- Journée internationale de la protection de la couche d'ozone
- Analyse
Naturel ou synthétique, qui est le plus écologique ?
Il y a les pros & cons. Ceux qui estiment le jeu plus rapide, ceux qui dénigrent le comportement du ballon, ceux qui ont peur des blessures et ceux qui veulent jouer en toute saison. Il y a aussi une terre à qui l'on ne demande pas souvent son avis. C'est ballot, c'est sur elle qu'on joue.
« Le synthétique, c’est de la merde. » L’analyse tout en finesse est signée du toujours mesuré Der Zakarian, à la veille d’aller croiser les crampons sur la pelouse du Moustoir de Lorient, en 2014. Il poursuit en précisant sa pensée : « C’est bien pour les gamins, pour les jeunes, mais pour le football de haut niveau, le synthétique, c’est de la merde. » Voilà situé le niveau de son jugement : celui des joueurs de football professionnels. En d’autres termes, une approche technique de la chose synthétique. Quid du point de vue écologique ? L’argument durable est souvent avancé, car difficile à contester dans un XXIe siècle qui se voudrait, enfin, respectueux de l’environnement. Les deux camps ont leurs partisans. Et ils fourbissent leurs armes.
Désinfection et brossage de terrain
Le premier duel se joue sur le terrain de l’entretien. Selon les amateurs et les vendeurs de synthétiques, ce dernier serait non seulement plus économique, mais aussi bien plus respectueux de l’environnement, car ne nécessitant quasiment aucun entretien. Là où la pelouse de papa demande tontes, arrosages, engrais, désherbants, voire chauffage et lumière artificielle en hiver – si papa est exigeant –, le synthétique reste stable. Marc de Golf Green City, qui réalise des surfaces synthétiques pour des golfs ou des terrains de foot, confirme l’idée : « Du point de vue de l’entretien, le synthétique est gagnant : pas de pesticide, pas d’engrais, pas d’eau. Pour un stade en naturel, avec une exigence de qualité élevée, les quantités utilisées sont énormes et les produits utilisés très spéciaux. »
Guillaume, des Gazons d’Île-de-France, signe ses mails « gazonnièrement vôtre » et a logiquement un autre point de vue : « Sur un bon naturel, le désherbant est passé une fois tous les 2, 3 ans. Alors que le synthétique, qui n’évacue pas naturellement des éléments comme les crachats, par exemple, nécessite une désinfection tous les 2, 3 mois. Le synthé’ n’est pas tondu, mais il est balayé pour redresser les poils. Enfin, l’impact de l’engrais n’est pas énorme, quand le granulat de caoutchouc doit être renouvelé régulièrement. Au total, on peut considérer que l’impact est globalement identique sur les 2 surfaces. » Sylvain de Natural Grass, qui a breveté une technologie associant gazon naturel et substrat à base de fibres et de liège, donne une indication énergétique des nécessités d’entretien : « Selon nos études, sur 40 ans, l’entretien d’un synthétique consomme 3 000 gigajoules, celui d’une surface naturelle, 3 500 gigajoules. » Sauf que, sur cette période, un synthétique devra être remplacé en moyenne 4 fois. Ce qui ramène à la problématique de la production d’un synthétique. Et là, c’est une autre histoire.
Du granulat dans les chaussures
Sylvain, dont le gazon breveté équipe les stades de Troyes, Saint-Étienne, Marseille ou dernièrement Bordeaux, donne des chiffres éloquents : « En matière d’effet de serre, la fabrication d’un synthétique va dégager 680 tonnes d’équivalent CO2, alors que le bilan du naturel est une captation de 12 tonnes. C’est que, au cours de sa vie, le naturel va plus que compenser l’équivalent CO2 dégagé pour le faire vivre. » De rerum natura, de la nature des choses. Autre élément à prendre en considération, les déchets : « Le problème numéro 1 du synthétique est le flux de matière, de la fabrication à l’utilisation. On est sur du 500 tonnes de déchets pour le naturel, alors que le synthétique, sur la même période de 40 ans (incluant donc 4 remplacements du synthé, ndlr), produira plutôt 3 800 tonnes. » Dont un paquet de billes de caoutchouc dans les sacs de sport. Si des recherches sont en cours pour rendre le synthétique recyclable, Marc de Golf City Green reste réaliste : « Mouais… ça reste du pétrole. On peut traiter du plastique, hein, on peut récupérer le granulat de caoutchouc, mais ça reste pas super écologique. »
Or, lorsqu’on évoque l’écologie, c’est dans une perspective de développement durable. Soit une approche globale des effets de l’activité humaine. Là où le synthétique se contente de remplir une fonction unique, espace dédié au sport, les surfaces naturelles participent à la vie d’un éco-système. Même en ville, selon Sylvain : « Dans un espace urbain, les espaces végétalisés sont à la fois vertueux pour le cycle de l’eau via la ré-évaporation, facteurs de réduction du phénomène d’îlot de chaleur grâce à l’absorption du rayonnement solaire, et capteurs de polluants atmosphériques, notamment les micro-particules issues des moteurs. Leur augmentation est un véritable objectif à poursuivre pour les villes. » Voilà qui confirme une intuition : le football est bon pour la santé. À condition d’y jouer au naturel.
Par Eric Carpentier