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New York avec toi…
La MLS reste encore un mystère et voir une de ses rencontres conserve encore un peu le charme d'une visite au pays imaginaire du foot, au charme hybride. À New York, plus qu'ailleurs.
Il y eut d’abord, quitte à choisir, ce moment du match où McManara, auteur de l’égalisation pour un New York City mené toute une mi-temps par les visiteurs du DC United, accroche par derrière et à deux mains, à l’instar d’un U9 vexé comme un poux, le maillot de l’attaquant adverse… Le tout devant l’arbitre : carton jaune, qui s’apparente davantage à de la pédagogie qu’à une sanction. Juste une focale sur cette action aurait pu nous faire plonger en National, quelque part du côté de Chambly ou Colmar. Sauf que l’enceinte s’appelle bien le Yankee Stadium, dans le Bronx, survolée par les avions qui décollent de la Guardia ou JFK, et que le terrain de foot souffre d’un léger complexe de taille au milieu de l’aire dévolue au base-ball. Sauf que l’hymne américain, chanté live avant le coup d’envoi, et quelque peu massacré à coup d’emphase vocale par une blonde ascendant country, pendant que le public tout en bleu écoute religieusement la main sur le cœur, nous fait bien oublier Chambly. Sauf que les équipes sont accueillies par une haie d’honneur formée de policiers et pompiers de Big Apple tendant bien haut leurs écharpes (les seuls vrais ultras US finalement). Et nous font oublier Colmar aussi du coup, tout en rappelant comment NYCFC sait sur-exalter l’identité new-yorkaise à coups de graph hip-hop et d’appel à l’unité de tous les « quartiers » , avec forcément une bataille d’égo et de « marché » avec les rivaux des Red Bulls. Pour les derniers indécis, McManara, pur produit du soccer universitaire, du système des drafts, évolue aux côtés de David Villa et Andrea Pirlo.
Une enceinte à moitié remplie
La MLS affiche bien tous les atours du sport US, son décorum, son talent pour produire le spectacle, et sa volonté de satisfaire un client qui paie très cher sa place et sa junk food. Impossible donc de se sentir ailleurs. Le stand de hot dog casher, choucroute comprise, ou les dizaines de points de vente de merchandising démontrent dans le moindre détail que le sens des affaires ne se limite pas ici à pleurer auprès du Conseil d’État. Le sport est avant tout entertainment et la machine s’avère très – trop ? – bien huilée. Le soccer calque donc sans fausse pudeur son savoir-faire avec la même assurance que dans les autres League. La MLS est même devenue une attraction touristique et on y croise quelques Français en maillot vintage RTL du PSG, qui hésitent devant le tee-shirt officiel pour se replier sur une casquette NY. Il s’y exprime aussi le goût des Américains pour la touche distinctive, fantasmée ou non, pour leur origines ou sensibilités culturelles. De jeunes Italo-Américains s’expliquent le match, et la règle des hors-jeu, en maillot de la Squadra et écharpe de la Juve. Quelques latinos avec tambour encouragent en espagnol David Villa durant les 90 minutes, pour l’instant la seule et unique « vraie » icône du NYCFC.
Dans cette enceinte à moitié vide, ce qui reste néanmoins énorme en août, l’ambiance reste courtoise et retenue. Pour le coup, l’atmosphère rappelle l’actuel Parc des Princes, la seule comparaison possible avec ce qui existe de l’autre côté de l’Atlantique. Une annonce sur l’écran géant incite d’ailleurs fort à propos à dénoncer les mauvais comportements et fournit un numéro de tel ad hoc. « Don’t cross the line » , mais qui y pense de toute manière ? Ce souci d’épargner les « défauts » du Vieux Continent à des US citizens peu habitués à nos us et coutumes footballistiques se retrouve dès la réservation du billet. Si vous la réalisez en ligne, un warning vous avertit, si vous choisissez la « tribune » des supporters, que vous pourriez être dérangés par la façon parfois exubérante d’encourager leur équipe des plus fervents des « fans » en soccer.
« Y avait un match de New York ce soir ? »
À la mi-temps, un animateur black sorti du Prince de Bel-Air, avec le short Wawrinka, anime un QCM sous le surnom d’international ricain Diskerud. Le reste du temps, l’écran géant fait défiler les selfies pris par le public, postés aimablement avec le hashtag adéquat, sans oublier les traditionnels gros plans sur les gradins avec le coucou à la caméra de rigueur, avec une mention spéciale à une famille muslim, maman voilée toute souriante, portant fièrement les couleurs locales. Le fossé entre tout ce magnifique souci du show et le terrain est criant : du foot d’esbroufe atteint du syndrome de la roulette, surtout chez les « stars » importées à grand frais qui se sentent obligées de témoigner de leur supériorité technique, à l’instar d’un ancien de CFA en vacances au Club Med de Marrakech. Avec un taux d’échec cavaniesque devant les goals, pas si mauvais. Dans le métro retour, Leland, dreadlocks et vêtu d’un tee-shirt « Du Pain Quotidien » (un des deux boulots qu’il enchaîne dans la journée, ce qui fait de lui également un des rares New-Yorkais devant son travail à une boîte belge) descend vers Brooklyn pour un repos bien mérité. Il aime vraiment le soccer, mais « franchement, quand je rentre, je vais sur ma télé, je zappe sur les championnats européens, je suis mon équipe de cœur, le Real Madrid. Y avait un match de New York ce soir ? » Tout est dit. Ou presque. NYCFC a gagné trois à un.
Par Nicolas Kssis-Martov