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Naples, la guerre des gadgets
À l’approche du Scudetto, les stands de gadgets estampillés Napoli Calcio ont explosé dans la citée parthénopéenne et ses alentours. Tout cela non sans tension, puisque certains vendeurs à la sauvette se font traquer par la Guardia di Finanza, tandis que d’autres se disputent ce business parallèle armes à la main.
Chaque matin, c’est désormais le même manège sur les trottoirs de Naples. Sur les coups de 9 heures, les premiers vendeurs ambulants installent leur stand de gadgets en vue d’un Scudetto promis. C’est le cas de Ciro (1), dont le coffre de la bagnole est rempli de drapeaux. « On est sur une rue qui dessert plusieurs quartiers de la ville, et chacun d’entre eux a commencé à se parer de bleu, donc on a juste anticipé la demande », confesse-t-il la clope au bec, tout en fixant un énorme drapeau d’Osimhen et Kvaratskhelia à un poteau. Ce n’est pas le seul à avoir flairé le bon filon, puisque les bazars, les kiosques et les échoppes sommaires vendant des gadgets du Napoli poussent comme des champignons. « Certains drapeaux vont nous permettre de décorer le balcon, confie Angelo, alors qu’il s’apprête à lâcher un bifton de 20 euros à Ciro. Les autres serviront quand on défilera dans la ville pour fêter le Scudetto » Le Napoli compte 19 points d’avance à 11 journées de la fin et, avant d’affronter le Milan dimanche, la fête finale excite déjà les locaux. Ceux-là ont commencé à décorer Naples et ses environs afin que tout soit prêt le 4 juin prochain, après l’ultime danse contre la Sampdoria, au stade Diego-Armando-Maradona. Problème, ce petit business parallèle, auquel la mafia participerait allègrement, est dans le viseur des autorités et du club napolitain.
La chasse est ouverte
Il faut dire que le troisième Scudetto napolitain, qui pourrait être scellé mathématiquement lors du derby contre Salerne le 29 avril, est un bon moyen de se faire du pognon. C’était déjà le cas lors des deux précédents titres du Napoli dans les années 1980, puisque selon Christian Bromberger, auteur en 1995 du Match de football : ethnologie d’une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, plus d’un million d’objets avaient été vendus lors de chaque titre. Cette année, les chiffres risquent donc d’être encore plus hallucinants, d’autant que la vente des gadgets a commencé dès le mois de février, à un moment où une grande majorité des tifosi locaux ne voulaient même pas encore parler de titre. Drapeaux, tee-shirts, casquettes, écharpes, fanions, coussins : ces objets célébrant le futur titre de champion d’Italie sont partout et quasiment tous les mêmes.
En revanche, il se dit que leur prix peut varier en fonction du moment de la semaine où ils sont vendus, et en fonction des acheteurs. « C’est peut-être le cas dans les quartiers espagnols, ou dans d’autres endroits très touristiques de la ville, mais ici il n’y a pas de prix à la tête du client », affirme Ciro. Cela n’empêche pas les autorités de vouloir mettre fin à ces ventes à la sauvette de produits non officiels. Et cela a commencé dès le mois de décembre, quand la Guardia di Finanza est intervenue au largo Maradona, ce lieu de culte dédié au Pibe de oro dans les quartiers espagnols. Sur place, la police douanière et financière italienne a saisi plus de 600 contrefaçons, et adressé une amende aux fautifs, qui ont essayé de trouver un arrangement, en vain. « Si les activités de commerce et de merchandising se développent autour de la figure du champion connu et disparu, c’est un enrichissement pour tous, affirme Teresa Armato, la conseillère au tourisme du maire napolitain Gaetano Manfredi. Mais cela doit se faire dans le respect de la légalité et des règles. »
La mafia s’en mêle
Malgré l’intervention de la Guardia di Finanza au largo Maradona, les ventes à la sauvette de gadgets, qui viendraient pour beaucoup de Chine, n’ont fait qu’augmenter depuis que le club se rapproche du titre tant attendu. Que ce soit à Naples, mais aussi dans les villes avoisinantes. Comme à Herculanum, où 500 drapeaux et écharpes ont été saisis le 14 mars. Le lendemain, la ville antique située à une dizaine de kilomètres au sud de Naples a même été le théâtre d’une querelle digne du Far-West. Peu après 11 heures, près des Scavi, l’ancien fief d’un clan mafieux et actuelle place de deal, deux hommes connus des services de police ont sorti gun et fusil pour se disputer un bout de trottoir sur lequel ils voulaient vendre leurs produits dérivés. Le plus âgé des deux a aussi été le plus rapide, touchant l’autre vendeur à la main et à la hanche, avant de s’enfuir. Tout ça, la veille de la promenade anti-camorra organisée à l’occasion de la 28e Journée du souvenir et de l’engagement en mémoire des victimes innocentes de la mafia.
La mafia, justement, aurait elle aussi flairé le bon coup. Et d’après les enquêteurs, certains vendeurs à la sauvette seraient contraints par des cellules mafieuses de s’approvisionner auprès d’elles, et de leur verser un pizzo (un paiement de protection, NDLR). Comme à la Pianura, un quartier de la périphérie occidentale de Naples où la tentative d’un des groupes locaux d’imposer un pot-de-vin aux vendeurs aurait relancé des querelles de territoire. En effet, toujours selon les autorités et Il Mattino, à la suite de ce racket, deux clans mafieux auraient rompu leur accord de paix, provoquant un raid armé dans le quartier. Une explosion de violence inattendue, surtout au regard du business initial, qui a fleuri grâce à l’excellente saison réalisée par le club d’Aurelio De Laurentiis. Ce dernier ne voit pas tout cela non plus d’un bon œil, puisque ces vendeurs de gadgets à la sauvette se font de l’argent sur le dos de sa société. « Nous nous constituons partie civile, comme l’a demandé le président De Laurentiis dès le début, affirmait au Mattino Fabio Fulgeri, avocat pénaliste napolitain et défenseur historique du club. Nous suivons désormais près de 100 procès par an, qui augmenteront en fonction des saisies effectuées ces jours-ci. » En espérant qu’après le titre, le club ne se fera pas non plus piller ses meilleurs éléments. Car cela serait mauvais pour les affaires de tout le monde.
Naples résiste à l’Inter et garde sa première placePar Maxime Renaudet, à Naples
Tous propos recueillis par MR.
(1) Son prénom a été changé à sa demande.