il y avait plus d’un millier de salariés, aujourd’hui ils sont descendus à moins de trois cents. C’est dramatique.

Elle travaille au service logistique de l’usine Well, les collants. J’ai fait mon stage de troisième obligatoire à l’usine ! Je ne m’attendais pas à voir autant de machines. Elles font les collants, puis des gens vérifient que les machines fonctionnent bien, vérifient l’état des collants, s’ils ne sont pas filés… Je ne m’attendais pas à autant de boulot derrière un collant. Il doit y avoir une quarantaine de personnes qui travaillent sur un seul modèle. C’est une super grande usine en plus. C’était passionnant comme stage. Mon père travaillait lui au conseil général, il était chauffeur d’hommes politiques. Puis il a aussi bossé aux pompiers du Vigan, et maintenant il est maire adjoint. Il travaille beaucoup.

Tu as souvent été capitaine dans ta carrière, et tu expliques beaucoup observer le comportement des « patrons » du vestiaire pailladin. Quel homme t’impressionne le plus et pourquoi ?Aujourd’hui, c’est Hilton, tout simplement. Il a 42 ans et il est toujours en forme. Dès qu’il a des choses compliquées à faire, il ne rate jamais, c’est le premier à t’encourager… Voilà, c’est un exemple. Et quelqu’un qu’il faut suivre à l’entraînement tous les jours. C’est enrichissant de côtoyer quelqu’un comme ça au quotidien.

Dans les joueurs passés par le MHSC, tu as un jour cité Nenad Džodić en exemple. C’est loin d’être celui qu’on mentionne le plus souvent…Et pourtant, quand je regardais les matchs quand je suis arrivé au club, il m’avait marqué. C’est le capitaine la saison de la montée en Ligue 1. C’était un style à part, Nenad, et j’avais bien accroché. Je me voyais en lui.

Tu as mis un seul but avec Montpellier pour l’instant (en mai 2018 contre Troyes, 1-1). On peut le dire ici : tu as juste eu un énorme coup de pot ?Exactement ! (Rires.) On peut dire que j’ai eu du pot sur ce coup, mais ça fait plaisir. J’étais très content de marquer mon premier but en pro en Ligue 1, et c’est une sensation que j’aimerais découvrir plus souvent. Je me souviens que j’avais des collègues dans la Butte Paillade ce jour-là, et ils avaient mon maillot ! J’ai levé la tête, je les ai vus célébrer. Ils étaient contents ! Ça m’a touché.


C’est une des premières fois qu’un footballeur viganais atteint la Ligue 1, est-ce que c’est une fierté ? Ou alors tu trouves ça anormal que vous soyez si peu ?Évidemment, pour moi, c’est une fierté de représenter la région. J’adore cette région, je l’aime plus que tout, c’est là où je suis né, et j’aimerais bien sûr la faire découvrir au plus de gens possible, par ce que je fais sur le terrain. Qu’elle ne meure pas avec le temps comme ce qui est en train de se passer… Quand on regarde l’usine Well, à l’époque il y avait plus d’un millier de salariés, aujourd’hui ils sont descendus à moins de trois cents. C’est dramatique.

C’est une région énormément touchée par le chômage (fin 2017, le taux de chômage au Vigan était égal à celui du département du Gard : 12,6%. Contre une moyenne nationale de 9,1%)Exactement. J’aimerais un peu la redynamiser, quoi. Je ne suis pas le seul à représenter les gens de cette région : dans la chanson, on a Whitney qui a gagné The Voice il n’y a pas longtemps. Dans l’humour, on a Morgan Nègre qui fait des spectacles. C’est super, quoi ! On essaye, nous les petits jeunes, de faire découvrir notre région et de faire parler d’elle.


Comment expliques-tu que la Bretagne, par exemple, dégueule de footballeurs, et que ce ne soit pas le cas pour les Cévennes ?

C’est triste à dire, mais pour pouvoir faire une carrière, il faut aller dans des grands clubs. Et dans la région, les grands clubs, c’est Montpellier et Nîmes. Il faut partir de chez toi très tôt pour réussir, et c’est malheureux.

Je ne sais pas trop comment l’expliquer… Si je prends mon exemple, si je n’étais pas parti très jeune du Vigan et de Ganges pour rejoindre Montpellier, je ne serais pas là où je suis aujourd’hui. C’est triste à dire, mais pour pouvoir faire une carrière, il faut aller dans des grands clubs. Et dans la région, les grands clubs, c’est Montpellier et Nîmes. Il faut partir de chez toi très tôt pour réussir, et c’est malheureux.

Tu sens une différence par rapport à avant, dans la rue ? Bien sûr, bien sûr. Les gens te regardent autrement. Je suis passé du « Nicolas le jeune qui habite au Vigan » à… je ne vais pas dire la star, mais quand on me voit on sait qui je suis, on me parle du foot. Les Viganais s’arrêtent pour prendre une photo avec moi, c’est agréable, c’est sympa.

Tu as participé à la Coupe du monde des moins de 20 ans cet été avec les Bleus en Pologne, qu’est-ce que tu en retiens ?(Il réfléchit.) Franchement, une déception. Totale déception. Je pense que c’est un tournoi où on avait les capacités pour gagner. Donc là, perdre en huitièmes de finale contre les États-Unis… Il ne peut y avoir que des regrets. Mais bon, c’est des erreurs que l’on fait jeune, peut-être que plus tard, ça va me servir pour franchir cette étape. Il faut apprendre de ses erreurs.

Tu es le petit-fils de Jean-Louis Besson, ancien défenseur et premier capitaine du Montpellier Littoral Sport Club à sa création, en 1974. Quels sont tes premiers souvenirs de discussions foot avec lui ?Le souvenir qui me revient, ce n’est pas une discussion sur le foot, mais la première fois qu’il m’a amené à l’entraînement. Le premier de toute ma vie, j’avais 5 ou 6 ans. Je m’en souviendrai toute la vie, c’était sur le terrain d’Avèze. Ça m’avait marqué, je ne sais pas pourquoi. J’ai toujours cette image en tête où je me vois petit, avec lui qui m’amène au bord du terrain et me dit : « Allez, va jouer ! »

Il paraît qu’il te parle tout le temps de football…Tout. Le. Temps. Quand je vais rentrer après le match contre Bordeaux (interview effectuée vendredi dernier, N.D.L.R.), on va parler du match, des autres équipes… Mais c’est ce qu’on aime tous les deux, hein !

Tu sens le poids d’un certain héritage d’être le petit-fils du premier capitaine de la Paillade ?Bien sûr, et c’est un objectif.

D’être capitaine à ton tour ?Exactement.

Lorsque tu as signé ton premier contrat pro, en juin 2017, et que l’on t’a demandé quels étaient tes premiers objectifs, tu as répondu : « D’abord, passer mon bac » . On peut te demander avec quelle mention tu l’as eu ? Alors ! J’ai eu mon bac… tout court. (Il se marre.) En fait, c’était une année tellement chargée… J’étais en fin de contrat, et j’avais le bac et le permis à passer. Finalement, je me retrouve à signer pro la veille de mes examens, j’avais le permis, et je venais de remporter la Gambardella. Donc je suis allé au bac. Bon, je peux le dire maintenant : je n’avais pas révisé.

Nada ?

Le bac ? J’y suis allé au talent, mais ça a payé : je l’ai eu avec 10,13 de moyenne, alors que la veille, je signais mon premier contrat pro.

J’y suis allé au talent, mais ça a payé : je l’ai eu avec 10,13 de moyenne, alors que la veille, je signais mon premier contrat pro. Bon, dans ma tête, je me disais que je n’avais pas fait quinze ans d’école pour ne rien avoir au bout. Je le voulais, ce bac. Je suis un gagneur, quand je fais quelque chose je veux aller au bout. Mais c’est sûr que j’y suis allé en mode détente. (Rires.)

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