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Negro : « Le derby est tout sauf un match comme les autres »
Pendant douze saisons, de 1993 à 2005, Paolo Negro a porté les couleurs de la Lazio. À quelques heures du derby de Rome, l'ancien défenseur se replonge dans l'atmosphère des derbys de la fin des années 90. Une époque où son adversaire s'appelait, déjà, Francesco Totti.
Alors, Paolo, comment se passe la retraite ?Elle se passe bien. Je suis en train de passer le troisième et dernier cours à Coverciano pour devenir entraîneur. Je finis d’abord cela, et j’espère ensuite pouvoir obtenir une belle opportunité sur un banc de touche.
Il y en a déjà eu une…Oui, mais elle s’est vite terminée. J’ai en effet été nommé sur le banc de Zagarolo, une équipe de Serie D (cinquième division) de la région de Rome. J’ai débuté en janvier 2012, alors que l’équipe venait de concéder 11 défaites lors des 12 journées précédentes. Nous avons réalisé un demi-miracle en réussissant à obtenir le maintien en Serie D. Sauf que le miracle n’a servi à rien puisque, pendant l’été, le club a fait faillite et a dû mettre la clef sous la porte !
Vous avez eu d’autres contacts depuis ?J’essaie surtout de terminer ce cours, qui représente la catégorie d’entraîneurs la plus haute. Mais oui, j’ai déjà eu quelques contacts avec certains clubs. On verra bien cet été.
Certains entraîneurs, comme Montella ou Stramaccioni, ont immédiatement commencé par un club de Serie A. Vous vous sentiriez prêt ?Oui car c’est cela que j’aime. Même si l’expérience avec Zagarolo s’est vite terminée, elle m’a permis de comprendre que c’est vraiment cela que je veux faire. Et je me sens prêt à relever tout défi que l’on me propose. On peut voir avec Montella qu’il ne faut pas forcément être expérimenté, ou avoir passé des années dans les divisions inférieures pour être bon. Il apporte un vent de fraîcheur, des idées nouvelles, et pourtant il a tout de suite commencé par la Roma, puis Catane, et maintenant la Fiorentina.
Dans la nouvelle génération d’entraîneurs italiens, c’est lui qui vous semble le meilleur ?Oui. Il est vraiment bon. Et pas seulement comme coach dans le jeu. Il est aussi très bon psychologiquement. Il est toujours très juste, je ne l’ai jamais vu venir lancer une polémique à la fin d’un match, il est très réservé. Mais en même temps, il sait transmettre la rage de vaincre à ses joueurs. On l’a encore vu hier, son équipe a réussi à revenir à 2-2 contre Milan à 10 contre 11. L’entraîneur n’est pas étranger à ce genre de performances.
Montella, cela a pourtant été un sacré cauchemar pour vous, en tant que joueur.Il était déjà bon sur la pelouse, mais j’imagine que vous faites référence au quadruplé qu’il a inscrit lors du derby de 2001 ? À cette période-là, j’étais blessé, j’ai donc assisté à ce match comme tous les supporters de la Lazio, ahuri.
Vous avez joué 12 ans à la Lazio. Ça fait beaucoup de derbys joués ça…Oui, c’est vrai que j’en ai joués beaucoup. Je n’ai pas compté combien exactement. Une vingtaine certainement.
Vous en gardez quels souvenirs, de ces matchs si particuliers ?Comme vous le dites, c’est un match particulier, à part. En soi, le match dure 90 minutes, mais en réalité, à Rome, c’est derby toute l’année. Avant les derbys, les entraîneurs se tuent à dire que « c’est un match comme les autres, qu’il vaut trois points » , pour faire retomber la pression. C’est faux. Le derby est tout sauf un match comme les autres. La semaine qui précède le derby, vous ne pouvez même pas sortir de chez vous. Dans la rue, tous les gens n’ont que ce mot-là à la bouche. Parfois, cela va même un peu trop loin.
C’est-à-dire ?J’ai gagné beaucoup de derbys, mais j’ai également eu la malchance d’inscrire un but contre mon camp lors d’un derby, qui plus est décisif, et qui plus est lors de la saison où la Roma a gagné le Scudetto. Pendant des années, à chaque fois qu’un supporter de la Roma me croisait, il me rappelait cet évènement. C’est difficile à gérer. Surtout que ce but était totalement involontaire, ce n’est même pas moi qui ai fait un mauvais geste, c’est juste le ballon qui a rebondi sur moi. Mais bon, l’histoire retient que c’est moi qui l’ai touché en dernier, et que le but contre son camp a été attribué à Paolo Negro.
Vous avez pris votre revanche quelques années plus tard…Oui, en 2005, je suis parti à Sienne. Nous avons affronté la Roma à l’Olimpico, et nous avons gagné 3-2. Le plus drôle, c’est que les trois buteurs, Colonnese, Chiesa et moi, nous étions tous les trois ensemble deux ans plus tôt à la Lazio.
Déjà, à la fin des années 90, vous affrontiez Totti lors des derbys. Vous auriez pu imaginer qu’en 2013, il disputerait encore un derby ?À l’époque, on voyait déjà qu’il était un très bon joueur. Il avait quelque chose en plus par rapport aux autres. Après, je n’aurais pas imaginé une telle carrière, c’est sûr. C’était même impensable de se dire qu’il n’allait pas partir dans un très grand club plus tard.
C’est le joueur le plus fort que vous ayez affronté lors d’un derby ?Disons qu’à cette période, fin des années 90, début 2000, la Lazio et la Roma étaient, avec la Juve, les meilleures équipes d’Italie. À l’époque des Sensi, j’en ai vu passé, des bons attaquants, à la Roma. Delvecchio, Batistuta. Mais Totti était peut-être le plus fort, oui.
Vous avez évoqué un souvenir douloureux. À l’inverse, avez-vous un bon souvenir de derby ?Bien sûr, il y en a pleins. La chose dont je suis le plus fier, ce sont les 4 derbys que nous avons gagné lors de la saison 1997-98. Deux en championnat et deux en Coupe d’Italie. C’est une performance unique dans l’histoire et je sais que cela a rendu très fiers nos tifosi. Je garde aussi un souvenir magnifique du derby de l’année 2000. Nous gagnons 2-1 après avoir encaissé un but à la première minute (de Montella, justement, ndlr) et derrière, nous commençons la folle remontée sur la Juve qui nous mènera au Scudetto. Enfin, il y a aussi eu ce derby en 2001, où nous égalisons à la 95e minute par Castroman. On n’entendait plus rien dans le stade tellement les supporters hurlaient.
Pour le derby de ce soir, vous voyez qui favori ? Le derby est le match le moins facile à pronostiquer. D’ailleurs, bien souvent, c’est l’équipe qui est le plus mal en point qui gagne. Mais là, les deux équipes sont à peu près au même niveau. La Lazio a trois points d’avance, mais elle vient de perdre en Europa League. La Roma reste sur une défaite 2-0 à Palerme. Je vois plus la Lazio s’imposer, même si je pense que cela va se jouer sur des détails. C’est évidemment ce que je souhaite, étant resté supporter du club.
On sait que vous avez eu pas mal de problèmes avec le président Lotito, c’est à cause de lui que vous avez quitté la Lazio. Que pensez-vous de sa gestion du club ?Je préfère ne pas me prononcer. Il a réussi à ramener la Lazio aux premières positions du football italien, après quelques années passées dans l’anonymat. Maintenant, ce que je pense, c’est que la Lazio actuelle repose trop sur quatre-cinq joueurs essentiels. Il suffit que certains de ces joueurs soient absents, et c’est toute l’équipe qui cale. Selon moi, avec un effectif plus complet, la Lazio pourrait lutter pour le podium. Mais bon, il ne faut pas cracher dans la soupe non plus. Au moins jusqu’à jeudi, elle demeure la seule équipe italienne encore en course sur trois tableaux. Maintenant, il faut de la continuité.
Qui sera champion d’Italie ?Est-ce vraiment la peine que je vous réponde ? (Rires)
Propos recueillis par Eric Maggiori