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Matić et Rennes : récit d'un rendez-vous manqué
Cinq mois à peine après son arrivée surprise au Stade rennais, Nemanja Matić souhaite quitter le navire breton. Le milieu de terrain serbe a même quitté la ville ce mercredi matin, et le divorce semble désormais inéluctable. C'est l'histoire d'un rendez-vous manqué.
Il était environ 10h30, ce mercredi matin, quand la gare de Rennes a dû être évacuée en raison d’une alerte à la bombe. Les doutes ont été levés peu avant midi, laissant un grand bazar et des retards sur les lignes bretonnes. Plus tôt dans la matinée, Nemanja Matić a échappé à cette panique et n’est pas tout à fait passé inaperçu du haut de son mètre 94, accompagné de ses proches et de ses valises le long de la voie 4. Une autre bombe, cette fois dans le petit milieu du football. En effet, le Serbe a quitté la capitale bretonne à bord du train de 9h35 pour une arrivée à la gare Montparnasse à 11h16 (sa destination finale restant inconnue), sans avoir demandé l’autorisation au Stade rennais, nous a-t-on fait savoir, et à quelques minutes du début de la séance d’entraînement quotidienne à la Piverdière, prévue à 11h30.
Nemanja Matić a quitté Rennes ce matin avec sa famille et ses valises (ici en photo à la gare). Le milieu de terrain serbe ne devrait plus rejouer avec les Rouge et Noir. Il avait vidé son casier à la Piverdière en début de semaine. #SRFC pic.twitter.com/z0J9yLQ0r0
— Clément Gavard (@Clem_Gavv) January 10, 2024
Le milieu de terrain ne s’était plus entraîné avec ses coéquipiers depuis mercredi dernier et avait manqué le déplacement à Guingamp en Coupe de France à cause d’une petite douleur au mollet, pour la version officielle. Le feuilleton a pris une nouvelle tournure en ce début de semaine, il a maintenant des allures de bras de fer entre le joueur de 35 ans et le club breton. Il a ainsi vidé son casier au centre d’entraînement et même quitté la conversation Whatsapp du groupe professionnel, actant lui-même le divorce cinq mois à peine après son arrivée à Rennes. En août, son transfert surprise avait logiquement été considéré comme l’un des plus marquants de l’histoire des Rouge et Noir ; aujourd’hui le point de non-retour est atteint, et la fin d’un mariage qui n’aura pas fonctionné semble imminente.
Une histoire de scolarité
Il n’est pas simple de démêler le vrai du faux dans cette histoire. Les versions sont multiples, chacun défend ses intérêts, et personne n’est dans la tête de Matić ou des autres acteurs pour comprendre ce qui le motive vraiment à forcer son départ du Stade rennais. Sa première apparition à Lens, un soir d’août, avait enchanté, et ses 30 minutes passées sur le terrain avaient montré tout ce que le transfuge de l’AS Rome pouvait apporter à cette équipe : de la sérénité, de la qualité technique et une expérience colossale. Il n’a cependant pas totalement trouvé sa place dans le jeu de Bruno Genesio ni dans celui de Julien Stéphan, qui répétait encore la semaine dernière son envie de le voir rester pour la deuxième partie de saison. La situation sportive du Stade rennais, 10e à la mi-saison à 12 points du top 4, l’objectif initial en championnat, ne serait pas un argument posé sur la table par Matić pour justifier ses envies de départ. Il ne l’a en tout cas pas mentionné auprès des dirigeants rennais. Le changement d’entraîneur ne serait pas un sujet non plus. En plus de quinze ans de carrière, l’ancien de Chelsea et de Manchester United en a vu d’autres et sait que ces choses arrivent dans le foot.
Le principal hic vient de l’intégration de la famille Matić à sa nouvelle ville et concerne la scolarité de ses enfants (un garçon de 14 ans et deux filles de 9 et 6 ans). Dès les négociations cet été, le milieu de terrain avait évoqué l’importance de pouvoir les inscrire dans une école internationale, ce qui n’existe pas à Rennes. C’est le grand point de désaccord entre les deux camps aujourd’hui et la principale raison (voire la seule) avancée par Matić pour expliquer son souhait de quitter le club et la ville. Les versions diffèrent, bien sûr. Du côté du Stade rennais, on assure avoir envoyé des liens présentant les sections internationales de Saint-Vincent, un établissement situé en centre-ville, aux représentants du joueur, quand l’autre camp laisse entendre qu’il y aurait eu un manque d’informations, plus par maladresse que par mensonge. Le SRFC aurait-il pu faire plus ? Matić et sa famille auraient-ils pu se renseigner plus en profondeur ? Chacun se fera son idée dans cette affaire qui n’a rien de simple et qui dépasse le cadre footballistique.
Reste que Matić a signé à Rennes, où il a disputé 19 matchs toutes compétitions confondues, et que le problème de l’école aura été un fil rouge en coulisses durant la première partie de saison. Les enfants du Serbe ont peiné à trouver leur place, ce qui aurait tracassé le père de famille. Son fils aurait ainsi cumulé plusieurs jours d’absence au collège Saint-Vincent, mais a pu compter sur l’école de foot pour s’intégrer. Il jouait avec les U13 au Stade rennais, où l’un de ses copains de vestiaire n’était autre que le fils de Florian Maurice, le directeur technique du club. Les dirigeants rennais, eux, ont tenté de trouver des solutions pour améliorer les conditions de vie de la famille Matić, comme celle d’avoir recours à des professeurs particuliers ou encore de scolariser les enfants à Paris. Mais le joueur de 35 ans voulait une scolarité normale, au milieu d’autres élèves, et ne souhaitait pas être éloigné de ses proches.
Arbre de Noël, retard et offre lyonnaise
Le Stade rennais ne s’imaginait pourtant pas le voir partir au bras de fer pour forcer son départ, alors qu’il est sous contrat jusqu’en 2025. Encore moins quand, en décembre, au lendemain de la défaite contre Monaco à laquelle il n’avait pas participé en raison d’une suspension, la famille était venue au grand complet à l’arbre de Noël organisé par le club. Une semaine plus tard, il avait été mis sur le banc à Toulouse par Stéphan en guise de sanction à la suite d’un retard lors de la séance vidéo, avant de déclarer forfait pour le déplacement victorieux à Clermont. C’est le 28 décembre, date de reprise de l’entraînement après une pause d’une semaine, qu’il a signifié aux dirigeants et à l’entraîneur son souhait de mettre un terme à son aventure avec Rennes dès le mois de janvier. Une décision vécue comme soudaine et brutale au sein du club. « Quand José Mourinho accepte de se séparer d’un joueur, ce n’est jamais par hasard », explique-t-on parfois dans le milieu, alors que plusieurs intermédiaires avaient gravité autour des négociations en juillet dernier, à une époque où il se disait que l’international serbe ne goûtait plus certaines attitudes dans le vestiaire romain.
Plusieurs mois ont passé, et on ne sait pas ce qui s’est passé pendant les fêtes, ni si cette histoire d’école est la seule raison de la fuite du Serbe : la vérité appartient à Matić et sans doute un peu au Stade rennais. Si le pessimisme régnait dans ce dossier chez les Rouge et Noir la semaine dernière, la séparation semble maintenant inéluctable. Selon nos informations, les derniers échanges auraient été particulièrement virulents, et le milieu de terrain se serait même montré menaçant, ce que personne n’a voulu nous confirmer à Rennes. Il y a de l’incompréhension entre les deux camps, sans doute de la rancœur aussi. L’avenir de Matić ne se dessine plus en Bretagne, mais peut-être toujours en France, où l’OL lui fait les yeux doux.
Le club rhodanien aurait même organisé une visioconférence avec une école internationale du coin pour le convaincre, en plus d’un salaire au moins égal à celui qu’il touche au SRFC. Le joueur aurait d’ailleurs communiqué son envie de filer chez les Gones. Une seule offre, celle de Lyon, est arrivée sur la table des dirigeants rennais depuis le début du feuilleton. Un départ dans la capitale des Gaules ne semble pas inenvisageable, même à Rennes, mais la proposition lyonnaise a été jugée insuffisante (il n’y en a eu qu’une pour l’instant). Ce n’est pas une alerte à la bombe, mais c’est le même effet de grand bazar dans un club qui doit préparer la réception de Nice, samedi au Roazhon Park, pour bien lancer la phase retour en championnat. Et ce sera sans Matić, qui était encore un joueur du Stade rennais ce mercredi, mais qui ne semble déjà plus l’être dans la tête de beaucoup de monde.
Par Clément Gavard