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Nesta a la pêche
A 36 ans, Alessandro Nesta a encore prouvé hier soir qu’il demeurait l’un des meilleurs défenseurs centraux au monde. Retour sur le parcours de l’un des joueurs les plus classes des vingt dernières années.
Une image au-dessus de toutes les autres. Dani Alvès qui sprint sur son couloir droit, Alessandro Nesta qui déboule. Un tacle glissé. Dani Alvès qui vole, le ballon qui reste collé dans les pieds du défenseur. Nesta qui se relève, toujours avec cette grâce incomparable, et qui relance proprement. Et le geste final : une poignée de main pour aider Dani Alvès à se relever, façon « Allez, c’est pas grave mon pote » . C’est ça, Nesta. C’est un mec classe, presque trop parfois. Mais surtout, un défenseur hors du commun, qui, à tout juste 36 ans, est en train de vivre ses dernières années au haut niveau. Alors certes, avec Thiago Silva et Mexès, la relève est assurée du côté du Milan AC. Mais se dire que l’on ne verra bientôt plus ce joueur là sur les pelouses est un crève-cœur. Hier, alors qu’il revenait de blessure après deux mois d’absence, Nesta a offert une prestation de haut vol. Comme au Camp Nou il y a quelques mois, d’ailleurs. Il n’a jamais semblé dépassé par les évènements et, la seule fois où Messi est parvenu à la prendre en vitesse (oui, à 36 ans, on est moins rapide qu’à 24), Nesta a utilisé « le métier » pour l’arrêter à l’irrégulière. Et personne ne lui en a voulu. Même pas le triple Ballon d’Or, qui lui a tapé sur l’épaule dans la foulée. On pardonne plus facilement à l’élégance.
Une belle vitrine
Voir Nesta à ce niveau-là, c’est évidemment un plaisir. Car plusieurs fois, on a bien cru que c’en était fini de sa carrière. Le défenseur rossonero est certainement le joueur le plus fragile et le plus poissard des dernières années en Italie. Blessures à l’épaule, au dos, au genou, à la cuisse… Nesta a tout connu. Les longues séances de thérapie à Miami et les soins prodigués par le Milan Lab ont toujours fini par le remettre sur pied même si, parfois, le joueur a bien failli baisser les bras. Notamment lors de la saison 2008-09, lorsque, blessé depuis plusieurs mois, il subit une rechute dès son premier match. Il ne dispute que 16 minutes de jeu sur l’ensemble de la saison, et pense à mettre un terme à sa carrière. Mais le Milan AC le soutient, le soigne, et lui permet de retrouver sa condition physique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si son grand retour au poste de titulaire, lors de la saison 2010-11, correspond au premier Scudetto milanais depuis 2004. Un Scudetto de plus dans la vitrine personnelle du défenseur, qui compte à son palmarès deux Ligues des Champions, une Coupe des Coupes, trois Supercoupes d’Europe, trois Coupes d’Italie, trois Scudetti et un titre de Champion du Monde. Mais au-delà de ses grandes victoires avec le Milan AC, Nesta, c’est surtout l’histoire d’une bannière que l’on a arrachée à sa patrie. Et qui, au fond, n’a jamais vraiment compris pourquoi. Mais qui a dû vivre avec.
« J’avais juste envie de pleurer »
Car contrairement aux grands défenseurs de l’histoire du Milan AC (les Maldini, Baresi et autres Costacurta), Nesta est loin d’avoir débuté sa carrière avec le maillot rossonero. Non, Nesta est né à Rome, et intègre les jeunes de la Lazio à l’âge de 9 ans. A l’âge de 16 ans, alors qu’il joue milieu de terrain, il est promu en équipe première. La Serie A découvre alors un jeune joueur de caractère, que l’on annonce comme prometteur. L’année suivante, en 1994, Zdenek Zeman lui accorde sa confiance, mais le fait reculer en défense. D’abord sur l’aile, puis en charnière centrale. Nesta s’y révèle comme une certitude, et devient le chouchou de la Curva Nord. A peu près à la même époque, Francesco Totti explose à la Roma, et les deux hommes s’imposent rapidement comme les deux « bandiere » de la ville de Rome. Nesta est promu capitaine de la Lazio en 1998, alors qu’il est âgé de 22 ans. Avec son club de cœur, il remporte la Coupe d’Italie (en marquant le but de la victoire en finale contre le Milan AC, drôle), puis la C2, et enfin le Scudetto, en mai 2000. Le joueur est au plus haut niveau, et se voit bien rester toute sa vie à la Lazio. Mais quelques mois plus tard, le club romain connaît de graves problèmes financiers. La faillite n’est pas loin, et le président Cragnotti est obligé de vendre ses pépites pour sauver le club. Nesta refuse de partir, puis comprend qu’il n’a pas vraiment le choix. Le 31 août 2002, il signe au Milan AC. « Ce jour là, je n’ai pas compris ce qui se passait. J’ai été présenté devant les tifosi. Ils étaient heureux, ils scandaient mon nom. Mais moi, au fond, j’avais juste envie de pleurer pour ce que je venais de quitter » a-t-il récemment raconté dans un reportage qui lui était consacré, sur Sky.
Finir sa carrière à Milan
Nesta a fini par se faire au Milan AC. Il s’est fondu dans le décor, a appris à apprécier la ville, et les succès du grand Milan AC de la période Ancelotti l’ont aidé à devenir un véritable rossonero. Avec la Lazio, Nesta conserve cependant une relation amour-haine. Les tifosi romains, encore aujourd’hui, le considèrent comme « le seul capitaine » . Pourtant, lors de ses premiers retours au stadio Olimpico en tant qu’adversaire, il a été conspué. En 2008, Nesta a même fait pire. Au début d’un match entre la Lazio et le Milan, le virage laziale l’a convié à venir saluer son ancien public, en compagnie de Favalli et Oddo, des autres anciens de la maison. Ces deux derniers sont venus sous la Curva et ont été longuement applaudi. Nesta, lui, est resté dans les vestiaires. Pourtant, Paolo Maldini, dans une interview, lâchait quelques confidences à propos du défenseur. « A la fin de chaque match du Milan AC, Nesta demandait toujours, dans les vestiaires, le résultat de la Lazio » a-t-il révélé. Du côté de Rome, on continue de croire que Nesta reviendra un jour. Soit pour finir sa carrière, soit en tant que dirigeant. Mais la réalité est toute autre. Nesta affirme en effet vouloir « clore sa carrière au Milan AC » . Or, avant cette fin de carrière, il souhaite encore gagner des titres. Son rêve défendu ? Une dernière Ligue des Champions avant de tirer sa révérence. L’histoire l’attend dans cinq jours.
Eric Maggiori