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Nenê : « Putain, ça aurait été bien de jouer dans une équipe comme ce PSG ! »

Propos recueillis par Alexandre Aflalo, à Paris
Nenê : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Putain, ça aurait été bien de jouer dans une équipe comme ce PSG !<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il fait partie de ces joueurs dont on se remémore les highlights avec une nostalgie teintée de tendresse. Les siennes sont essentiellement composées de dribbles à la semelle, de contrôles au cordeau, et surtout de frappes enroulées du pied gauche qui atterrissaient toutes au même endroit. À 40 ans, Anderson Luiz de Carvalho dit « Nenê » n'a plus sali une lucarne de Ligue 1 depuis bientôt dix piges, mais il continue de jouer au Brésil, là où tout a commencé. De passage à Paris, le joueur de Vasco da Gama (D2) raconte sa longévité, ses ambitions pour le futur, et ce club rouge et bleu qu'il aime tant.

Commençons par une question que la France entière se pose : est-ce que tu joues encore avec ce fameux écarteur de narines ?(Rires.) Oui, je le porte toujours. Il y a des matchs où j’oublie ou les médecins du club oublient, mais normalement, je l’utilise à tous les matchs. Ça m’aide à mieux respirer.

Tu as fêté tes 40 ans en juillet dernier. À cet âge, beaucoup de footballeurs ont déjà raccroché les crampons depuis longtemps. Toi, tu continues à jouer, et tu as même failli disputer une demi-finale de Copa Libertadores il y a quelques mois. Tu te voyais encore à ce niveau, à cet âge ?Vraiment pas. Normalement, on espère 37, 38 ans au plus tard, là 40 ans… Grâce à Dieu, j’ai la force physique pour continuer. Pour les joueurs qui commencent à vieillir, le plus difficile c’est ça, physiquement le corps ne peut plus. Moi, je n’ai quasiment jamais eu de blessures dans ma carrière, ça m’aide aussi. Bien sûr, je n’ai pas la même vitesse qu’avant, parfois je ne peux pas jouer tous les matchs parce qu’au Brésil il y en a beaucoup, mais je prends encore beaucoup de plaisir.

En voyant les choses maintenant, je pense que j’aurais dû jouer pour l’équipe de France. Dommage.

Quel est le secret de ta longévité ?Je pense que c’est plusieurs choses qui sont combinées. La discipline, le fait de ne pas avoir de blessures, mon amour pour le foot aussi. Pour moi, c’est un rêve d’avoir été un joueur professionnel, de faire de bonnes choses, aider ma famille, connaître beaucoup d’endroits dans le monde, parler d’autres langues, je suis un privilégié. Et puis bien dormir, bien manger, ne pas boire ni fumer, tout ça combiné, ça fait que tu peux arriver plus loin.

Depuis cet automne, tu es de retour au CR Vasco da Gama, que tu avais déjà rejoint en 2015. Ton objectif était d’aider le club à remonter en Serie A brésilienne. Malheureusement, ce n’était pas pour cette saison. Est-ce que tu penses que ce sera le dernier défi de ta carrière ?Un des derniers. On veut monter, et après pourquoi pas retourner en Libertadores. La première fois que j’étais à Vasco, on avait réussi à faire ça. On a été champions carioca (le championnat de Rio, que Vasco a remporté en 2015 et en 2016, NDLR), après on a fait une bonne saison… L’équipe n’est plus allée en Libertadores depuis 2017-2018, ça fait trop longtemps. Le premier objectif est de revenir en première division, mettre ce club historique à la place à laquelle il mérite d’être.

Lors de notre dernier entretien, en 2016, tu disais pouvoir encore être convoqué avec la Seleção. Tu y crois toujours ? Là, c’est trop tard, je pense. Bon, il y a beaucoup de bons joueurs au Brésil, surtout à mon époque, Kaká, Ronaldinho… Je pense que j’aurais pu être appelé quelques fois, il y avait eu un match ici, toute la France disait que le sélectionneur allait m’appeler. Ce n’est pas passé, dommage, je ne sais pas pourquoi. Mais là maintenant, « c’est mort » , comme on dit. (Rires.)

Il a même été question que tu prennes la nationalité française et que tu joues avec les Bleus. Avec le recul, c’est un regret de ne pas l’avoir fait ?Je ne sais pas si c’est un regret, mais en voyant les choses maintenant, je pense que j’aurais dû le faire. Dommage.

Ces deux dernières années au Brésil, avec la crise sanitaire qui a tapé particulièrement fort, ont été très compliquées. Comment l’as-tu vécu, depuis là-bas ?Le plus dur a sans doute été la partie où on a été enfermés trois mois. Je pense que tout le monde a passé des moments difficiles. Au Brésil, le virus a tapé fort. Maintenant, tout le monde commence à être vacciné. La société reprend, les shows, les matchs… Et il n’y a pas eu de mouvement pour ne pas se faire vacciner. Heureusement, moi, j’avais une maison, je pouvais m’entraîner, j’étais avec Fluminense, on arrivait tous à s’entretenir. Heureusement, personne de ma famille n’a eu de problème.

En parlant de cette équipe de Fluminense, tu as partagé l’affiche avec deux autres joueurs expérimentés bien connus de la Ligue 1 : Fred (ex-Lyon) et Ganso (ex-Amiens).C’était une belle équipe. On était trois ou quatre joueurs plus expérimentés avec pas mal de bons jeunes, des joueurs de qualité qui pourront sans doute jouer dans de grands clubs en Europe très prochainement. Le groupe était bien, on faisait des bons résultats, je marquais beaucoup de buts…

Pour le PSG, pour les supporters, je pense que ce serait beau que je puisse finir ici. Mais Vasco, c’est aussi un club que j’aime beaucoup. J’ai deux amours : Paris et Vasco.

21 buts et 14 passes décisives en un peu plus de deux ans, c’est encore pas mal en effet !La frappe, ça ne change pas ! (Rires.) Peut-être la vitesse, mais la qualité de frappe, non. En plus, si je continue à m’entraîner, ça s’améliore même encore chaque année.

Tu as déjà dit que tu envisageais de finir ta carrière au PSG, où tu as passé un peu plus de deux saisons (2011-2013). C’est toujours dans un coin de ta tête ?Pour le PSG, pour les supporters, je pense que ce serait beau que je puisse finir ici. Mais Vasco, c’est aussi un club que j’aime beaucoup, il y a beaucoup de respect et d’admiration entre moi et les supporters, c’est pour eux que je suis revenu, pour aider l’équipe. J’ai deux amours : Paris et Vasco.

Ce retour au pays en fin de carrière, c’est un truc que font beaucoup de joueurs sud-américains…Je l’ai surtout fait pour être près de la famille, des enfants. J’ai divorcé à cette époque, mes enfants me manquaient, je voulais être proche d’eux. La jeunesse, ça passe très vite. Je voulais être là pour leur éducation, apporter du soutien à mon ex-femme à ce niveau-là.

Est-ce que tu te souviens du jour de la signature de ton contrat au PSG ? Il paraît qu’après avoir lu le contrat, tu aurais refusé de le signer, avant de finalement changer d’avis plus tard dans la journée, c’est vrai ?(Il réfléchit.) Je ne me rappelle pas trop… Peut-être qu’il s’est passé quelque chose avec le contrat, mais je ne me rappelle pas quoi. J’ai une mémoire de merde. Peut-être que c’était à cause des impôts. (Rires.) Non, je plaisante, je ne suis pas comme ça, mais je ne me souviens pas ce qui avait pu bloquer. Finalement, signer ce contrat a été la meilleure décision de ma vie, de ma carrière. Pour moi, c’était le moment le plus mémorable de ma vie en Europe.

Partir aussi rapidement, à l’hiver 2013 (à Al-Gharafa), avant le premier titre de l’ère qatarie, c’est un regret ?Bien sûr, j’aurais aimé vivre ça. T’imagines combien de titres ils ont gagnés après ? Mais bon, ce sont des décisions dans nos vies qui nous font grandir. Avec le recul, ce n’est pas forcément un regret, parce qu’on ne sait jamais ce qu’il se serait passé. J’étais triste de partir, mais voilà… Je suis parti à un moment où ce n’était pas clair autour de ma prolongation. On a dû décider, il y avait beaucoup d’offres. Peut-être qu’aujourd’hui, j’aurais pris une décision différente. J’aurais beaucoup aimé rester et gagner des titres, ça aurait été dingue.

« Bon, ils arrivent quand Verratti et Ibrahimovic ? »

Toi qui as connu la première année des Qataris au PSG, comment juges-tu l’évolution du club ?C’est juste énorme. C’est totalement différent. C’est une équipe galactique, on va dire. À l’époque, ils commençaient à changer les choses, les structures, l’équipe. Beaucoup de nouveaux joueurs arrivaient. Aujourd’hui, même le stade, le centre d’entraînement qui est en construction, ça va être unique. Jamais je n’aurais imaginé quelque chose comme ça à mon époque. Tout ce dont on avait besoin, c’était d’une équipe compétitive pour essayer de gagner le championnat et jouer la Coupe d’Europe. Cette évolution est vraiment énorme.

Parmi les premiers gros changements entre l’avant et l’après QSI, qu’est-ce qui t’a particulièrement marqué ?La mentalité de Nasser. Il a une mentalité de gagnant et il voulait que tout le club l’ait aussi. Non pas qu’il n’y en avait pas avant, mais c’était un peu plus difficile, si on perdait les matchs, on réagissait comme si c’était normal. Lui, il n’acceptait pas ça. Il voulait tout gagner, être compétitif partout, et ça passait par changer le club petit à petit. On était tous pressés de voir ça, mais ça ne se passe pas comme ça d’une année à l’autre. Il fallait changer la mentalité, pas seulement pour gagner les matchs, mais il fallait être le plus parfait possible dans tous les aspects : la récupération, la vie en dehors de l’équipe, à la maison, le travail, la concentration, tout ça…

Jamais je n’aurais imaginé que le PSG devienne ça. Bien sûr, je savais qu’ils avaient les moyens de faire une équipe énorme. Mais penser que des joueurs comme Neymar ou Messi allaient venir, à cette époque-là, ça ne m’avait même pas traversé l’esprit.

Tu aurais imaginé le PSG que tu connais capable d’attirer des joueurs comme Neymar, Mbappé, Messi ?Jamais je n’aurais imaginé ça. Bien sûr, je savais qu’ils avaient les moyens de faire une équipe énorme, mais pour moi ils n’avaient pas… comment dire… une tradition. 50 ans, c’est très jeune pour un club. Penser que des joueurs comme Neymar ou Messi allaient venir, à cette époque-là, ça ne m’avait même pas traversé l’esprit. Après, on a vu arriver Ibra, c’était déjà énorme, mais il était déjà un peu plus âgé, aussi.

Les débuts de Messi en Ligue 1 sont un peu mitigés. La Ligue 1 a la réputation d’être un championnat très physique, dur pour l’adaptation des Sud-Américains notamment. Tu te souviens avoir vécu la même chose à ton arrivée à Monaco, en 2007 ?Oui. La première année à Monaco, c’était dur pour moi. J’ai même voulu retourner en Espagne. (Il passera la saison 2008-2009 en prêt à l’Espanyol Barcelone, au moment de l’arrivée d’un certain… Mauricio Pochettino, au poste d’entraîneur, NDLR.) L’Espagne, j’ai adorée : toutes les équipes jouaient au ballon, c’est quelque chose que j’aime. La deuxième année à Monaco, c’était déjà mieux. Déjà, le français, c’est difficile. Mais le championnat, vraiment, il y a un truc qu’il n’y a pas ailleurs : tous les joueurs défensifs sont rapides, ici, en plus d’être costauds. Bon, pas tous, mais la plupart. Ici en France, c’est physique, ça jouait moins au ballon, et les défenseurs étaient moins faciles à passer avec la vitesse. Et puis le froid… Je me rappelle, la première fois que j’ai joué à Lens, quand j’ai vu la neige. (Rires.) Donc il faut que les gens soient patients. Évidemment que tout le monde veut que Messi fasse tout, tout de suite. Mais c’est une nouvelle équipe, un nouveau championnat, une nouvelle ville… Ça va venir. On voit déjà qu’il est un peu mieux, plus à l’aise, contre Bruges il marque deux buts, il fait un bon match.

Neymar, on oublie que s’il se blesse, c’est aussi parce que les défenseurs lui font mal. Ce n’est pas toujours musculaire, c’est les défenseurs qui n’arrivent pas à le prendre et qui lui cassent la gueule.

Un autre joueur qui a du mal avec le côté « physique » de la Ligue 1, c’est Neymar, qui enchaîne les blessures depuis son arrivée au PSG. Comment l’analyses-tu ?Je pense qu’on oublie que s’il se blesse dans le jeu, c’est aussi parce que les défenseurs lui font mal. C’est pas toujours une blessure musculaire, c’est les défenseurs qui n’arrivent pas à le prendre et qui lui cassent la gueule. C’est dur. Peut-être que les arbitres ne le protègent pas trop, pas seulement lui, mais les joueurs un peu plus techniques. On veut aller au stade pour voir du spectacle, les supporters parisiens adorent ça, c’est pour ça je pense qu’ils aiment beaucoup les Brésiliens. Il faut aussi protéger les joueurs. C’est dommage parce qu’avec la qualité qu’il a, il pourrait apporter beaucoup plus. Le plus important, c’est qu’il ne lâche pas et qu’il revienne à chaque fois. Il est calme dans sa tête, il est concentré pour revenir le plus tôt possible.

Est-ce que tu penses que le Nenê de 2011 aurait sa place dans le PSG de 2021 ?Je ne sais pas si j’aurais ma place, mais je suis sûr que je pourrais aider dans les matchs importants. Putain, ça aurait été bien de jouer dans une équipe comme ça !

À part Neymar, il y a un joueur qui te plaît particulièrement dans cette équipe ?Verratti. Depuis mon époque, je l’adore. C’est une manière de jouer que j’aime beaucoup. Son intelligence, sa capacité à être froid même quand on le presse devant son but. Il fait les choses avec beaucoup de facilité.

On sent une forme de crise identitaire au PSG cette saison : le jeu est très critiqué, on ne parvient pas à identifier un projet, une philosophie claire. Pour toi, c’est quoi jouer « à la PSG » ?Je pense qu’il leur faut encore du temps pour avoir la connexion, la complicité entre eux. Je ne sais pas comment ils doivent jouer, c’est le coach qui doit se débrouiller pour bien jouer, faire le spectacle. Avec les joueurs qu’ils ont, ils peuvent jouer de n’importe quelle manière. Je pense que c’est vraiment le temps, les voyages en sélection, les blessures ne les ont pas aidés. Mais je pense que ça va venir.

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Propos recueillis par Alexandre Aflalo, à Paris

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