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Newcastle apprend la vie sans Cabaye
Longtemps redouté sur les bords de la Tyneside, le départ de Yohan Cabaye pour le Paris Saint-Germain a fait l’effet d’une bombe dans les rangs de Newcastle. Une perte monumentale, tant les performances des Magpies découlaient en majeure partie du rendement de son maître à jouer. Survenu en pleine saison, le coup est rude à encaisser pour un club qui espère encore disputer l’Europe la saison prochaine. État des lieux.
Jusqu’au bout, ils ont entonné ces quelques vers avec l’espoir d’être entendu malgré les rumeurs persistantes. « Ne vendez pas Cabaye, Yohan Cabaye, je crois simplement que vous ne comprenez pas, que si vous vendez Cabaye, Yohan Cabaye, vous allez avoir une émeute sur les bras ! » Les supporters de Newcastle ont eu beau mugir, reprendre à l’unisson ce chant en forme d’avertissement dédié à ce joueur qu’ils ont tant chéri durant deux saisons et demie. En vain. L’inéluctable a fini par se produire. La faute à ce Paris Saint-Germain made in Qatar, à ses 20 millions d’euros et quelques bonus ainsi qu’aux appels du pied publics répétés de Laurent Blanc. Aux sirènes étourdissantes et enivrantes de la Champions League, aussi. Les Magpies ne perdent pas qu’un bon joueur. Ils viennent de céder leur meilleur, leur chef d’orchestre, le « cerveau » de leur équipe comme se délectait à le rappeler Alan Pardew. Et c’est la raison pour laquelle la pilule a bien du mal à passer auprès des fans de St James’ Park.
Des ambitions revues à la baisse
« J’ai été déçu que Laurent Blanc agisse de cette façon. Ce sont des choses qui ne se font pas. » Même le transfert acté, Alan Pardew, entraîneur de Newcastle, a peine à dissimuler son profond désappointement. Celui-ci aurait tout accepté, tout toléré, mais pas la vente de Yohan Cabaye. Le fleuron de sa formation arraché à Lille pour seulement cinq millions d’euros, « celui qui sait quand il faut accélérer le rythme du match ou ralentir le tempo » . Plaque tournante de l’équipe britannique, que ce soit en tant que milieu relayeur ou sentinelle devant la défense, le Français illuminait le jeu des Toons. L’équilibrait, le régulait, l’orchestrait, en était l’architecte patenté. Cette saison, il était revenu à un très haut niveau, le même qu’à ses débuts et qui lui avait permis d’acquérir une reconnaissance légitime outre-Manche. Sur les 17 rencontres qu’il a disputées comme titulaire en Premier League cette saison, c’est en moyenne 69 ballons touchés, 81% de passes réussies et, surtout, 74% de passes réussies dans le camp adverse. Une influence manifeste sur l’état de forme de son équipe qui s’est construite année après année.
Pour ses premiers émois avec l’Angleterre, l’enfant de Tourcoing facturait 34 apparitions en championnat pour 4 buts. La suivante, 26 matchs et six pions. Puis, jusqu’à janvier de cette édition 2013/2014, 7 buts inscrits en 19 matchs joués. Preuve, encore une fois, de son apport individuel au sein du collectif très « bleu-blanc-rouge » des Magpies. Mais l’heure était venue pour lui de s’engager dans une nouvelle aventure. Déjà sur le départ cet été, il a fait le choix de rejoindre une escouade plus en adéquation avec ses desseins. Car l’ex-Dogue a pu mesurer, au fil du temps, que si « Châteauneuf » pouvait parfois emmerder les poids lourds du Royaume, une éventuelle participation en Ligue des champions relevait de l’illusion. C’est pourquoi il s’en est allé, laissant orphelin Newcastle upon Tyne de son guide et sujet à de nombreux maux.
La Cabaye dépendance
L’émeute n’a pas encore eu lieu, mais l’inquiétude dans les rangs de Newcastle, elle, se veut proportionnelle au vide laissé par l’international tricolore. Et si les supporters montrent tant d’appréhension face à son départ, c’est parce qu’ils se savaient totalement dépendants de Cabaye, ainsi que de son rendement. Dans les chiffres, le constat apparaît d’ailleurs limpide. Sur 79 matchs de championnat avec lui aligné, Newcastle a remporté 47% de rencontres, en a perdu 33% et prenait en moyenne 1,6 point. À l’inverse, sans leur milieu de terrain, les Magpies comptabilisent seulement 21% de succès, 63% de défaites et ne récoltent que 0,8 point en moyenne. Bref, l’orchestre ne récitait pas la même partition sans son maestro. « Assurément, Yohan Cabaye ferait partie de la meilleure équipe possible de Newcastle si je devais en constituer une. Pour nous, il a été exceptionnel » , a reconnu Alan Pardew à l’annonce du transfert de son poulain. Oui, mais voilà, il va falloir dorénavant aller de l’avant amputé de son bijou. Une tâche loin d’être aisée.
Samedi, le club du Nord de l’Angleterre s’est pris une fessée logique lors du Derby du Tyne and Wear, face à Sunderland (0-3). Le manque de créativité, de liant entre les phases défensives et offensives s’est déjà fait déjà sentir alors que l’adversaire n’avait rien d’un épouvantail. Récemment positionné en meneur de jeu, Cabaye a été remplacé poste pour poste par Hatem Ben Arfa habitué à faire banquette ces dernières semaines et transparent ce week-end. De là émerge une évidence implacable, l’ex-Lyonnais ne possède pas son volume de jeu et n’a clairement pas la carrure pour conduire le camion des Magpies. Conscient de la perte de son stratège et du fait qu’il ne compte pas dans ses rangs un profil similaire, Pardew a tenté dans les ultimes heures du mercato d’attirer Clément Grenier, lequel lui a mis un râteau en bonne et due forme. Moussa Sissoko sera donc certainement amené à élargir son rôle en attendant le prochain mercato, cet été. Actuellement 7e de Premier League, à huit points de la place qualificative pour l’Europa League, Newcastle n’a que peu de chances d’espérer l’accrocher. Logique pour une équipe qui se retrouve partiellement en reconstruction et qui sera amenée, forcément, à changer de style de jeu. « Nous avons perdu un bon joueur (…). La majeure partie de notre jeu reposait sur Yohan, alors nous devons peut-être changer notre style, lâchait samedi en conférence de presse le manager de Newcastle, presque désabusé. Quand vous perdez un joueur de sa classe, vous voulez un remplaçant, mais il n’est pas arrivé. Je dois accepter ce que j’ai et obtenir le meilleur de mon groupe à l’avenir. » Pas de quoi rassurer des supporters orphelins de leur Frenchie.
Par Romain Duchâteau