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Nicola Rizzoli, le juste prix
« Elles sont cuitas, les bananas découpées en dos, les patatos », chantait sans aucune logique son presque homophone (son nom se prononce bien « Ritsoli » et non « Risoli »). Pour sa dernière grande compétition estivale, l'arbitre italien se contentera de finir sur le match le plus important de cet Euro et il devrait être à la hauteur.
Il ne rejoindra donc pas le Suisse Gottfried Dienst, le seul capable de compléter le Grand Chelem en dirigeant une finale d’un Euro, d’une Coupe du monde, de Coupe d’Europe des clubs champions (deux même) et de Coupe des villes de foires (ancêtre de la Ligue Europa), c’était dans les années 60. Ne manquait qu’une finale de l’Euro au sifflet italien après celle du dernier Mondial, de la C1 2013 et de la C3 2010, mais selon son ancien collègue Tiziano Pieri, le grand chelem virtuel est conclu : « Ce France-Allemagne, c’est une finale avant l’heure, et ce n’est pas un hasard si Collina a nommé son préféré pour arbitrer cette rencontre, bien plus importante que le match de dimanche. Si ce choc se passe sans encombre, Collina est le grand gagnant de l’Euro. »
Chahuté en Italie, intraitable hors de ses terres
Pourtant, rien ne laissait présager que Rizzoli pouvait être encore dans les petits papiers de son patron, la faute à une dernière édition de Serie A qui l’a vu souvent au milieu des polémiques, notamment lors d’un vif échange verbal avec Leonardo Bonucci, défenseur de la Juve, et à deux doigts du contact physique : « Ça a été très instrumentalisé tout ça (les arrêts sur images soigneusement choisis, ndlr), même s’il n’aurait pas dû laisser le joueur s’approcher. D’ailleurs, j’ai déjà vu Nicola dire clairement à d’autres : « Ne me touche pas. » Collina enseigne à tendre le bras avec la paume vers l’avant pour augmenter le volume du corps d’un mètre, ça permet d’éteindre de suite les protestations avant même qu’elles naissent » , analyse son ancien collègue. Une scène qui n’était pas sans rappeler le triple « Vaffanculo » de Totti à son encontre, puni seulement d’un jaune, les critiques qui s’ensuivirent le tentèrent même un instant de stopper sa carrière, comme il le confia dans son autobiographie intitulée Quel plaisir peut-on prendre en faisant arbitre ?
De fait, le quintuple meilleur « fischietto » de Serie A en titre est loin de faire l’unanimité dans son pays : « Il exerce toujours de la même façon que ce soit en Italie ou hors des frontières, c’est juste qu’il a été un peu en dessous de son niveau durant cette saison de championnat, mais je pense que c’est parce qu’il voulait arriver au top de sa forme psycho-physique durant l’Euro. Et puis ses caractéristiques émergent mieux à l’internationale où le rapport avec les joueurs est réduit au minimum. » Sa place était ainsi garantie malgré une sérieuse concurrence interne : « Il y a deux types d’arbitres, les instinctifs et les réfléchis, j’ai toujours eu un penchant pour les premiers qui ne tergiversent pas, au risque de faire de grosses erreurs, mais avec un pourcentage de bonnes décisions très élevé, comme Orsato ou Rocchi. C’est une question de goût, comme préférer un style de jeu offensif à celui plus attentiste. »
Pas très loin de Collina
À 45 ans, le natif de Mirandola devrait ainsi entamer la dernière saison d’une carrière rêvée, à tel point qu’une comparaison avec son illustre prédécesseur n’a rien de déplacé : « Il a peut-être même fait plus que lui, mais Collina est intouchable, et pas seulement pour ses caractéristiques techniques ou sa capacité à se perfectionner. Il a été le premier arbitre à 360 degrés et le premier à comprendre l’importance de la communication. Il a été doublement grand parce qu’avant lui, tout arbitre qui n’était pas dans la norme physique ne faisait pas carrière, il fallait qu’ils soient inattaquables de ce point de vue auprès des supporters pour éviter d’être insultés plus que de raison. Lui est arrivé avec son crâne chauve et s’en foutait. Mieux, c’est à cela qu’on l’identifiait. » Plutôt beau gosse, et avec sa petite coupe en brosse, Rizzoli n’a pas eu de questions à se poser : « L’école italienne est la meilleure, pour éviter des conflits d’intérêts. Collina n’en a amené qu’un et a préféré deux Anglais, mais il n’y a même pas de discussion possible entre Atkinson et Orsato. C’est aussi pour cela qu’il ne lui a pas attribué la finale, même si ça l’arrange bien comme j’ai dit précédemment. » Ce sera donc une demie et sans arrière-pensées, preuve en est le penalty concédé à l’Irlande, en tout début de match et contre le pays hôte : « Je comprends la tentation de certains discours, néanmoins, je n’irai pas jusqu’à dire qu’il a sauté de joie quand l’Allemagne a sorti l’Italie, mais peu importe le résultat de ce match, il y trouvait son compte, que ce soit en tant qu’Italien ou en tant qu’arbitre professionnel. » Il fait d’ailleurs un sans-faute entre le Russie-Angleterre, le Portugal-Autriche et le France-Irlande, c’est donc serein qu’il fera faire un double salto à son sifflet au moment d’entrer dans l’arène du stade Vélodrome.
Par Valentin Pauluzzi