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Nice : Ratcliffe, l’homme qui avait 10 milliards
Bientôt nouveau propriétaire de l'OGC Nice, le Britannique Jim Ratcliffe dispose d'une fortune personnelle qui ferait presque passer Dmitri Rybolovlev ou Frank McCourt pour de petits gestionnaires de patrimoine. Reste encore à savoir combien de ses sous il est vraiment prêt à mettre dans la tirelire niçoise.
Jim Ratcliffe ferait donc partie de ces types qui savent entretenir le mystère. L’Anglais devrait claquer cent millions d’euros de sa poche pour reprendre prochainement l’OGC Nice et c’est à peu près la seule certitude qui accompagne l’opération. Ça, et l’argent qui garnirait les poches du bonhomme : à la tête d’Ineos, un géant mondial de l’industrie pétrochimique, Ratcliffe pèserait à lui seul plus de dix milliards d’euros. De quoi exciter la presse locale, alors que Nice Matin s’enflamme, en affirmant déjà que l’OGCN « s’apprête à changer de dimension » . Vraiment ?
Du pétrole et du sport
Première question qui fâche : qu’est-ce qu’un multimilliardaire britannique déjà sexagénaire (66 ans) vient faire à la tête d’un club de football français ? Très discret médiatiquement, Ratcliffe n’a lui-même pas donné beaucoup d’éléments de réponses. Reste que, depuis quelques années, ses investissements dans le sport ont commencé à faire jacasser au Royaume-Uni. En 2017, il commence par racheter le Football Club Lausanne-Sport (D2 suisse), avant d’approcher Roman Abramovich pour reprendre la propriété de Chelsea, son offre de deux milliards de livres ayant finalement été jugée insuffisante par l’oligarque russe. En 2018, il s’est aussi associé au multiple champion olympique de voile britannique Ben Ainslie pour financer la campagne de la 36e Coupe de l’America, en 2021. Surtout, il rachète l’équipe de cyclisme Sky en mars dernier, rebaptisée Ineos, le nom de la société que Ratcliffe a fondée et qui a fait sa fortune.
Une success story qui débute en 1998 : à grands renforts d’emprunts, Ratcliffe décide de racheter des dizaines d’usines pétrochimiques, que lui cèdent de grandes compagnies pétrolières, qui estiment alors que cette activité n’est plus assez rentable. Le tout est rassemblé sous la bannière d’une entreprise, Ineos (Inspec Ethylene Oxide Specialities), qui grossit d’année en année, alors que Ratcliffe possède aujourd’hui soixante-treize usines à travers le monde. Jackpot pour l’Anglais : détenteur de 60% des actions de son entreprise, Ratcliffe s’assoit sur un joli pactole et est réputé pour gérer son activité avec une intransigeance totale, ce qui a pu lui valoir une réputation de businessman impitoyable. Quand sa raffinerie de Grangemouth, en Écosse, est paralysée par la grève, il défie de front les syndicalistes en menaçant de fermer le site si ses employés ne rentrent pas dans le rang : « J’entends dire que je suis sans pitié quand j’envisage de fermer une unité qui perd de l’argent, expliquait-il au Monde en 2013, juste après le bras de fer avec les syndicats. Mais il n’y a qu’en Europe qu’on a une telle attitude. Aux États-Unis ou en Chine, personne ne pense comme ça. » Libéral dans l’âme, notoirement partisan du Brexit, il est aussi considéré comme un adversaire de la cause écologiste au Royaume-Uni, alors qu’Ineos teste actuellement l’exploitation du gaz de schiste dans le Yorkshire.
C1 début
S’il coche à peu près toutes les cases de l’industriel milliardaire moderne, l’Anglais se distingue néanmoins par le montant de sa fortune estimée : 10,6 milliards d’euros, à en croire Forbes, loin devant d’autres milliardaires célèbres de la Ligue 1 comme Rybolovlev, qui pèserait autour de six milliards d’euros, ou McCourt (environ un milliard d’euros). L’OGCN a donc attrapé dans ses filets un très gros squale, même si nul ne sait encore si ce dernier a envie de faire péter son portefeuille pour croquer tout cru dans le football hexagonal. Pour l’instant, le seul objectif que le Britannique a nommément fixé pour le club est de sanctuariser la présence niçoise en C1 : « Je veux des investissements conséquents, un plan de développement clair et ambitieux sur le long terme. La Ligue des champions est un objectif, bien sûr. » Voilà qui devrait avoir au moins le mérite de décrisper Patrick Vieira, dont le mercato pourrait être ponctué de quelques coups du genre fumeux. Les supporters du Gym, eux, pourront caresser l’espoir de voir les leurs viser plus haut que leur dernière septième place en Ligue 1. Quitte à peut-être patienter une à deux saisons, pour éventuellement accrocher le second rang d’un championnat où aucun cador ne s’est durablement stabilisé depuis l’avènement de l’ogre parisien.
Par Adrien Candau
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