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Nicolas Castro : « Les Galactiques du Real, je m’en fous complètement »

Propos recueillis par Matthieu Rostac
Nicolas Castro : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les Galactiques du Real, je m&rsquo;en fous complètement<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Après s'être illustré avec brio dans le documentaire, Nicolas Castro passe pour la première fois à la fiction avec Des Lendemains qui chantent, qui revient sur les années Mitterrand (sortie le 20 août). Une époque qui, plus ou moins, commence et se finit sur deux drames pour Castro : France-RFA 82 et France-Bulgarie 93. Mais une période toutefois dorée pour ce fan de numéro 10 et de foot à l'ancienne, entre Michel Platini, Bernard Tapie et Claude « Roberto Baggio » Sautet.

Quel est votre rapport au football ?

Comme beaucoup, je crois que c’est avant tout une histoire de passion, autant comme joueur que comme spectateur. Dans Des Lendemains qui chantent, je trouvais assez drôle de créer des repères avec les différentes élections présidentielles. Pour moi, les Coupes du monde sont des repères de même nature que les élections présidentielles. On construit la mémoire collective autour de ces événements extrêmement fédérateurs. C’est vrai que j’ai un rapport au foot qui se manifeste d’autant plus tous les quatre ans. Je n’ai jamais vraiment suivi un club en particulier, j’ai surtout suivi les épopées européennes. J’ai eu de la chance parce qu’au lycée, j’ai été copain avec Laurent Tapie, donc j’ai pu voir quelques matchs de la campagne de l’OM 93. J’avais assisté au match au Vélodrome avec la coupure de courant, j’ai vu les premiers pas de Beckenbauer en tant qu’entraîneur, aussi. J’étais supporter de l’OM quand l’OM marchait bien. Par la suite, j’ai suivi l’épopée du PSG époque Ginola et Valdo puis, plus tard, celle de Lyon en Ligue des champions. Même si c’était très frustrant parce qu’ils perdaient tout le temps en quart de finale. Je me rappelle notamment d’un match contre le Milan AC où Lyon fait un bon 0-0 à la maison et au retour, Pippo Inzaghi marque. Je me suis toujours raccroché à l’équipe qui marchait bien en Coupes d’Europe.

En somme, vous supportez la France ?

Exactement. Moi, mes grands souvenirs de foot, c’est l’équipe de France. L’Euro, évidemment, mais surtout la Coupe du monde. Je crois que mon tout premier souvenir de foot, c’est une finale de l’Euro 80 Allemagne-Belgique. Et puis ensuite, l’équipe de France. L’équipe magique des années 80. Je fais partie de la génération des traumatisés de Séville. Briegel, vous vous rappelez de la tête qu’il avait ? Hrubesch… Le boucher de Hambourg. Ils me faisaient peur. J’étais chez mes grands-parents, j’ai pleuré à chaudes larmes toute la nuit. D’ailleurs, il y en a beaucoup qui garde une vraie tendresse pour cette équipe, plus que pour celle de 98. Pour moi, Platini, c’est le meilleur qu’on ait jamais eu en France. Bon, je vais pas rentrer dans la polémique Zidane-Platini, mais Platini, c’était une élégance, de l’humour, une intelligence de jeu. C’était la gagne aussi. Ce qu’il avait fait à l’Euro 1984, c’était monstrueux. Neuf buts en cinq matchs : personne n’a jamais fait ça. C’est aussi fort que Just Fontaine en 1958. Il était parti en Italie, avait pris la mentalité italienne, c’est le premier à avoir inculqué ça en France. Ils étaient beaucoup plus au point que nous niveau tactique et on en a d’autant plus profité en 98. Je me souviens que la Gazzetta avait titré « On a créé des monstres ! » quand on avait gagné « à l’italienne » contre l’Italie en quarts. J’aimais bien Maxime Bossis avec son air dégingandé avec ses grandes pattes. Il avait de l’allure. Même Tigana, qu’on a un peu trop cantonné à ce rôle de porteur d’eau, alors que pour un râtisseur, il avait quand même vachement d’élégance. Dans les années 80, les joueurs nous ressemblaient. On pouvait presque être à leur place. Quand on voyait le gabarit des Giresse, Genghini, Fernandez… Platini, il portait son maillot sorti du short parce qu’il se trouvait un peu bedonnant, un peu gros. Pour ça, la dernière Coupe du monde, ça m’a rendu fou. Quand j’ai vu tous ces mecs avec des coupes de cheveux improbables, des tatouages partout, j’ai trouvé ça plus compliqué de s’identifier. Donc oui, je garde une certaine tendresse pour cette équipe qui avait du panache. C’est vrai qu’on ne va pas au bout en 82, mais France-Brésil 86… Pour moi, la génération 98 n’a jamais fait un match aussi beau. France-Brésil 2006 était pas mal, mais bon, c’était pas pareil.
Question panache, j’aimais bien l’OM, mais celui qui a perdu. Celui de 91

Ce que vous appelez le panache, c’est le romantisme, en fait ?

Exactement. Même si je ne les ai connus qu’en vidéo, l’Ajax des années 70, c’était quand même exceptionnel, par exemple. J’ai beaucoup aimé le Barça de l’époque Guardiola. Même si on s’est vite lassé du tiki-taka, c’était impressionnant. Et puis c’était une équipe avec une vraie identité de jeu. Beaucoup d’équipes jouent le même football et eux sont arrivés en imposant leur marque et un nouveau football. Question panache, j’aimais bien l’OM, mais celui qui a perdu. Celui de 91. Ce match aller où ils gagnent 2-1, alors qu’ils ont je ne sais combien d’occasions et ensuite, le match retour crispant. Il y a 0-0 à la 75e, je crois, et puis la main de Vata. C’était terrible. On comprenait rien dans le stade… Et Tapie derrière qui dit : « Ça y est, j’ai compris comment gagner une Coupe d’Europe. » Il était fou, le Nanard ! (rires) Une sacrée équipe, quand même : Waddle, Pelé… L’OM de 93 avait Bokšić et Völler, elle était sans doute plus forte, mais elle avait moins de panache. Et puis il y avait Francescoli. Très racé, très fin. Je dois avouer quelque chose : en partie parce qu’il y avait Francescoli, j’ai été supporter du Matra-Racing. Il y avait ce joueur improbable, Ali Ben Mabrouck. Il y avait un arrière gauche hollandais, Sonny Silooy. Fernandez était arrivé au club en défrayant la chronique parce qu’il gagnait 600 000 francs, une somme que gagne sans doute Messi chaque jour à l’heure actuelle. Mais à l’époque, ça avait fait grand bruit. C’était le début des gros investissements dans le foot, Lagardère venait de racheter le club et c’était la grande époque de Tapie.

Vous leur reprochez quoi aux footballeurs modernes ?

Je ne leur reproche rien. Je ne suis pas du tout moralisateur, mais à l’époque, les mecs qui jouaient en équipe de France touchaient des salaires de cadres supérieurs, donc ils n’étaient pas du tout dans un star system comme aujourd’hui. Je ne vais pas enfoncer des portes ouvertes, on en a fait le constat il y a fort longtemps. Il y a un joueur de maintenant qui me fait penser aux joueurs des années 80 : Varane. Je le trouve magnifique, très fin, très élégant. En plus, c’est un mec qui a la tête sur les épaules, qui parle un peu comme les mecs des années 80. Il est rassurant. Mais c’est vrai que je m’étais un peu retiré du foot avec cette équipe calamiteuse de 2008, 2010, 2012. Ça m’a gâché le plaisir un peu. Il y avait des matchs d’une souffrance… Le France-Roumanie de l’Euro 2008, qui finit sur un 0-0. Une purge intégrale ! C’était horrible ! Les 1-1 en Biélorussie, aussi… Avec des joueurs pas attachants, qui plus est. Là, avec Deschamps, on est revenu sur quelque chose parce qu’il a sans doute plus de poigne que Blanc.

Finalement, votre football, vous l’aimez comme votre cinéma : des années 80.

Non, pas forcément. C’est un sport qui n’évolue pas si mal. Si on prend l’exemple du rugby, c’est le physique qui compte maintenant et tout le monde joue de la même façon. On n’a plus autant de beau jeu du fait des gabarits de l’époque. Un mec comme Lagisquet, il n’aurait aucune chance de percer en l’état actuel. On a eu très peur de ça dans le foot, notamment avec la Coupe du monde 90 qui était très physique. Et finalement, on a des mecs comme Messi qui font la différence avec leur gabarit. Ça reste un beau jeu basé sur la technique. Après, c’est vrai que l’arrêt Bosman, j’ai trouvé ça un peu dommage. J’aimais bien quand il y avait deux, trois étrangers par équipe. C’était l’événement de voir un étranger débarquer dans ton club. Je ne suis pas cocardier, mais quand je vois que le PSG joue parfois sans un seul Français, ça veut dire quelque chose. Finalement, le football est le miroir de notre société et a suivi le pas de la mondialisation, de la marchandisation. Ça devient avant tout un enjeu d’économie et d’investissement. Sans vouloir être passéiste, j’aime bien le football un peu « clocher » . Moi, les Galactiques du Real Madrid, je m’en fous complètement. En revanche, quand je vois que Ramos, qui a fait quasiment toute sa carrière au Real, emmène son équipe vers la victoire en Ligue des champions, je trouve ça chouette. Et on retrouve cette culture-là à Barcelone.

Ça va même plus loin avec le Barça parce qu’il y a la Catalogne derrière…

Ils défendent le maillot, ça c’est sûr. Il y a plein de clubs en Espagne où le côté local l’emporte. L’Athletic Bilbao est entièrement basque, la Real Sociedad fait jouer plein de mecs formés au club. L’équipe est le reflet du club. J’aime bien ça. C’est fou les proportions que prend le foot, parfois. La Kostadinov de 93, pendant un an ou deux, je n’ai pas pu regarder de match parce que j’étais traumatisé. Surtout quand on voit que la Bulgarie et la Suède, toutes les deux dans notre groupe, arrivent en demi-finales, c’est d’autant plus traumatisant. Pareil après la défaite en Coupe du monde 2006. Ce sont de grandes blessures footballistiques. 1988, bon, c’est moins important et surtout, on tombe contre la Yougoslavie qui a une équipe dingue. C’était la grande équipe de Stojković, Prosinečki. Savićević, quel beau joueur… C’était incroyable, ce pays. Quand on voit les équipes qu’ils arrivent encore à sortir : Croatie, Bosnie, Serbie.

Quel serait le meilleur film à faire sur le football ?

J’adore travailler sur les archives et sur les détournements. Je rêve de faire un truc, que j’ai commencé dans Des Lendemains qui chantent, mais je n’ai pas été au bout : prendre un journaliste pour héros et imaginer une autre fin à France-RFA 82. Avec les archives, on peut remonter le match, prendre un but de Platini contre les Allemands pendant un autre match et l’insérer. S’offrir au moins une fois le plaisir de changer l’histoire, de créer une uchronie. Faire en sorte que les Français battent – enfin – les Allemands. J’avais déjà fait ça avec Michel Rocas, le roi du nanar, un documentaire où on refaisait la vie d’un réalisateur avec des interviews. Sur France-RFA, ça peut être marrant d’aller voir Platini maintenant et qu’il nous raconte sa reprise de volée à 3-3 à la 119e minute sur une remise de Giresse. Ceci dit, faut quand même saluer Fischer parce que le retourné qu’il met à la 110e, faut le mettre celui-là. Concernant le film, je ne sais pas si vous vous rappelez, mais en 1986, il y avait eu une épidémie de tourista en équipe de France. Du coup, j’imaginais aussi que mon personnage bouffait dans un boui-boui avec eux et qu’à cause de lui, ils chopaient la tourista. Les journalistes sportifs, ça me fascine. J’imagine des mecs de 55 piges couvrir un Louhans-Cuiseaux – Laval en Ligue 2 un soir d’hiver après trente ans de carrière. Ça doit être un vrai sacerdoce.

Tout à l’heure, vous disiez connaître Laurent Tapie. Vous avez côtoyé le père, aussi ?

Il a un rôle prépondérant dans Des Lendemains qui chantent, il apparaît au travers d’archives à de nombreuses reprises. J’ai un peu connu le grand Bernard. Même si je ne partage pas toujours ses méthodes ou son sens civique, c’est un personnage tellement romanesque, haut en couleur. J’aime bien le bonhomme, avec cette gouaille, ce culot. Je ne dirais pas que je l’admire, mais il m’épate. Et puis on a beau dire, mais il a amené le football français à un niveau de professionnalisme qu’il n’avait sans doute pas avant.

Est-ce que finalement, il ne ferait pas un bon personnage de cinéma ?

On ne peut pas, on est battus. Quoi qu’on fasse au cinéma, on n’atteindra jamais la dramaturgie de France-RFA. Tapie, c’est pareil. Il faudrait faire des documentaires pleins. Sa vie est tellement romanesque, tellement incroyable. Si vous faites un film sur Tapie, les critiques vont vous dire : « Attendez, vous êtes gentil, mais on n’y croit pas une seule seconde. » Un mec qui est chanteur, qui vend des télés, qui rachète des usines, qui est champion d’Europe avec un club de foot, qui est comédien, qui est ministre d’un gouvernement socialiste alors qu’il est capitaliste. Si vous mettez ça dans une fiction, on va vous traiter de fou. Sauf que Tapie, c’est ça. À moins de trouver un ressort scénaristique qui expliquerait aujourd’hui sa motivation et rendrait la chose vraisemblable, la fiction est battue par la réalité et nous, les auteurs, devons nous incliner modestement.

En parlant d’auteur, vous vouez un culte tout particulier à Claude Sautet. Vous le compareriez à quel joueur ?

Claude Sautet, ça serait un joueur qui ne frimerait pas, la tête toujours droite. Pas de dribble inutile, pas de fioriture, pas de sentimentalisme. Ça serait forcément un numéro 10, qui donnerait des ballons au millimètre, toujours propre. Un mec qui transforme des ballons moyens en très bons ballons. Claude Sautet, ce serait un italien. Claude Sautet, ce serait Roberto Baggio.

Des Lendemains qui chantent de Nicolas Castro, avec Pio Marmaï, Laëtitia Casta, Gaspard Proust, Ramzy Bédia, André Dussollier et Anne Brochet. Sortie le 20 août.

Dans cet article :
Du placard au panard, Rayan Cherki c'est reparti !
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Propos recueillis par Matthieu Rostac

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