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Nicolas Burdisso : « Un Boca-River, c’est titanesque »
S’il est passé par l’Inter et la Roma, le nom de l’ex-international argentin, Nicolas Burdisso, reste tout de même associé au Boca Juniors de Carlos Bianchi, celui qui remporta trois Copa Libertadores en se débarrassant par deux fois de River Plate sur le chemin. Interview avec un type qui connaît les Superclásicos mieux que personne.
Est-ce que cette finale marque la renaissance du football argentin ? C’est possible. Depuis quelque temps, j’ai l’impression que notre football va un peu mieux. On voit l’apparition de certains jeunes très intéressants. Les nouveaux coachs ont également une bonne philosophie. L’Argentine a besoin de référents, de symboles, aux idées claires sur les bancs de touche. Au-delà de ces coachs qui aiment le bon football, qui ont une identité de jeu, il y a aussi le retour d’anciens comme Bauza ou Alfaro.
Après, ce qui me plaît par-dessus tout, c’est que les joueurs ont de nouveau de la continuité. C’est bête, mais c’est quelque chose qui s’était vraiment perdu ces dernières années. Aujourd’hui, il y a plus de stabilité, on ne change plus tout l’effectif du jour au lendemain. Les jeunes qui montent en équipe première ont des référents expérimentés qui les aident à progresser. Ils ne sont plus jetés dans le grand bain n’importe comment. Le football argentin est en train de revoir sa copie, pour éviter de reproduire les erreurs du passé, donc, oui, on peut parler de renaissance. Cette finale vient le confirmer. On montre au monde de quoi on est capable. C’est une bonne vitrine. Ce qui ne change pas, c’est le contexte. Les supporters ne peuvent toujours pas faire de déplacement… Il n’y a pas eu de violences au match aller. Ni dans les tribunes, ni sur la pelouse, mais ce serait bien que les supporters de chaque club puissent assister au match dans un même stade. C’est vraiment dommage que ce ne soit pas le cas. Le folklore dans le foot est toujours quelque chose qui engendre de l’émotion. Voir les supporters de Boca répondre aux chants de ceux de River, ou vice versa, c’est quelque chose qui fait partie de l’essence du football argentin. C’est le football que j’aime, en tout cas.
Tactiquement, quelle est la différence entre les deux équipes ? River joue au ballon pour provoquer les erreurs de l’adversaire. C’est une équipe qui a les idées claires avec le ballon. Ils essaient d’ouvrir le terrain, d’attaquer avec les latéraux. Ils essaient de ne pas trop exposer leurs deux défenseurs centraux, qui ne sont pas très rapides. Ponzio, qui n’a pas joué à l’aller, apporte cet équilibre nécessaire au bon fonctionnement général de l’équipe. Quand il n’est pas là, c’est Enzo Pérez qui s’en charge. River n’est pas une équipe qui maîtrise toutes les facettes du jeu. C’est une équipe qui sait faire trois ou quatre choses, mais qui les fait bien. Gallardo fait du bon boulot. Il transmet beaucoup de sérénité aux joueurs, que ce soit dans les moments difficiles ou d’euphorie. Boca a peut-être le meilleur effectif du football argentin. Schelotto, l’entraîneur, est un leader né. J’ai joué avec lui, et c’est un vrai patron, un gagnant. Il est capable de donner une confiance monstrueuse à ses joueurs, surtout à ceux qui jouent en attaque. Le style de Boca est moins défini que celui de River. C’est une équipe qui dépend de la forme de ses individualités.
Boca sait attaquer, mais est-ce une équipe qui sait défendre ? En Argentine, il y a peu d’équipes qui savent bien défendre en étant protagonistes du jeu. Pour bien défendre, il faut que le coach et les joueurs aient du temps pour bosser. Moi, je dirais que Boca défend bien.
Ça pourrait être mieux, mais c’est suffisant. J’ai gagné trois Libertadores avec un Boca qui défendait très bien. Bien défendre, c’était l’un des principes de Carlos Bianchi. On était pragmatique, donc parfois il nous arrivait de faire un peu l’impasse sur le beau jeu. Bianchi avait une confiance aveugle en ses joueurs, et l’inverse était vrai aussi. Il y avait une alchimie, qui faisait qu’on pouvait s’exprimer librement sur le terrain. Boca vivait l’une des plus belles pages de son histoire. Il y avait beaucoup de bons joueurs expérimentes. Quand un jeune rejoignait le groupe pro, il recevait une quantité de conseils et d’informations qui lui permettaient d’être plus rapidement mature, compétitif. Moi, je jouais avec Bermúdez et Walter Samuel. Il n’y avait qu’à les regarder pour apprendre le métier.
Tu aurais aimé disputer une finale de Libertadores contre River ? Seulement si j’étais sûr de gagner. Il n’y a rien de pire que de perdre un Superclásico. J’ai joué un quart et une demie contre River, et c’est quelque chose de très usant, physiquement et psychologiquement. La première fois, je venais juste d’intégrer le groupe pro, donc je l’ai vécu avec une relative tranquillité, mais la deuxième fois, ça a été plus difficile à gérer. Je savais que ce serait mon dernier Superclásico avec Boca, parce que j’allais partir un mois plus tard. J’ai ressenti beaucoup d’angoisse, la charge émotionnelle était énorme. Un Boca-River, c’est quelque chose de titanesque. Pour le vivre au mieux, il faut des leaders à tes cotés.
On a l’impression que c’est un match où le mental est plus important que le talent. Tout compte, l’aspect technique, la condition physique, le caractère. Il faut être le plus complet possible dans ces facettes-là pour que les jambes répondent bien. Parce qu’on ne gagne pas un tel match avec le cœur, ou les tripes. C’est la technique, la manière dont est traité le ballon, qui finit par incliner la balance d’un coté ou de l’autre.
À quel match vous attendez-vous ce week-end ?
Le round d’observation est passé, donc je pense qu’on va voir un très beau match. Les deux équipes vont peut-être vouloir emballer le match, chose qui ne conviendrait à aucune des deux. Quoi qu’il arrive, il y a beaucoup à gagner, mais aussi beaucoup à perdre. C’est une finale unique, différente. On va se régaler.
Propos recueillis par Aquiles Furlone