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Nasser al-Khelaïfi, le dernier rescapé
Depuis plus de dix ans, Nasser al-Khelaïfi, le président du PSG, résiste à toutes les crises et les déceptions. Jusqu'à quand ?
Il ne faut jamais s’attendre à des propos passionnants quand Nasser al-Khelaïfi, plutôt rare devant les micros, décide de s’arrêter devant la presse après une victoire du PSG. C’était le cas au Vélodrome il y a moins de deux semaines, à une époque où l’espoir d’une saison plus réussie que la dernière existait encore, ce qui avait poussé le dirigeant parisien à venir causer du « vrai visage du PSG », « des choses positives », du « grand match de Kylian » ou encore de renouveler sa « confiance » en Christophe Galtier après le large succès contre l’OM (0-3). « J’ai toujours confiance, spécialement pour ce match (le retour contre le Bayern prévu dix jours plus tard), avait-il alors conclu en activant le mode Bisounours. Je veux donner beaucoup de confiance aux joueurs aussi, pour tout le monde, et vous aussi les médias. Comme ça, vous parlez de manière un peu plus positive de nous. »
Aujourd’hui, il ne reste encore une fois plus grand-chose de positif au Paris Saint-Germain, qui a pris la porte en Ligue des champions dès les huitièmes de finale, sans regrets ni panache. Ce mercredi soir, le président du club est resté silencieux, laissant le soin à Galtier, Mbappé et d’autres de venir expliquer ce nouvel échec prévisible face aux méchants médias trop négatifs, ce qui l’aura au moins empêché de raconter n’importe quoi et de s’enfoncer. Comme chaque année ou presque, il sera tentant – voire obligatoire – de trouver des responsables, virer des gens et d’annoncer une énième révolution pour rallumer la flamme. Plus de 24 heures après la nouvelle déception européenne, mise évidemment sur le dos de l’entraîneur, du directeur sportif, de Neymar, de Marco Verratti – qui ont tous leur responsabilité -, il faut également pointer du doigt celle de Nasser al-Khelaïfi, le dénominateur commun de cette ribambelle de désillusions depuis 12 ans.
Et à la fin, il ne reste que Nasser al-Khelaïfi
Depuis le début de l’ère QSI en 2011, il est l’homme qui incarne le projet ambitieux promis à ce PSG nouveau riche et décidé à se donner les moyens de s’asseoir à la table des géants historiques du football européen. Très vite, il y a eu des grandes promesses, comme celles de se donner cinq ans pour remporter la Ligue des champions, la quête ultime, ou de former le nouveau Lionel Messi. Plus d’une décennie plus tard, Paris ne s’est invité qu’à deux reprises dans le dernier carré de la C1 et s’est donc offert Messi, le vrai, le vieux, à défaut de parvenir à le cloner. Au fil des années et des échecs, de nombreux fusibles ont sauté, à commencer par les entraîneurs, tous devenus méconnaissables à force de tourner dans la machine à laver parisienne et quasiment tous redevenus brillants après l’avoir quittée. À la tête des affaires sportives, Leonardo est parti, puis il est revenu, puis il est reparti. Un seul homme est resté et semble traverser les crises sans jamais être menacé : Nasser al-Khelaïfi.
De temps en temps, souvent à la fin du printemps, le dirigeant de 49 ans sort du bois pour donner une longue interview à un média national dans laquelle il promet des changements, voire une révolution, comme pourrait le faire un candidat à l’élection présidentielle sachant pertinemment que ça n’arrivera pas. En 2019, il avait ainsi mis un coup de pression aux joueurs dans France Football, s’agaçant des « comportements de stars. » Rebelote, par exemple, en juin dernier dans Le Parisien lors d’un grand entretien où il expliquait ne plus vouloir « du flashy, du bling-bling, c’est la fin des paillettes. On a fait de grandes choses depuis onze ans, mais chaque année, on doit se demander comment progresser, comment être meilleurs. » Ce discours pourrait être celui du président fort d’un club fort si le Paris Saint-Germain ne facturait pas une masse salariale record dans l’histoire du foot (728 millions d’euros, soit une hausse de 45% par rapport à la saison précédente) et ne répétait pas les mêmes erreurs échec après échec. Après plus de dix ans passés à collectionner les trophées nationaux et à diriger le club le plus puissant de l’Hexagone, NAK devrait incarner la réussite plus que la lose, et ce n’est pas du tout le cas tant il ressemble parfois plus à un président fantoche qu’au véritable patron du PSG. Il a bien sûr subi à plusieurs reprises des décisions venues d’en haut, mais il en a aussi pris des mauvaises quand il le pouvait, comme celle de nommer Patrick Kluivert directeur du football en 2016, « notamment parce qu’il le trouvait sympa quand il le rencontrait dans les couloirs de beIN », raconte L’Équipe.
Le départ de Nasser est-il possible ?
Il ne faut pas se tromper, Nasser al-Khelaïfi reste un jeune loup dans le milieu du foot (qui ne ressemble à aucun autre), à côté par exemple de Jean-Michel Aulas, certes dépassé aujourd’hui, mais dont le Qatarien n’a jamais atteint la stature d’antan. Le projet sportif n’est pas non plus la priorité absolue de cet homme d’affaires aux multiples casquettes. S’il siège naturellement depuis septembre 2020 au Bureau de la LFP, où il fait partie des cinq vice-présidents (avec Loïc Féry, Waldemar Kita, Philippe Piat et Pierre Repellini), il possède surtout de trop nombreuses casquettes pour ne penser qu’au PSG. En plus de sa fonction au sein du club de la capitale, NAK est également président de beIN Media Group, QSI et Digiturk. Cet amoureux de la petite balle jaune dirige aussi la Fédération qatarienne de tennis, squash et badminton et s’occupe par ailleurs de la promotion du padel, sans oublier sa nomination comme président de l’ECA après la tentative de création de la Superligue en 2021. Une aubaine pour exercer son influence auprès de l’UEFA, alors que sa mission de soft power pour (re)dorer l’image du Qatar en France et en Europe, peut-être sa principale d’ailleurs, est une réussite.
Nasser al-Khelaïfi ne fait sans doute pas tout mal, et il est devenu, par la force des choses et des investissements, un personnage important du football français. Cette nouvelle élimination en huitièmes de finale de Ligue des champions pourrait-elle lui être fatale ? Il n’a en tout cas jamais semblé sous la menace, comme s’il n’était même pas un potentiel fusible. Ce qui peut s’expliquer par sa proximité avec le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, le propriétaire du club. « Celui qui a l’oreille de l’émir, c’est vraiment Nasser, nous expliquait au printemps dernier Raphaël Le Magoariec, chercheur et doctorant en géopolitique et coauteur de L’Empire du Qatar, le nouveau maître du jeu ? Peu de personnes autour de l’émir ont la stature internationale développée par Nasser, ce qui fait qu’il est difficile à remplacer. Repartir sur un Qatari, ça ferait le même développement et un retour à zéro. La décision finale revenant toujours au Qatar. Et remettre en cause l’émir, c’est infaisable. Le PSG pourrait réussir s’il déléguait l’institution PSG à une personne ancrée dans le football français, qui n’a pas une lecture internationale du football et qui peut se concentrer sur le tissu sportif parisien. » Une telle restructuration ne semble pas d’actualité, et il faudra attendre les prochaines semaines, les prochains mois, pour voir de nouvelles promesses lâchées entre deux têtes qui tombent. Il y aura de l’espoir, encore, et des déceptions, encore, à moins d’un vrai changement de philosophie, et au bout du prochain tunnel, un homme inamovible : Nasser al-Khelaïfi.
Par Clément Gavard