- Ligue 1
- J24 -Nice-Toulouse
Nice, le fait du prince
C’est un peu passé inaperçu, mais l’OGC Nice va changer d’actionnaire majoritaire d’ici le mois de juin. Le président actuel, Jean-Pierre Rivère - qui détient 51% des parts de l’OGC Nice - s’est donc associé avec un mystérieux prince saoudien et un investisseur privé anglais à la dégaine de rugbyman. Pour l’instant, ce nouveau duo rachète 49% du club azuréen avant d’en devenir propriétaires à 80% en juin prochain. Petite révolution sur la French Riviera.
À Nice, avant les matchs, l’Aigle Mefi prend son envol pour rejoindre le bras de son maître posté dans le rond central. C’est un rituel. Bientôt, Mefi sera peut-être remplacé par un faucon crécerellette, l’une des 489 espèces répertoriées en Arabie saoudite. Oui, depuis vendredi, l’OGC Nice a changé d’actionnaires et un mystérieux prince saoudien a fait son entrée au sein de l’organigramme niçois. Actuellement, Jean-Pierre Rivère, président du Gym depuis 2012, conserve 51% du club. Ce sont les 49% qui appartenaient à quatre actionnaires minoritaires (Stellardo, Governatori, Bessis, Bacchialoni) qui viennent d’être rachetés par le mécène venu de la péninsule arabique pour une somme qui avoisinerait les 8 millions d’euros. Mais l’homme n’est pas venu seul. Surtout que pour l’instant, il souhaite garder l’anonymat. L’intermédiaire ? Un Anglais de 36 ans, sosie bodybuildé de Jason Statham du nom d’Edward Blackmore. L’Anglais, fan de Manchester United, vit à Bath avec femme et enfants. Depuis qu’il a 20 ans, il se passionne pour deux choses : le rugby et les investissements privés. C’est un apporteur d’affaires, comme on dit. Un mec qui a plusieurs téléphones portables, toujours du liquide dans les poches, des costards taillés sur mesure et une bonne poignée de main. Depuis un moment, Jean-Pierre Rivère cherchait des investisseurs pour l’épauler au quotidien à Nice, avant de se retirer, petit à petit. Des Chinois, des Qataris, des Américains, le patron du Gym a rencontré et sondé du monde depuis un moment. Il y a six mois, Blackmore est venu voir l’actuel boss niçois. Les deux hommes se sont tournés autour. Chacun a enquêté sur l’autre. Pas question de faire une connerie avec le club de la Côte d’Azur.
Estrosi mis au courant
Les deux hommes, des mecs aguerris au business, vont mettre six mois avant de coucher les paroles sur un bout de papier. Entre-temps, des voyages, des entrevues, Rivère s’offre même une virée en Arabie saoudite. L’histoire reste secrète. Christian Estrosi, sans qui rien ne se fait vraiment à Nice, est mis dans la confidence. Julien Fournier, le directeur général du club niçois aussi. Mais c’est tout. Claude Puel n’est au courant de rien. Il le sera une fois le deal ficelé. Les salariés du club et les joueurs, eux, ont été informés peu de temps avant l’annonce officielle, vendredi. Et donc vendredi après-midi, dans l’immense salle de presse de l’Allianz Riviera, Blackmore est sorti du bois. Pas le prince. Pour financer l’opération, les nouveaux actionnaires ont mis sur pied la compagnie OGC Sport Investissement pour acquérir 49% du club. À terme, ce chiffre devrait monter à 80%. En juin sans doute. Mais l’organigramme du club ne changera pas beaucoup. Jean-Pierre Rivère restera président, Blackmore deviendra vice-président et le prince montrera peut-être le bout de son nez. Car, on ne va pas se mentir, c’était l’intérêt de ce deal, qui se cache derrière le titre du « prince saoudien proche de la famille royale » ? On le dit plutôt jeune (30 à 40 ans), possédant un pied-à-terre sur la Côte d’Azur et mordu de football. Un profil quelconque quand on vient d’Arabie saoudite, donc. Oui, dans les rangs des suiveurs du club, on espère surtout qu’il existe vraiment et/ou qu’il est solvable… La jurisprudence Jack Kachkar est passée par là.
Mais Blackmore l’assure, toute cette histoire est sérieuse. Il avait mené une affaire similaire en 2013 en permettant à un prince saoudien – Abdullah bin Musa’ed bin Abdulaziz Al Saud – d’entrer au capital de Sheffield United, club de troisième division anglaise. A priori, le prince secret de Nice, ce n’est pas lui. Le prince mystère est lié à l’Anglais depuis 2011. Ensemble, ils ont investi dans des académies de football au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Mali. C’est la première fois qu’ils misent dans un club. Et l’emballement est inévitable.
« Que ce soit clair, ce n’est pas le schéma du Paris Saint-Germain »
Un actionnaire venu du Golfe, ça fait tout de suite penser au PSG de QSI. Rivère calme le jeu d’entrée : « Que ce soit clair, ce n’est pas le schéma du Paris Saint-Germain. On pourra faire 2, 3 ou 4 bons coups comme on l’a fait avec Rémi Walter, mais il n’y aura pas de grandes folies. Nice ne sera plus obligé de vendre ses jeunes, comme on l’a fait avec Amavi. On veut garder nos meilleurs éléments, Hatem Ben Arfa en fait partie. » En gros, Nice ne veut plus être obligé de vendre ses meilleurs joueurs pour (sur)vivre. L’idée est de consolider le club, qui devrait bientôt entamer la construction de son futur centre d’entraînement. Un accompagnement intelligent en somme. Blackmore : « Avec Jean-Pierre (Rivère), nous sommes sur la même longueur d’onde. C’est une fierté de faire partie de cette équipe. Aider les jeunes est primordial pour nous. Avec mon partenaire, nous voulons apporter notre aide financière pour faire accélérer le projet. » L’Anglais va même plus loin sur le choix de Nice, avouant « avoir choisi d’investir à Nice, car le stade est magnifique, dans une des plus belles régions du monde. » Un seul objectif a été annoncé face à la presse : « Inscrire régulièrement Nice dans le top 5 de la Ligue 1. » En attendant la vraie prise de pouvoir qui devrait avoir lieu en juin, si tout se passe comme prévu. Car Jean-Pierre Rivère est du genre pragmatique : « Elle pourrait intervenir fin juin. Si le passage à 80% des parts de Blackmore et son partenaire n’est pas signé à cette date, c’est que ça ne se fera pas. » En attendant, on peut toujours s’amuser à chercher l’identité du fameux prince saoudien. On a six mois pour s’occuper l’esprit.
Par Mathieu Faure