ACTU MERCATO
Neymar au Barça: une telenovela sans vrai suspense
Grâce à un plan com savamment orchestré, le feuilleton Neymar a tenu la planète foot en haleine, avec un happy end prévisible: le minot à la crête jouera bien avec Messi et compagnie la saison prochaine.
Un gamin qui fait craquer les midinettes, un papa-poule, des gros sous, des hommes d´affaires plus ou moins véreux, le club du Roi Pelé, un clasico Real-Barça… Tous les ingrédients sont réunis pour une bonne télénovela dont aime se goinfrer les Brésiliens. C´est avant tout une course contre la montre. Après avoir passé plus de deux ans à employer tous les moyens possibles et imaginables pour retenir Neymar, les dirigeants de Santos se rendent compte qu´ils ont intérêt à le vendre pour ne pas se retrouver à poil à l´aube de la Coupe du Monde. En gros, l´attaquant prodige n´a aucun intérêt à prolonger et pourra partir gratos où il veut s´il honore son contrat jusqu’en juin 2014. Le staff culé le sait bien, c´est pour ça qu´il sort le chéquier pour sortir les 65 millions d´euros de la clause libératoire.
Santos donne un premier signe d´ouverture il y a quinze jours, avec un voyage en Espagne d´Odilio Rodrigues, vice-président de Santos, qui a rencontré le boss du Barça, Sandro Rossell. Le contact est établi, mais l´échange, dans un premier temps, n´est pas très fructueux. Rodrigues confie à une radio espagnole que l´offre du Barça n’est pas satisfaisante. Tu m´étonnes, 17,5 millions d´euros, c´est 500.000 de moins que pour acheter Sonny Anderson à Monaco en 1997! Certes, l´ami Sonny jouit d´un grand prestige en France, mais n´a jamais été prophète en son pays et la comparaison avec le jeune crack à la crête a bien fait rire la presse brésilienne.
A ce prix-là, c´est pratiquement aussi rentable pour Santos garder le prodige au pays jusqu’au bout en continuant de remplir ses caisses avec des opérations marketing. Le problème, c´est que le club n´est pas seul dans l´affaire. Comme ça arrive souvent au Brésil, le joueur est saucissonné en trois parties: 55% pour Santos, 40% pour DIS, filiale d´une holding de supermarchés, et 5% pour Terceira Estrela Investimentos S/A, fond d´investissement créé par des dirigeants du club.Clairement, DIS ne veut surtout pas passer à côté du magot et voit certainement d´un très mauvais oeil l´idée de voir partir son joyau sans une belle indemnité de transfert.
Réunion interminable
L´affaire semble entendue mercredi dernier, quand Rodrigues avoue au Mundo Deportivo que Neymar ne veut pas prolonger et que le club va continuer à étudier des propositions. Le Barça donne un bon coup d´accélérateur vendredi, en envoyant son directeur sportif, Raúl Sanllehí, négocier à bâtons rompus à Santos avec des membres de la direction, des agents et le père de Neymar. C´est là que tout se joue. La réunion commence vers 17h et ne terminera que vers 1h du matin. Des dizaines de journalistes campent devant le siège de la Vila Belmiro et les rumeurs vont bon train. L´ombre du Real Madrid commence à planer et aurait fait monter les enchères progressivement à 20, puis 25 millions. Un premier couperet tombe à 21h, juste avec la fin du JT de Globo. Santos balance sur son site un communiqué dans lequel il confirme que la starlette se fait la malle. Les fans du club de Pelé pleurent déjà et de grands débats commencent dans les télés entre ceux qui voulaient qu´il reste au pays et les autres qui préfèrent qu´il prenne de la bouteille en Europe en vue du Mondial que la seleção jouera à la domicile l´année prochaine.
Cela dit, le feuilleton est loin d´être terminé. Le club corse le tout en expliquant qu´il a accepté non pas une, mais deux offres et que le minot va devoir choisir celle qui lui plait le plus. Très vite, ça se confirme: on aura bien un clasico Real-Barça pour s´arracher la pépite. Tout le monde n´attend qu´une chose: que la star de la soirée s´incruste enfin dans la réunion pour faire connaître son choix. Alors que les journaleux sont au bord de la crise de nerfs, il arrive enfin à minuit pour ressortir 40 minutes plus tard avec un feinte dont il a le secret. Tout le monde est suspendu au micro et le môme répond en esquissant un sourire espiègle: « Maintenant je vais aller dans ma maison au Guarujá(sorte de Saint-Trop local) et on va y réfléchir tranquillement. C´est un des plus beaux jours de ma vie… »
La vraie fausse gaffe de Papa Neymar
Il faudra encore attendre. Les attachés de presse de Neymar confirment que l´attaquant jouera bien dimanche contre Flamengo lors du coup d´envoi du Championnat Brésilien. Ce match n´aura pas lieu à Santos, mais au flambant neuf Stade Mané Garrincha de Brasília, que recevra le 15 juin le match d´ouverture de la Coupe des Confédérations. L´endroit rêvé pour faire une annonce devant des millions de téléspectateurs.
Finalement, Papa Neymar coupe court au suspense dès samedi avec une vraie fausse gaffe. Dans l´avion qui l´amène à Brasilia, il lâche devant des journalistes que son fiston a déjà fait son choix et qu´il ira au club « qui est le plus en accord avec son style de jeu » et laisse entendre qu´il y aura des matchs amicaux entre Santos et le Barça. Il ne confirme rien et promet que l´annonce sera faite le lendemain, au micro du stade. Tout le monde a déjà la puce à l´oreille et Neymar himself même officialise l´info le soir même, vers 22h. Sur Instagram, il publie une photo de lui avec un texte dans lequel il informe qu´il signera ce lundi avec le Barça et qu´il n´a « pas pu se retenir » et a voulu lâcher le morceau tout de suite.
Le club catalan confirme dans la foulée, l´affaire et faite. Au final, le montant du transfert est évalué à 35 millions d´euros. Pour le joueur, un contrat de cinq ans avec un salaire annuel de 7 millions. Le Real aurait offert quatre millions de plus, mais le Brésilien aurait dû abandonner aux Merengues une partie de ses juteux revenus publicitaires (il a 10 sponsors qui le paient grassement), ce qui n´est pas le cas au Barça. Au final, ce qui aurait fait pencher la balance n´est pas l´amour du tiki-taka ni la perspective de jouer avec Messi, mais un accord « de Gentlemen » qui remonterait à plusieurs mois. La rumeur parle d´une jolie avance de 10 millions versée au Papa sur la prime de signature. Face à ça, le Real pouvait toujours s´aligner…
Louis Génot, à Rio de Janeiro