- Coupe de France
- 32es
- Aubagne-Chambéry (1-3)
Nassim Akrour : « Je préfère jouer au football que d’aller courir tout seul »
En 32es de finale de la Coupe de France, le Savoie Football Chambéry (N3) est parvenu à se défaire d’Aubagne (N2) en toute fin de rencontre (3-1). Grâce à qui ? À l’éternel Nassim Akrour. À 48 ans, l’inusable avant-centre continue de performer sur les terrains de football et défiera l’OL au prochain tour. Entretien avec une légende.
Bonjour Nassim et félicitations pour votre qualification ! Comment s’est passé le retour depuis Aubagne ?Nous ne sommes pas rentrés très tard de notre déplacement, à peu près vers une heure et demie. Cela s’est fait dans un très bon état d’esprit. Nous avons rencontré nos supporters par hasard sur une aire d’autoroute, ils ont beaucoup chanté sur l’aire de repos ! Cela a duré une dizaine de minutes. Le groupe s’appelle La Fréga, ils suivent aussi beaucoup le hand (le Chambéry Savoir HB est quatrième de D1, NDLR). Pendant le match, ils ont franchement mis une belle ambiance au stade. Tu avais une tribune et tout autour, c’était ouvert. Il y avait un grillage à passer et un pont pour regarder d’en haut. C’était rempli partout et c’était bien. Ils ont aussi rendu hommage au jeune de l’équipe adverse malheureusement décédé, ils ont déployé une banderole et scandé son nom. Pour un club comme Chambéry, c’est sympa de l’avoir fait. De son côté, Aubagne nous a très bien accueillis, c’était une belle fête des deux côtés.
Pas trop crevé ? (Rires.) Non, je n’ai pas joué longtemps. (Il est entré à la 78e minute.) Mais ça me fait plaisir de voir mes jeunes coéquipiers si contents de ce match. Sans manquer de respect à l’adversaire, cette victoire n’est pas un exploit car notre adversaire jouait un niveau au-dessus du nôtre. C’était une rencontre équilibrée, et nous avons mérité de remporter ce match. L’exploit, c’est d’arriver en seizièmes de finale. Et tout cela me rend content par rapport à ce que nous avons mis en place depuis le début de saison.
Le Savoie Football Chambéry est une équipe plutôt habituée aux épopées en Coupe de France. En début de saison, vous en aviez déjà fait un objectif ?Pas du tout ! La priorité, c’est le championnat. Il fallait s’y préparer, et nous avons connu des hauts et des bas. (Le club est actuellement septième, NDLR.) En championnat, nous avons l’ambition d’aller le plus haut possible et nous avons un gros derby à venir contre Aix-Les-Bains en match en retard. Pour la coupe, les matchs viennent les uns après les autres. Il y a eu de l’engouement au huitième tour, le stade s’est rempli, et de là, c’était parti. Tant mieux, cela permet d’avoir plus de supporters les jours de match.
Quelles sont les grandes forces de votre équipe ? Nous sommes un collectif. Chambéry, c’est un club famille où les gars se connaissent depuis longtemps. Certains sont arrivés il y a un ou deux ans, mais en règle générale, on se connaît tous. Nous effectuons un travail régulier, et notre équipe est cohérente. Il y a des défauts et des qualités, mais je note surtout cette envie de continuer ensemble. Malgré le Covid, l’équipe n’a pas changé à 90%. Cela permet de bosser au quotidien et d’avoir beaucoup d’affinités. Cela dit, il y a beaucoup à faire encore : nous sommes en National 3, donc les efforts à répétition ne sont pas forcément connus de tous. Mais il y a beaucoup de qualité.
Qu’est-ce que tu as analysé depuis le banc de touche chez ton adversaire avant ton entrée en jeu ? Au moment où j’entre, nous menons 2-1. On était un peu acculé dans notre camp, donc il fallait garder le ballon un peu plus haut. Aubagne était une équipe qui ne venait pas trop nous chercher, mais qui avait beaucoup de qualité technique. Ils étaient un peu malades, car ils sont en zone de relégation actuellement (quatorzièmes sur seize équipes, NDLR). Il fallait apporter de la technique, bien garder le ballon. Notre troisième but leur a mis un coup sur la tête. Nous avons bien travaillé tactiquement pour les mettre en difficulté.
Tu as offert une passe décisive sur ce fameux troisième but, à 48 ans et 182 jours. Qu’est-ce qui te pousse à continuer à jouer au football ? Ce sont ces moments-là. Les jambes, aussi. Et puis en fin de compte, la passion de ce sport. Les enfants doivent bien comprendre cela avant de penser à devenir professionnel : à la base, le football n’est qu’un jeu. Il faut penser au jeu et à se faire plaisir, à s’amuser. C’est comme cela qu’on y parvient. Il faut avoir un facteur chance, mais aussi ne jamais perdre de vue le fait de jouer. Parce qu’une fois que tu t’arrêtes, c’est fini. Je préfère jouer au football que d’aller courir tout seul. Bon, de temps en temps avec des copains, je vais jouer au tennis. Mais voilà, ce ne sont déjà plus les mêmes années où je m’entraînais tous les jours à haute intensité… Entre le monde pro et celui des amateurs, il y a un gouffre. En revanche, je prends autant de plaisir dans les deux mondes.
Le tirage au sort vous réserve l’OL pour le prochain tour, un club que tu as déjà affronté par le passé…(Il coupe.) Pour l’anecdote, on a vécu le tirage directement dans le vestiaire, avant d’aller à la douche. Chambéry est tombé très vite et, dès que l’OL est apparu dans la foulée, tout le monde a sauté ! Je suis très content pour eux. Sincèrement, j’espère que nous allons jouer dans un beau stade, le nôtre n’est pas homologué pour la Ligue 2. Jouer à Grenoble, pourquoi pas… Essayons peut-être de l’inverser aussi. Ce serait un beau cadeau pour les joueurs et supporters de jouer au Parc OL.
Mais le Stade des Alpes obligerait l’OL à jouer un peu plus à l’extérieur… Ah, mais Grenoble, ça m’arrange, j’habite là-bas ! Et personnellement, je ne jouerais pas à l’extérieur, ça c’est sûr ! (Rires.) Je suis à la maison. Bien entendu, nous avons envie de passer, et tout le monde en serait ravi. Mais si tu joues une Ligue 1 et pour leur bonheur à eux, voir un peu de monde et découvrir une pelouse… Les gars attendaient ce tirage avec impatience et c’est arrivé. Après, ça va dépendre des présidents, des mairies, de plein de choses.
Et tu crois en vos chances ? C’est une équipe de Ligue 1 en Coupe de France, sur un match. Ça va dépendre comment est Lyon sur le moment. Lyon est favori, mais nous avons une chance de passer en huitièmes, aussi minime soit-elle. Nous avons bien vu ce week-end que certaines équipes de Ligue 1 se sont fait éliminer… Il faut se concentrer sur notre prochain match, la suite, on verra bien.
Tu avais même déjà affronté Lyon en Coupe de France (le 8 janvier 2006, défaite 4-0 avec le GF38, NDLR). À l’époque contre l’OL, il y avait les jeunes Karim Benzema et Hatem Ben Arfa sur le terrain… Ton objectif, c’est de terminer ta carrière après eux ? (Rires.) Non ! Ma carrière pro est terminée depuis 2013, maintenant je profite du moment. Les deux ont eu une très belle carrière, tant mieux pour eux. Je n’ai pas de réponse à donner sur ce sujet, je ne me fixe pas de limite. Je prends du plaisir, j’en discute avec l’entraîneur Cédric Rullier, et tant que je peux m’entraîner, c’est très bien. Et quand ça ne va plus, il faut savoir s’arrêter.
Nassim Akrour au Stade de France à 48 ans… Tu y penses un peu quand tu vois ton équipe qualifiée pour les seizièmes de finale de la Coupe de France ?Sincèrement ? Non. J’y pensais il y a longtemps en Ligue 1, quand nous avions perdu notre demi-finale à domicile contre Rennes (21 avril 2009, défaite 1-0, NDLR). On était à deux doigts d’aller au Stade de France. Mais là, pas du tout. Ce ne sont que des rêves, mais j’espère que les garçons y pensent quand même. Et après réflexion, je ne suis jamais allé au Stade de France.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix