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Niang : « J’ai trouvé la stabilité que je cherchais »
Arrivé à Rennes sur la pointe des pieds l'été dernier, M'Baye Niang y a finalement livré sa meilleure saison sur le plan statistique malgré une première partie d'exercice compliquée. Avant de défier le PSG en finale de la Coupe de France, l'international sénégalais s'ouvre sur son envie principale : rester en Bretagne.
En arrivant à Rennes en juin dernier, tu expliquais vouloir t’inscrire dans la durée. Pourquoi ici ? J’avais plusieurs propositions, dont Rennes, mais une discussion très franche avec le président Létang a fini de me convaincre. Si je suis ici aujourd’hui, c’est en partie grâce à cet échange. On a parlé de pas mal de choses, mais j’ai surtout senti une grande honnêteté, une grande franchise… C’est ce dont j’avais besoin. Le Stade rennais sortait alors d’une très bonne saison, avec un gros groupe, un entraîneur de grande qualité et moi, mon devoir, c’était de me faire une place là-dedans. Il fallait que je prouve que je pouvais apporter quelque chose.
Tu avais quelle image du club avant d’arriver ?Comme j’ai toujours beaucoup suivi la Ligue 1, j’avais été attentif à leur gros sprint final du printemps dernier. Je savais que c’était un club qui avançait, mon pote Abdoulaye Diallo m’en parlait en bien, j’étais curieux…
La France était aussi curieuse au moment de ton retour. Tu revenais en Ligue 1 avec l’étiquette de joueur difficile à gérer, de joueur
je-m’en-foutiste… Tu avais à cœur de l’arracher, cette étiquette ? Je sais ce que j’ai pu faire par le passé, mais ça m’a servi et aujourd’hui, je suis un homme mûr et épanoui. Ces bêtises m’ont fait grandir, vraiment, sur et en dehors du terrain.
Justement, sur le terrain, on a aussi découvert un mec proche des supporters, ce qui n’est pas fréquent lorsqu’on est un joueur prêté. Comment tu expliques ça ? Je pense que ça s’explique par le fait que j’ai trouvé un club et des supporters qui m’ont donné beaucoup d’amour, même quand ça n’allait pas bien. Avec l’expérience que j’ai, je sais que ce n’est pas toujours le cas. J’ai toujours été soutenu, donc en retour, je suis toujours venu m’expliquer. Je n’avais pas envie de me cacher dans les mauvais moments et j’ai toujours dit que je serais le premier à montrer ma face quand il faudrait assumer. À un moment donné, les supporters avaient besoin de réponses et, en tant que joueur, il fallait leur en apporter. C’est aussi pour ça qu’ils ne nous ont jamais lâchés. Maintenant, il faut les rendre fiers.
Après le match contre Astana au Roazhon Park (2-0), un supporter t’a donné son bob. Tu te rappelles ce que tu en as fait ? Ah, ce bob… (Rires.) Je l’ai encore à la maison, ça reste un beau souvenir, surtout que c’était la première fois que le Stade rennais sortait des poules de la Ligue Europa. Ce bob, il veut dire beaucoup, donc je le garde précieusement.
Tu pensais vivre tout ça en arrivant ici ?En arrivant, j’ai vite compris que ce club était en train de grandir, qu’il fallait en être… Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’il se passe ici. Je peux vous dire que le Stade rennais n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a quelques années et c’est bien pour cette ville. Ce n’est qu’un début. Les supporters avaient besoin de cet engouement parce qu’à Rennes, les gens aiment le foot, sincèrement. Face à Arsenal, on a pu voir à quel point toute la ville pouvait se resserrer autour de son club. Il y a eu au moins 60 000 demandes pour des billets… On a compris qu’on avait réussi à faire un joli truc, mais maintenant, il faut l’entretenir.
Là, on parle d’évolution, et la tienne, sur cette saison, est assez révélatrice. Le 30 septembre, il y a notamment ce match contre Toulouse (1-1), où tu entres en jeu, où tu prends un penalty que tu ne devais pas prendre, où tu es remplacé en fin de match… Tes débuts ont été un peu compliqués. Comment as-tu géré ça ? Pour le penalty, je l’avais provoqué, je le sentais, ça s’est fait naturellement… Et je l’ai marqué. C’est surtout les journalistes qui en ont fait une histoire, mais nous, avec Benjamin Bourigeaud, on avait clarifié la chose, il n’y a jamais eu aucun souci et c’est le plus important. Je ne fais pas trop attention à ce qui se raconte sur moi, mais mon entourage voit les choses et m’en avait parlé…
Tu as toujours dégagé une grosse confiance en toi et en tes capacités. Ça vient d’où ?Je pars simplement du principe que chaque match commence à 0-0, donc même si tu joues contre l’équipe la plus forte du monde… Tu auras ta chance, même si c’est 1% de chance. Contre le Betis, qui nous donnait vainqueur ? Pas grand monde… Il faut y croire, tout le temps, parce que Rennes a des qualités à faire valoir et on l’a montré au retour, notamment. On a envie de tout casser et il faut instaurer dans les têtes qu’on peut renverser n’importe qui.
Là, vous allez jouer une finale contre le PSG, que vous aviez bousculé en Ligue 1 au Parc, fin janvier. Tu gardes quels souvenirs de cette rencontre ? J’en garde que pendant 60 minutes, on a vu un Stade rennais de très haut niveau. Après, on a lâché le match sur des erreurs individuelles, mais ça nous a permis de voir qu’on pouvait les regarder dans les yeux. On sait comment mettre en difficulté ce PSG et, même si on arrive dans la peau de l’outsider, il faut se dire qu’on a tout à gagner sur cette finale. La pire des choses, ça serait d’avoir des regrets.
Ces dernières semaines, le PSG a été bousculé, notamment à Lille ou à Nantes. Quand tu regardes ces matchs, tu prends des notes dans ta tête ?Non, parce que chaque match a sa réalité. Le PSG se remet toujours en question, renaît toujours et a de l’orgueil. Il faut aussi donner du mérite aux
équipes qui arrivent à le battre.
Julien Stéphan est réputé pour être très fort dans la préparation. Quelle place occupe-t-il par rapport aux coachs que tu as connus ?Il m’impressionne par sa tranquillité. J’ai l’impression qu’il est dans le circuit depuis des années et il arrive, justement, à nous donner de la confiance par sa maîtrise des événements. Son objectif, c’est de gagner à chaque fois, mais de le faire avec un certain style, une certaine idée du jeu.
C’est important pour toi de jouer dans une équipe qui produit un beau football ou est-ce que tu peux accepter d’évoluer dans une équipe plus défensive ?Les nouveaux attaquants doivent aussi accepter de défendre, ça a pu nous arriver cette année sur certains matchs. Il y a des rencontres où on aura plus le ballon, plus d’occasions, et d’autres où il faudra aussi tenir un score et accepter de reculer pour défendre. Mais ce n’est pas vraiment quelque chose qui me dérange, j’ai toujours dit que je me mettais au service du collectif et que je pouvais m’adapter à n’importe quelle situation.
Il y a aussi la gestion humaine de Julien Stéphan. Il explique souvent qu’on t’a toujours dit les mauvaises choses et il a visiblement réussi à te parler de ce que tu faisais de bien. C’est quelque chose de nouveau pour toi ?J’ai connu Allegri, Mihajlović et Gasperini dans le même style, et c’est avec eux que j’ai fait mes meilleures saisons, je ne pense pas que ça soit anodin. Le coach m’a tout de suite cerné, et aujourd’hui, si je me sens bien sur le terrain, si j’arrive à répéter les bonnes performances, c’est aussi en grande partie grâce à lui et son staff. Il y a un travail au quotidien, ils me gardent même parfois après les séances pour travailler, pour me dire de continuer et d’insister. J’ai sûrement du mérite, mais ils en ont aussi beaucoup.
Tu marches beaucoup à l’affectif, on sait que Thomas Choinard (le responsable de la performance à Rennes, N.D.L.R.) a beaucoup travaillé avec toi, tout comme Franck Dumas à l’époque. Comment ça marche, ce rapport à l’affectif ?Ce n’était pas uniquement un travail mental avec Thomas, c’était aussi un travail physique parce que j’étais arrivé ici avec des défaillances qui ne me permettaient pas de jouer comme j’en avais envie sur le terrain, et Thomas l’a vite compris. On a commencé un programme et on s’est donné plusieurs semaines pour pouvoir me remettre au point physiquement pour pouvoir enchaîner les matchs et pour être bien mentalement. Mais de toute façon, quand un attaquant marque des buts, ça va toujours mieux dans la tête.
Tu as commencé à l’âge de 16 ans en Ligue 1, est-ce qu’une telle précocité est un handicap dans le foot ? Tu as pu échanger là-dessus avec un joueur comme Ben Arfa ?Non, non, on n’a pas du tout parlé de ça. Si j’ai commencé à 16 ans, c’est que j’ai mérité de commencer à 16 ans. Je ne me suis jamais posé ces questions-là. J’étais prêt très tôt, on m’a lancé dans le grand bain et j’ai répondu présent. Je ne pense pas que ce soit un handicap, le plus important c’est d’avoir un entourage qui est là pour te soutenir et qui reste toujours derrière toi. Dans une carrière, il y a des hauts et des bas, mais c’est important de ne jamais lâcher et toujours croire en soi. Si toi, déjà, tu ne crois pas en toi, c’est difficile pour les autres de le faire à ta place. Je me suis toujours mis ça dans la tête et j’ai toujours voulu croire en mes qualités.
Après ton départ de France, tu as quand même ramassé des coups. Comment as-tu réussi à gérer ces hauts et ces bas ?Ce n’était vraiment pas compliqué à vivre. Le plus important, c’était tout simplement de croire en moi et j’ai pu m’appuyer sur un entourage proche de moi, qui savait me remettre à l’endroit quand je dérapais ou quand j’étais à côté de la plaque. C’est surtout important de ne pas se mentir, savoir faire son autocritique et prendre conscience que tout n’est pas tout beau, tout rose dans une carrière.
Quand on commence en Ligue 1 à 16 ans, ça brise aussi une période de l’adolescence. Est-ce qu’il y a certains moments de ta vie que tu n’as pas forcément réussi à vivre à cause du foot ? Il n’y a pas ce manque quand on est dans un centre de formation d’un club pro ?Ah non pas du tout ! Aujourd’hui, on peut demander à plusieurs jeunes de 16 ans s’ils préfèrent être footballeurs ou rester dans leur quartier et chercher du boulot, ils prendront tous la première option. Moi, c’est ce que j’avais envie de faire, c’est ce que j’aimais faire, donc je n’ai vraiment aucun regret et j’assume tout ce que j’ai pu faire.
Surtout que tu as provoqué ta chance. Tu te souviens de cette lettre que tu avais écrite à Franck Dumas pour lui dire de te faire jouer ?Oui, mais c’était parce que je me sentais
prêt, et aujourd’hui, c’est ce qui me permet d’être moi-même.
Mais à 16 ans, ce n’est quand même pas fréquent d’avoir ce comportement. Ça prouve que tu étais sûr de tes qualités.Oui voilà ! J’étais aussi prêt mentalement et physiquement à jouer avec les professionnels, donc il n’y avait plus de questions à se poser. J’aime bien me sentir utile et, ce jour-là, j’ai été le voir parce que je sentais que je pouvais apporter quelque chose à cette équipe.
Le président Olivier Létang disait il y a quelques semaines que tu pouvais faire beaucoup plus. Même si c’est ta meilleure saison sur le plan statistique, tu as le sentiment que tu peux encore faire mieux aujourd’hui ?Oui, oui, on sait que j’ai eu une première partie de saison compliquée, mais j’ai eu la chance d’être plus décisif dans les passes comme dans les buts depuis janvier, je remercie d’ailleurs mes coéquipiers. Pour juste avoir joué une deuxième partie de saison, et ce n’est pas encore fini, je trouve que c’est pas mal, même si je sais que je peux faire beaucoup mieux.
Les gens ont tendance à juger les joueurs de ton gabarit comme plus physique que technique. Comment te définirais-tu ? C’est quoi ton profil ?Houla, ça c’est à vous de le dire. Jamais je ne me permettrais de dire quel joueur de foot je suis, mais au fond de moi je le sais. Mais ce n’est pas le plus important, j’essaie déjà de faire des performances, d’être décisif pour le club et remporter des matchs. Les jugements, ce n’est pas à moi de les faire.
François Pinault a récemment évoqué la possibilité de voir son club gagner un trophée, il y a aussi un certain engouement chez les supporters. Tu sens que vous avez l’occasion de réaliser quelque chose d’historique au Stade de France ?Oui, on le sait très bien. La dernière fois que Rennes l’a gagnée, je crois que c’était en 1965 et 1971, donc nous aussi, joueurs du Stade rennais, on a envie de la remporter, cette coupe. Ça serait un beau cadeau pour tout le monde. Une chose est sûre, on va donner le maximum pour aller chercher ce trophée.
Vous avez vécu une saison riche en émotions, notamment avec votre parcours en Ligue Europa. Mais est-ce qu’une saison sans titre, ni qualification en Coupe d’Europe, ne serait finalement pas un peu décevante ?Déjà la finale n’est pas encore jouée, donc on ne peut pas encore parler d’échec. Mais cette année, il faut retenir ces moments où on arrivait au stade les soirs d’Europe, les soirs de grands matchs et qu’on voyait les sourires chez les supporters. Ça se voit qu’ils avaient besoin de ça. Quand tu vois des enfants, des parents, des personnes âgées, qui ont le sourire pour un match de foot, c’est la plus belle des choses.
Tu disposes d’une clause assez élevée (estimée à 15 millions d’euros, N.D.L.R.), mais pas impossible à lever pour un club comme Rennes. Comment ça va se passer cet été ? Tu vas avoir ton mot à dire ?Je reste à ma place de joueur, ce n’est pas moi qui vais dire au club de me garder. Ça fait plusieurs mois que je dis que je me sens très bien ici et que j’ai trouvé une stabilité que je cherchais. Maintenant, j’ai un entourage qui va s’occuper de tout ça, le club travaille aussi dessus et de mon côté je vais me concentrer sur ma fin de saison. Dans les bureaux, tout le monde connaît mon avis et je vais laisser les gens plus compétents que moi s’en occuper.
Mais tu serais déçu de quitter Rennes après seulement une saison ?Oui parce que j’ai passé une très belle année, mais ce n’est pas moi qui décide de tout. Si aujourd’hui, je pouvais décider de tout ça, croyez-moi qu’on ne se poserait plus toutes ces questions. Maintenant, c’est au club et à mes représentants de s’en occuper. J’ai déjà fait part de mon envie et je ne peux malheureusement pas faire plus, on verra bien ce qui se passera.
Propos recueillis par Clément Gavard et Maxime Brigand