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Nassim Akrour : « On apprend autant des jeunes que des vieillards »
À 44 ans et tous ses crocs, Nassim Akrour a arraché la semaine dernière la victoire du FC Annecy face à la réserve de l’OM en plantant un triplé (4-3, triplé d'Ayoub Ouhafsa pour Marseille). Entretien avec un homme qui ne mourra jamais.
Ça fait quoi de marquer un triplé contre une équipe composée de joueurs qui ont plus de vingt ans de moins que toi ?
Il y en a qui ont 23, 22 ou 20 ans. En tout, c’est entre 20 et 26, c’est sûr que ça fait un coup de vieux. Mais on est toujours jeune quand on joue au foot. J’entends bien que j’ai du vécu, mais, moi, je dis tout le temps qu’on apprend autant des jeunes que des vieillards. De la part des jeunes, j’apprends énormément de leur façon de vivre au quotidien, de leurs délires, leurs joies. Mais là, la semaine dernière, ils n’ont pas hésité à me bloquer, à être physique, à me foutre des coups. C’est normal, c’est le jeu. J’ai été juste plus malin qu’eux ! (Rires.)
Il y avait du répondant du côté de l’OM : Ayoub Ouhafsa a lui aussi planté un triplé.
Il fait partie d’un grand club, alors ce que je lui donnerais comme conseil, c’est de travailler, de tout envoyer pour atteindre le monde professionnel. Il a l’air d’avoir de l’orgueil et il en faut. Sans ça et le boulot, tu ne peux pas aller très loin.
Comment expliques-tu le fait que tu sois aussi performant à 44 ans ?
Si tu ne travailles pas, comment tu veux réussir ? Ça ne vient pas du ciel. Le travail, si tu ne le fais pas, tu restes au stade de l’échauffement.
Y a-t-il aussi un côté « je ne réfléchis pas » dans tout ça ?
La clé pour moi, c’est de prendre du plaisir, ne pas se focaliser sur des choses inatteignables, respecter les consignes, faire les efforts nécessaires, connaître son corps, bien répartir les heures de travail et les heures de repos.
En revanche, l’hygiène de vie importe peu quand tu n’est pas dans le milieu pro. Tu peux te laisser aller niveau bouffe, hein ! Là, on vient de battre la réserve de l’OM, y avait celle aussi à Nice il y a une semaine (victoire 3-1, N.D.L.R.). Moi, ma carrière est derrière moi, donc je viens à l’entraînement le matin avec la pêche, et après c’est que du bonus.
Tu comptes jouer jusqu’à quel âge ?
Pour l’instant, mon corps me dit que je peux continuer. Tu ne peux pas te dire : « J’arrête en cours de saison. » Non, ça ne sert à rien que tu prolonges l’aventure en sachant qu’il y aura une fin peu de temps après. Faut continuer tant que ton corps est aux abonnés présents. Le jour où ton corps te lâchera, ce sera terminé. Après, je dis pas non plus que je m’arrêterai jamais – rassurez-vous –, y a bien un jour où je raccrocherai, c’est bon. (Rires.) C’est que au jour le jour. Là, ça fait 3 journées de national 2, je me sens nickel. Je suis bien !
Depuis plusieurs saisons, tu n’as de cesse de rappeler que tu ne sais pas de quoi demain sera fait. C’est une façon de dire que tu ne t’arrêteras jamais en fait.
Quand t’as 25 ans, c’est normal que tu te projettes vers la C1, le monde pro avec la Ligue 1 ou la Ligue 2. Ça peut paraître fataliste, mais on verra bien ce qui arrivera. J’attends mon heure. L’important pour répéter ce genre de performance, faut péter la forme chaque jour de match, être constant dans son état physique. Si tu dois t’arrêter tous les deux matchs, l’entraîneur ira voir ailleurs.
C’est surtout que tu plantes quand même 15 pions l’an passé en 26 matchs. On a connu pire comme ratio.
On parle des stats. Les entraîneurs ont raison de s’appuyer sur des choses concrètes. C’est dur de garder la confiance sur des éléments totalement aléatoires. Moi, si je commençais à trop penser, je me ferais piquer ma place et ce serait tout à fait logique. Après y a pas beaucoup de jeunes en CFA. Ils visent tous le monde pro. Mais à Annecy, le tour viendra bientôt aux éléments qui le voudront, car un jour surviendra où j’aurai un creux pour ma part. J’ai joué 10 minutes contre Martigues lors du premier match, j’ai pu jouer contre la réserve de Nice. Pour l’instant, ça a l’air de marcher !
Comment ça se passe avec ton coach, Hélder Esteves, qui est quand même de trois ans ton cadet.
On avait joué ensemble à Troyes. On a un rapport amical effectivement. Donc il me connaît, il sait ce dont j’ai besoin, ce que j’ai à gérer. Je suis assez libre là-dessus. Il était déjà entraîneur des U19 il y a 4 ans, et a repris la CFA en 2016.
Par Alexis Souhard