- E-sport
- Interview
Neal Maupay : « J’aime regarder des pro-gamers jouer aux jeux vidéo »
Passionné de jeux vidéo depuis l’enfance, Neal Maupay a fait ses débuts professionnels en Ligue 1 à l'âge de 16 ans, un âge où l'on adore aussi poncer la console. L’attaquant de Brighton raconte son évolution vidéoludique au fil des années, entre parties sur Counter-Strike, liens avec le monde de l’e-sport et vision sur Twitch.
Tu te souviens de tes premières parties de jeux vidéo ?J’ai dû attendre pas mal d’années avant d’avoir ma première console, la PlayStation 3, car mes parents n’étaient pas vraiment pro-jeux vidéo. Mais j’avais commencé à jouer bien avant ça, sur l’ordinateur familial, même si je n’avais pas obtenu leur autorisation. Je jouais en cachette à Counter-Strike Source ! J’attendais que ma mère parte travailler à 6h du matin pour avoir quelques heures devant moi avant d’aller en cours.
Qu’est-ce qui t’a séduit sur ce jeu plutôt compliqué à prendre en main ?J’ai tout de suite accroché pour plusieurs raisons : le concept, les sensations et surtout le fait de pouvoir jouer avec d’autres personnes. Rencontrer des gens, se créer des liens au travers d’un jeu vidéo, c’est ça qui m’a plu. On se donnait des rendez-vous virtuels après les cours ou pendant les vacances, on était un vrai groupe d’amis. Mais il n’y a pas que CS dans ma vie, j’ai aussi pas mal grinder Rainbow Six Siege. Les FPS en équipe avec cet esprit de compétition, c’est vraiment ce que j’aime. J’ai beaucoup plus de mal avec les jeux solo ou arcade, même si j’ai pu apprécier les battle royale comme Fortnite. C’était une petite révolution, et pas mal d’amis footballeurs y jouaient.
Ce n’était pas compliqué de jouer avec ta carrière qui commençait à exploser ?Je jouais énormément avant de percer dans le monde du football. Mais une fois entré en sport-étude puis en centre de formation à l’OGC Nice, j’ai dû laisser cette passion de côté quelque temps. Il y a eu tellement de changements à cette période de ma vie, entre mes débuts en Ligue 1, le bac à passer et tout simplement mon début de carrière à gérer. Je n’avais plus le temps, la tête ou l’énergie de jouer aux jeux vidéo. C’est à peu près au même moment que Counter-Strike : Global Offensive est sorti. Au lieu de jouer, j’ai suivi la scène professionnelle et les plus gros tournois pendant quelques années avant de reprendre récemment. C’était et c’est toujours impressionnant de voir ces arènes remplies, les émotions des spectateurs et des joueurs et ce niveau de gameplay.
Justement, tu côtoies aujourd’hui des joueurs pros comme KennyS ou apEX. Comment vous êtes-vous rencontrés ?J’ai rencontré Kenny par l’intermédiaire de Rémy Cabella, car ils sont tout simplement amis. Rémy est également un joueur de CS:GO, donc le lien s’est fait tout seul. Pour Dan (apEX), c’est via la plateforme Twitch que j’ai pu faire sa connaissance. Certains matent des films, du football ou des documentaires, moi, j’aime bien regarder des pros jouer aux jeux vidéo. J’ai sympathisé avec lui durant un de ses streams et c’est rapidement devenu un bon pote avec qui je joue très souvent.
À force de les fréquenter, tu vois des similitudes entre ton métier de footballeur et celui de pro-gamer ?Énormément ! On retrouve pas mal de choses comparables entre ces deux univers : compétitivité, enjeux, émotions. Quand je vois les pro-gamers exprimer leur joie lors d’une victoire ou de la détresse lors d’une défaite, je trouve que le rapprochement se fait facilement. Certaines personnes trouvent ces comparaisons ridicules. Leur argument, c’est de dire que l’e-sport n’est pas un sport à cause de la dépense physique. De ma propre expérience de joueur de jeux vidéo, mais aussi de par mes discussions avec certains professionnels sur CS:GO, je peux vous certifier que rester des heures à penser stratégie, à être concentré sur soi et sur l’équipe, c’est un effort important. C’est bien évidemment différent que de courir derrière un ballon, mais c’est vraiment éprouvant. Mais il faut savoir que les matchs sur CS:GO sont souvent très longs (minimum 2 heures), avec une préparation stratégique et mécanique d’avant-match ainsi que des analyses à la fin des rencontres.
La Covid-19 a rendu cette saison de CS:GO très particulière, avec presque uniquement des matchs online. Comment tu l’as vécu en tant que spectateur ? Les grandes compétitions comme l’ESL Cologne ou les Majors n’ont clairement pas la même saveur quand tout est joué en ligne. En plus, le calendrier surchargé a créé des situations où certaines équipes ne se donnaient pas à fond lors de certains matchs afin de privilégier d’autres rencontres rapprochées. J’ai quand même bien suivi les équipes que je supporte comme Vitality. Dan vivait sa première année au lead, et sa grosse charge de travail a payé. J’adore son coéquipier Zywoo, qui est actuellement le meilleur joueur du monde et qui devrait remporter un second titre HLTV. Je regarde également beaucoup de matchs de G2 avec Kenny qui joue dans cette équipe. L’arrivée de Niko les a bien renforcés, et je pense qu’ils peuvent être très forts en 2021. J’aimerais d’ailleurs que cette nouvelle année nous permette de voir le retour des LAN, car CS:GO sur scène ou en ligne, ce n’est clairement pas la même chose pour les fans.
Ça t’arrive de faire quelques parties avec des coéquipiers ou d’autres joueurs ?J’ai pu faire un pick-up récemment avec Álvaro (Olympique de Marseille), et c’était assez drôle. Il m’a l’air plutôt bon, mais on a gagné assez facilement. (Rires.) Rémy Cabella et Romain Hamouma adorent aussi le jeu et on a pu faire pas mal de parties ensemble. Et je continue d’être en contact avec mon ancien coéquipier à Brentford, Pontus Jansson, qui est un fana de CS:GO. Je trouve ça super que beaucoup de footballeurs aiment ce jeu. Quand je vois la soirée événement entre Neymar, Gotaga et certains membres de Vitality dont Dan, je trouve ça génial. Deux mondes opposés qui se rejoignent pendant quelques heures, et on peut tout de suite voir les similitudes. Les pro-gamers sont tellement contents de rencontrer des sportifs, mais l’inverse est tout aussi vrai. Quand on voit la réaction de Neymar quand il cut Zywoo, il était comme un fou.
Eu joguei pra isso… MERCI @zywoo ?? pic.twitter.com/zwRGT52M3g
— Neymar Jr (@neymarjr) December 21, 2020
Parlons sérieusement, c’est quoi ton niveau sur le jeu ? Je n’ai pas de rank officiel sur le jeu, car je ne lance jamais de matchmaking. C’est l’un des plus gros problèmes du jeu, il y a bien trop de cheaters. Du coup, je joue que sur FaceIt, le plus souvent avec des mecs comme Kenny ou Dan. Ils ont un niveau monstrueux et je me retrouve donc à affronter des joueurs de leur calibre, c’est une galère. (Rires.) Pour le moment, je suis level 6 avec 1500 d’Elo pour un peu plus de 500 heures de jeu. Ce n’est pas énorme, tout simplement, car je me suis remis à CS:GO sur le tard, notamment durant le premier confinement. Mes 2000 heures d’il y a quelques années sur CSS m’ont quand même bien aidé pour retrouver rapidement un bon niveau.
Qui est le meilleur parmi tous les footballeurs qui jouent avec toi ?Je pense que je peux dire humblement que je suis le plus fort parmi les footballeurs que je connais. (Rires.) Ce n’est pas vraiment une question de skill, mais c’est surtout dû au fait que je regarde tellement de matchs qui me permettent de connaître énormément de principes de jeu. Et lorsque je joue avec Dan, il m’arrive de faire avec lui des petites sessions après nos matchs pour débriefer. On va sur un serveur et il va me montrer du stuff qu’il aime mettre ou ses meilleures strats. Apprendre sur le jeu est un vrai plaisir.
Tu apprécies d’autres types de jeux, notamment les simulations de foot ? Je joue pas mal à FIFA et notamment au mode de jeu FUT. Quand tu joues à FIFA, tu sais à quoi t’attendre, il faut être fort psychologiquement pour ne pas tilt. (Rires.) Les patterns qui vont se répéter et qui vont te donner un sentiment d’impuissance… Par exemple, cette année, en appuyant 2 fois sur R1 avec ton attaquant quand tu arrives devant un défenseur, tu vas faire un grand pont et le passer en vitesse. Si tu es dans la position défensive, c’est tellement frustrant, car tu ne peux rien faire. Le jeu ne te donne pas la chance de te battre à armes égales.
Ça fait quoi de jouer avec son avatar sur FIFA ? C’est sympa de voir comment je ressors graphiquement dans le jeu chaque année. Les joueurs de Premier League ont la chance d’être modélisés avec une équipe d’EA Sport qui vient nous photographier. Quand je jouais en Ligue 1, ce n’était pas le cas pour tous les clubs, du coup ton visage c’était un peu au petit bonheur la chance. L’autre avantage pour les joueurs pros sur FIFA, c’est qu’on possède une carte FUT personnalisée de notre joueur avec 99 de rating. Ma carte regular, on ne va pas se mentir, elle est pas très bonne (77) et je n’aurais certainement pas joué avec.
Tu es passionné d’e-sport, mais aussi de streaming. Qu’est-ce que tu consommes sur Twitch ?En général, je regarde les jeux que je pratique afin de m’améliorer ou de voir d’autres styles de gameplay. CS:GO donc, mais aussi Fortnite dans le passé (pendant la Coupe du monde en 2019) et plus récemment FIFA. J’aime bien voir comment des pros comme Rocky jouent. Et les voir galérer comme nous, ça fait plaisir, on est moins seul. (Rires.) J’ai souvent des petites remarques quand je suis sur Twitch, on me demande pourquoi je regarde des gens qui jouent aux jeux vidéo. Ça me fait rire, on n’est pas encore au stade où c’est complètement démocratisé. Ma réponse préférée, c’est de leur dire qu’eux regardent bien du sport à la TV. Chacun regarde ce qu’il veut en fait. Ce que j’adore sur cette plateforme, c’est l’interaction que l’on peut avoir avec les gens, qu’il s’agisse de supporters, de fans de foot ou tout simplement de curieux. Dans mon métier, je suis souvent isolé de tous ces gens, alors que sur Twitch, c’est direct, je peux leur répondre instantanément.
Malgré le calendrier chargé en ce moment, tu arrives encore à trouver du temps pour Twitch ? C’est sûr qu’avec la reprise et les matchs, c’est compliqué de trouver du temps. Mais j’aimerais bien pouvoir en faire plus. Cette interaction entre viewer et streamer offre tellement de possibilités et de bonnes choses. On voit d’ailleurs qu’un club comme l’OM s’y est mis. Et même certaines personnalités de la télévision, comme Samuel Étienne avec sa revue de presse interactive. C’est l’avenir.
Propos recueillis par Clément Bernard