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Neymar, de Youtube au terrain
Arrivé à Barcelone avec la réputation d'être un artiste du ballon trop jeune, trop tendre et trop maniéré pour percer à court terme en Europe, Neymar a fait son trou sans faire de bruit. Les Barcelonais savent maintenant que ce garçon peut leur apporter bien plus que quelques grigris bien sentis…
« 1m73, 62 kg, poids plume dans la vie, mais c’est un costaud au micro. Balèze, c’est pas la peine quand t’en as dans le cerveau. » Des paroles qui rappellent sans doute quelque chose aux fans du Hit Machine du début des années 2000. À cette époque, Neymar da Silva Santos Júnior avait 10 ans, jouait dans les équipes de jeunes de Santista et n’avait sûrement jamais entendu parlé du fameux tube de Scottie aux paroles pourtant prophétiques…
Jusqu’à l’été dernier et son transfert au FC Barcelone, les amateurs de foot du Vieux Continent avaient des idées assez arrêtées sur Neymar. Ils connaissaient sa coupe de cheveux, son duo avec Michel Teló sur l’air de Ai se eu te pego et ses dribbles fous qui leur parvenaient après chaque week-end via Youtube. Son choix de faire le grand saut et de rejoindre l’Europe un an avant sa Coupe du monde brésilienne a été admiré par quelques-uns, a rendu sceptiques les observateurs avisés et a laissé un sourire moqueur sur le visage de ceux qui avaient hâte de voir la danseuse brésilienne se faire découper par les rugueux et rigoureux défenseurs européens. Après deux moins de compétition, l’heure est au premier bilan. Pour être honnête, il fait mentir pas mal de monde. Tata a soigné son poulain Sur le papier, l’intégration n’avait rien de facile. Transfert le plus cher de l’histoire du club blaugrana — si l’on met de côté l’échange Ibrahimović-Eto’o —, à seulement 21 ans, Neymar devait quitter un club dans lequel il évoluait depuis une décennie, une équipe qui ne jouait que pour le mettre en valeur et un pays dont il était le chouchou, pour rejoindre à des milliers de kilomètres la formation du meilleur joueur du monde, évoluant avec une philosophie de jeu inaltérable devant le public le plus exigeant du globe. Pour mener à bien cette tâche herculéenne, le petit Brésilien a pu compter sur la protection et les conseils d’un homme qui avait lui aussi traversé l’Atlantique pendant l’été et qui avait lui aussi une légère pression sur les épaules. L’intégration de Neymar était aussi un peu le défi de Tata Martino. Le technicien argentin n’a pas voulu brûler les étapes. Il n’a pas non plus accordé de traitement de faveur à son nouveau poulain. Pour ses premiers pas sous la liquette bleue et grenat, l’ancienne vedette de Santos — qui plus est perturbée par un problème d’anémie — a dû se contenter de bouts de matchs. Pas assez pour épater la galerie, mais suffisant pour faire montre d’une véritable entente avec les autres joueurs offensifs de l’équipe. Plus qu’un simple dribbleur En accord avec la philosophie de turn-over qu’il a mise en place — qui s’applique même à Messi d’ailleurs —, Martino considère Neymar comme une arme offensive au même titre que Pedro, Alexis ou Fàbregas. C’est justement sur ce point que le gamin a réalisé un tour de force. Il n’est pas à part dans le groupe. Il est un +1 efficace. Depuis son arrivée, il s’est bien plus distingué par son jeu collectif et ses passes décisives — 6 en 11 matchs toutes compétitions confondues — que par ses passements de jambe. Malgré sa tendance à vouloir souvent déborder ou dribbler avant de lâcher la balle, Neymar Jr épate par sa capacité à lire les appels de ses coéquipiers. Lorsqu’il joue aux côtés de Messi, il lui libère des espaces en monopolisant des défenseurs sur son côté gauche. En l’absence de la Pulga, il prend la place de l’Argentin et évolue dans ce fameux rôle du « falso nueve » . Celui qui porte le numéro 11 dans le dos a d’ailleurs profité de l’absence de l’Argentin lors des deux derniers matchs contre le Celtic Glasgow en C1 et Valladolid en Liga pour prendre davantage le jeu à son compte. Il a été le meilleur Barcelonais de ces deux rencontres. Contrairement à Pedro et à Alexis qui sont surtout performants pour déborder sur un côté et centrer, Neymar peut perforer une défense dans l’axe et offre une alternative plaisante en cas d’indisposition du quadruple Ballon d’or. Il fut un temps pas si lointain où l’absence de Messi était une calamité pour le Barça, ce temps est en passe d’être révolu… Maintenant que l’intégration et les premiers pas sont réussis, le joueur peut se concentrer sur les prochaines étapes qui l’attendent. Tout d’abord, comme disait si bien le père Aimé Jacquet, Neymar doit « muscler son jeu » . Avec son physique d’anorexique, ses jambes épaisses comme des bras et ses bras comme des doigts, le garçon finit souvent les fesses par terre, une attitude qui ne lui vaut d’ailleurs pas que des compliments. Avec 32 fautes subies, le Scottie du foot est l’attaquant le plus cisaillé de ce début de championnat espagnol. Nul doute qu’avec les médecins du Barça, un régime alimentaire riche en protéines et quelques séances de musculation, le maigre devrait prendre de l’épaisseur. Épatant techniquement et à l’aise dans le collectif, Neymar doit encore épurer son jeu, il tourne en moyenne à 70% de passes réussies, très loin de ses compères sur le terrain. Il doit surtout apprendre à être plus décisif et notamment plus « matador » devant les goals adverses. Avec un Messi en délicatesse avec son physique et la série de cinq matchs en deux semaines qui attend son équipe — dont le choc contre Milan en C1 suivi du Clásico —, Neymar va avoir l’occasion de montrer qu’il peut aller encore plus haut.
Par Pablo Garcia-Fons, à Madrid