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Newcastle, la France qui ne gagne plus
Depuis deux ans, les Magpies ont fait venir par wagons des Frenchies. Et depuis, le club cher à Alan Shearer n’en finit pas de flirter avec la ligne rouge. Pourtant, c'est le club le représenté en équipe de France. Révélateur de la faiblesse actuelle du football français ?
L’Angleterre est un pays de gens avisés. Malins même, serait-on tenté de dire. Un bout d’île qui, seul contre tous, y est allé de sa révolution industrielle, a créé son propre code de la route, imposé sa langue partout dans le monde, tout comme ses différentes disciplines sportives au reste de la planète. Ouais, des cadors, ces Anglais. Pourtant, à l’intérieur d’Albion, un « village » résiste encore. En effet, plus on se penche sur le cas de Newcastle, plus on se dit que quelque chose cloche dans ce coin du Nord-Ouest de l’Angleterre. Car voilà un coin qui abrite un des clubs les plus puissants du pays, adossé à un public ultra fidèle. Et pourtant, les Magpies n’ont rien gagné de notable depuis 1969 et la défunte Coupe des villes de foire. Évidemment, longtemps, cela a figuré une manière de lose romantique, une culture de la défaite mâtinée de fatalité. Comme un destin. Sauf qu’actuellement, cet ADN est entretenu par une politique sportive ubuesque symbolisée par ce contrat invraisemblable signé par Alan Pardew jusqu’en 2020. Mais plus encore que cet engagement de huit saisons (!), c’est cet arrivage massif de joueurs français depuis deux ans qui laisse perplexe. Car on se demande : pourquoi diable Newcastle s’ingénie à faire venir en si grand nombre (dix, putain !) les représentants d’un football en très net déclin ?
Bien sûr, l’argument financier est imparable. Comme l’explique The Guardian, les joueurs français peuvent faire de très bons seconds choix : « Les choix dictés par la finance à Mike Ashley, le propriétaire de Newcastle, sont toujours les mêmes. Pardew aime James Tomkins, le jeune défenseur central de West Ham, mais il coûterait 10 millions de livres(12 millions d’euros). Un défenseur de niveau équivalent pourrait être acheté pour le tiers de ce prix et un salaire moins élevé en France. » Et puis, il reste ce fameux postulat selon lequel le footballeur français serait en moyenne mieux formé qu’ailleurs, vu son rapport qualité-prix. Une idée pas totalement sotte si l’on considère l’adaptabilité des joueurs tricolores dans n’importe quel championnat, ce qui fait de la France l’un des contingents principaux en Ligue des champions. Et pourtant…
Même Wenger en revient…
Au vrai, le cas Newcastle dit beaucoup à lui seul du mal du foot français actuel. Soit un football bâti sur des présupposés quant au potentiel réel de nos joueurs. Bien entendu, personne n’osera écrire que Hatem Ben Arfa, Yohan Cabaye, Mathieu Debuchy, Mapou Yanga-Mbiwa, Massadio Haïdara, Yoan Gouffran, Moussa Sissoko, Sylvain Marveaux et Loïc Rémy sont des tocards finis. Mais enfin, quel gap entre cette légion et celle qui officiait à la fin des 90’s et début des années 2000 quand seule la crème de la crème traversait le Channel. Car parmi les Magpies venus de France, combien de « fuoriclasse » ? Aucun. Combien même de joueurs de réelle valeur internationale ? Cabaye peut-être. En poussant un peu, Sissoko et Rémy. Et en dispensant beaucoup de zèle, Ben Arfa qui peut passer avec une effrayante constance d’actions de classe rare à des prestations proches de la contre-performance, ce qui ne fait jamais une moyenne, juste des frustrations. Pourtant, ces quatre-là, plus Debuchy et Yanga-Mbiwa, font bel et bien partie de l’histoire de l’équipe de France du dernier Euro (même si Rémy a dû déclarer forfait à la dernière minute). Newcastle est même le club le plus représenté dans la liste de Didier Deschamps pour affronter l’Australie et la Finlande.
En clair, le pensionnaire de St James’ Park n’a pas fait venir les fonds de tiroirs hexagonaux, mais ce qui devrait figurer le haut du panier ou presque. D’autant plus inquiétant que c’est le club le plus représenté en équipe de France actuellement… Car c’est avec cette ossature « bleu-blanc-rouge » que le Nouveau Château se débat depuis plusieurs mois à un rythme de relégable en Premier League, ce qui démontre quelque chose de la médiocrité actuelle d’un football qui s’est longtemps gargarisé de fournir des joueurs en nombre dans les grands championnats. Pourtant, dans cette Angleterre longtemps francophile, après avoir été des décennies durant francophobe, les meilleurs en reviennent de ce savoir-faire à la française, au regard du four des Magpies auquel on peut ajouter celui de QPR et son recrutement d’une culture très « Ligue 1 » l’an passé (Cissé, Mbia, Rémy, Taraabt…). Combien de Frenchies débarqués chez les gros de Premier League depuis deux ans ? Sakho à Liverpool, Giroud et Sanogo à Arsenal et… basta ! Oui, même ce brave Arsène ne fait plus forcément son marché dans le vivier français. Un signe, un vrai… Et l’heure de se rappeler qu’il y a une quinzaine d’années, la situation était totalement inversée : Cantona et Ginola, rois d’Angleterre, n’avaient plus leur place en équipe de France.
Par Dave Appadoo