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Nasser Sandjak : « Les mecs ont la rage »
Quand il quitte Noisy-le-Sec, c’est en général pour qualifier une équipe algérienne pour la finale de la Coupe de la CAF. En 2000, il l’avait remportée avec la JS Kabylie. Nasser Sandjak vient de refaire le coup avec le MO Bejaïa, dont c’est la première participation à une compétition continentale, et qui vient de sortir le FUS Rabat en demi-finales (0-0, 1-1). Le tout au terme d’un parcours épatant, entre voyages interminables et galères financières.
En 2000, vous aviez gagné la Coupe de la CAF face aux Égyptiens d’Ismaïly (0-0, 1-1)…(Il coupe) Oui, mais cela n’a rien de comparable avec ce qu’on vient de faire avec le MO Bejaïa (la finale aura lieu les 29 octobre et 6 novembre contre le TP Mazembe, ndlr). La JSK, c’est un grand club, qui avait déjà remporté plusieurs titres africains. Le MOB est monté pour la première fois en Ligue 1 en 2013. En 2015, il a remporté la Coupe d’Algérie et a terminé deuxième. Tout va vite. Quand je suis arrivé il y a quatre mois, le club traversait une période difficile.
C’est-à-dire ?Il y avait eu l’élimination en Ligue des champions face à Zamalek (0-2, 1-1), à la suite de laquelle le MOB a été reversé en Coupe de la CAF. Après ce revers, des dirigeants sont partis, puis des joueurs, dont les contrats n’avaient pas été renouvelés. Il y avait des tensions avec les supporters. Je suis arrivé juste après la qualification face à l’Espérance Tunis en play-off de la Coupe de la CAF (1-1, 0-0). Je me suis demandé où j’avais mis les pieds. Dans ce genre de situations, soit tu te barres, soit tu restes pour essayer de faire quelque chose. Je suis resté, en faisant venir un staff et quelques joueurs. Et puis, Bejaïa, c’est la région de mes parents. Alors…
En phase de poules, vous vous retrouvez dans un groupe avec le TP Mazembe (RD Congo), Medeama (Ghana) et Young Africans (Tanzanie)…
Oui, avec que des voyages longs et difficiles. Nous avons eu droit à tout. Pour aller à Lubumbashi, l’agence qui s’occupait de nos déplacements nous a fait passer depuis Alger par Dubaï, Johannesburg et Kinshasa. Quand tu arrives à Lubumbashi après plus de vingt-cinq heures d’avion, tu ne sais plus où tu es ! Il y a aussi eu des moments où les joueurs ont dû dormir par terre, dans les aéroports, entre deux vols. Et quand tu arrives dans les stades pour les matchs, c’est compliqué aussi. Il fait souvent hyper chaud, certaines pelouses sont en mauvais état, etc. Mes joueurs ont découvert ça. Avant mon arrivée, lors des premiers tours en Ligue des champions, ils avaient quand même sorti Ashanti Gold (Ghana, 0-1, 3-1) et le Club africain de Tunis (0-1, 2-0). Mais ce qu’ils ont fait dans cette poule, c’est beau.
Sans marquer ni encaisser beaucoup de buts…Deux buts pour, deux buts contre. OK, je n’ai pas l’équipe la plus talentueuse. Les gars sont jeunes, il n’y a pas un international algérien. On a un Tchadien, Morgan Bétorangal, qui joue pour son pays, un international malien des moins de vingt ans, Sidibé. Mais quel cœur ! Quelle énergie. Les mecs ont la rage. On l’a vu lors de la demi-finale retour à Rabat, quand on égalise à la fin du temps additionnel. Les Marocains (entraînés par Walid Regragui, ndlr) jouent bien, prennent des risques. Tactiquement, c’était fort, mais il leur manquait peut-être quelques joueurs pour faire la différence.
Il paraît que votre public est chaud-bouillant ?
C’est impressionnant. Le stade n’est pas très grand (15 000 places, ndlr), mais c’est une marmite. C’est un public de ouf ! Les supporters mettent une pression pas possible. Et cela transcende les joueurs. Si on est allé si loin, on le doit aussi à notre public. Il me rappelle le Furiani des grandes heures. Bon, maintenant, les gens sont persuadés qu’on va taper facilement Mazembe en finale… Eh, on parle d’un des plus grands clubs d’Afrique !
Oui, mais à force de sortir des grosses équipes, vous faites tout pour élever le niveau d’exigence de vos supporters…C’est vrai. Mais le favori, c’est Mazembe. D’ailleurs, on va jouer la finale aller non pas à Bejaïa, mais à Blida, le stade où l’équipe nationale ne perd pas. Et on va la préparer à Sidi Moussa, le centre technique national. Mohamed Raouraoua, le président de la Fédération algérienne, l’avait déjà mis à notre disposition avant la demi-finale. On va aller à Lubumbashi en vol direct. Et notre calendrier au niveau local a été aménagé. Et depuis qu’on a validé la qualification pour la finale, c’est fou ce que j’ai comme nouveaux amis (rires) !
Est-il exact que le club traverse de sérieuses difficultés financières, avec des salaires qui ne sont pas versés dans les temps ?En effet. Et pourtant, les joueurs sont exemplaires. Cette finale va peut-être apporter une manne financière. Bejaïa, c’est un pôle industriel, il y a de l’argent. Il va falloir qu’on discute avec les dirigeants, dont le nouveau président, Zahir Atia, pour parler d’avenir. Il va falloir améliorer les conditions de travail. Payer les salaires à temps. Faire venir trois ou quatre joueurs au mercato estival. Car la Coupe de la CAF, c’est beau, mais on a un championnat à jouer. Pour l’instant, nous occupons la quinzième place (sur seize, ndlr), avec des matchs en retard. Il va falloir assurer le maintien. Moi, je suis entraîneur, pas magicien.
Vous avez signé un contrat d’un an, éventuellement renouvelable. Mais on sait qu’un jour ou l’autre, on vous retrouvera à Noisy-le-Sec. Comme disait Jacques Chirac, « on revient toujours à la grotte… »
(Il se marre) Noisy, c’est mon bébé. J’ai contribué à faire grandir ce club depuis les années 80, quand il évoluait dans les petites divisions. On a joué en National, et aujourd’hui, l’ambition est de retrouver le CFA. Je suis encore impliqué dans la vie du club, en ce qui concerne le recrutement, par exemple. Mais je ne m’occupe pas de la composition d’équipe, attention. Oui, un jour, j’y reviendrai.
Propos recueillis par Alexis Billebault