- Foot et écologie
Neymar, la goutte d’eau qui fait déborder le lac
L’écologie commence difficilement à faire entendre ses exigences dans le petit monde du ballon rond. Un impératif qui va pourtant devenir de plus en plus incontournable, que ce soit sous la pression de la société ou en matière de communication. La dernière mésaventure de Neymar au Brésil l’illustre parfaitement.
Une sanction qui se veut symbolique, du moins dans l’esprit du magistrat brésilien qui l’a décidée : 16 millions de reales, soit environ 3 millions d’euros, la belle somme que devra payer l’attaquant parisien qui avait eu la bonne idée de creuser un lac artificiel devant son petit château personnel au pays, à Mangaratiba, bourgade située à une centaine de kilomètres de Rio. Les quatre amendes cumulées ont été infligées pour « violations environnementales », « exécution de travaux soumis au contrôle environnemental sans autorisation« , le détournement – comprendre vol – d’une rivière à proximité sans avoir pris la peine de solliciter une autorisation, et enfin « l’enlèvement de terrain et la suppression de végétation sans autorisation« . Dans un contexte où les questions du réchauffement climatique, de la biodiversité, mais aussi simplement du partage de l’eau deviennent cruciales pour notre avenir commun, surtout dans les pays du Sud, ces petits délits, empreints de mégalomanie et de sentiment d’impunité, ne passent plus aussi facilement qu’avant. C’est d’ailleurs à la suite de signalements sur les réseaux sociaux que le mécanisme judiciaire a été enclenché.
Naturellement, l’entourage du joueur vedette de la Seleção et du PSG, une fois de plus en convalescence et dans l’attente de connaître son futur, doit se convaincre qu’il paie peut-être le soutien public du joueur à Jair Bolsonaro lors des dernières élections présidentielles, remportées par Lula. Un soutien qui était déjà largement dicté par des considérations juridiques et fiscales. Plus largement, la défaite du populiste marque aussi un retour en grâce, à défaut de décisions politiques fortes, des questions environnementales dans le débat public au Brésil, où par exemple l’avenir de l’Amazonie constitue un sujet clivant et parfois violent. Cette déconvenue devrait également toutefois alerter plus largement le monde du football, y compris en France, sur son mode de vie et surtout l’image qu’il renvoie.
Le football au sens large, de la Coupe du monde au Qatar à la problématique édition 2026 sur tout le continent nord-américain, ne peut plus se contenter de nier l’ampleur du désastre qui s’annonce. Il lui reste à savoir comment il va gérer, selon les pays, la pression politique ou sociétale. Les campagnes de greenwashing ou l’autocongratulation à coups de communiqués de presse de la FIFA ne suffisent plus à masquer le problème. Les petites phrases polémiques – « Ce matin, on a discuté avec la société avec laquelle on fait nos déplacements pour savoir si on ne pouvait pas se déplacer en char à voile » du regretté coach parisien Christoiphe Galtier – l’illustrent à merveille. L’affaire Neymar enfonce le clou là où cela fait mal, le porte-monnaie. Le comportement individuel des joueurs n’est évidemment pas la solution magique. Tout du moins peut-il être exigé d’eux le même souci d’économie et de sobriété qui tombe aujourd’hui sur les épaules du commun des mortels. Le changement des modes de vie ne pourra s’imposer si certains continuent de plonger dans leur petit lac d’égoïsme le temps d’une fête. Sans pour autant être dupes que les plus gros dégâts à notre avenir sur la planète proviennent d’abord de la course aux profits des multinationales et des atermoiements de nos gouvernants. Pour mémoire, la France a été condamnée à deux reprises pour inaction climatique sous le précédent quinquennat, lorsque par exemple Elisabeth Borne était ministre, notamment de la Transition écologique. La preuve, aussi, que Neymar n’a le monopole de rien, même pas celui de l’indécence.
Par Nicolas Kssis-Martov