- Ligue des nations
- J3
- France-Allemagne (2-1)
Neuer, ramenez-le tous à la maison !
Si Manuel Neuer est parvenu à préserver l'espoir dans cette rencontre, le colosse allemand aura fini par craquer dans la dernière demi-heure, rappelant au passage qu'il avait perdu son pouvoir de susciter l'effroi.
L’heure est grave pour l’Allemagne. Accusé d’une faute peu évidente dans sa surface, Mats Hummels laisse l’opportunité à la France de passer devant au tableau d’affichage et de se mettre dans une position plus que confortable en vue du Final Four de cette Ligue des nations. Dans ce penalty à venir, le duel va opposer Antoine Griezmann à Manuel Neuer. Comme d’habitude, le portier de la Mannschaft vient agripper sa barre transversale pour donner un peu de pression à Grizou. Mais dans l’histoire, seules deux années séparent 2018 de 2016. Et en 2016, le buteur de l’Atlético de Madrid s’était déjà fendu d’un doublé pour qualifier les Bleus pour la finale de son Euro. Après une tête croisée imparable, voilà Griezmann prêt à marcher de nouveau sur Neuer. Résultat ? Contre-pied impeccable, et Neuer se retrouve dans un brouillard au moins aussi épais que celui de son sélectionneur national.
Le grand devenu petit
Au cours de sa riche histoire personnelle, Neuer s’est construit sous le sceau de la force. 193 centimètres de long, 90 kilos de large et une carrure qui laisserait même réfléchir Khabib Nurmagomedov avant de se lancer à corps perdu sur le bonhomme. Montagne à Schalke 04 pour emmener son équipe en demi-finale de C1 2010-2011, l’Allemand devient une véritable machine au Bayern Munich et avec l’Allemagne, pour soulever la coupe aux grandes oreilles en 2013, mettre un stop monumental à Karim Benzema, rigoler devant le fiasco auriverde et laisser le rêve de Lionel Messi aux oubliettes pour devenir champion du monde au Brésil. Une longévité dans la performance qui l’autorise même à s’installer sur la troisième marche du podium du Ballon d’or 2015, en bon cyborg calé derrière deux extra-terrestres. Neuer, c’était l’Oliver Kahn 2.0, l’homme prêt à tout broyer sur son passage. Mais voilà, Neuer, c’est avant tout le passé.
À Saint-Denis, Neuer s’est mis, comme toute l’Allemagne, à renouer avec son récent et douloureux passé français. Souhaitant cacher ses cicatrices acquises au Vélodrome, le gardien s’est d’abord offert une première période calme, sans réelle intervention concrète. Le hic, c’est que le gardien-libéro adepte des montées de balle avait face à lui une horde de champions du monde qui ne reculent pas devant l’adversité. D’abord costaud pour surmonter le vent de révolte incarné par la jeunesse de Kylian Mbappé, Neuer a vite déchanté devant autant de vitesse et de précision. Incapable d’offrir une parade XXL comme lors de ses grandes heures sur la puissante tête de Griezmann, le capitaine s’est progressivement senti abandonné par sa défense, mais surtout par ses capacités à incarner la crainte. Et cela commence à dater.
Le fantôme russe
Balayé par Hirving Lozano, mis au supplice devant la justesse d’Ola Toivonen ou encore incapable d’enrayer l’armée sud-coréenne : voilà comment résumer au tableau noir la pâle copie rendue par Neuer durant le dernier Mondial. Un Mondial qui, soit dit en passant, s’est offert à lui uniquement grâce à ses exploits passés sous la direction de… Joachim Löw, lui aussi champion du monde en 2014. Dure, mais implacable, la réalité saute aux yeux et elle ne surprend, elle non plus, plus personne. Neuer a davantage passé la saison 2017-2018 avec un kinésithérapeute qu’en crampons sur un terrain de football, et Marc-André ter Stegen, auteur d’une saison remarquable au Barça, devait avoir des raisons valables d’avoir de la rancœur au moment où la légende Neuer lui a coupé l’herbe sous le pied en Russie. À présent, il possède davantage de raisons valables de succéder à un homme en perdition.
Par Antoine Donnarieix, au Stade de France