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Naples, à quoi bon le foot maintenant que Diego Maradona est parti ?
Diego Maradona est parti, et Naples se retrouve orpheline du plus grand joueur, voire du plus grand personnage public de son histoire. La cité parthénopéenne va désormais devoir se figurer un monde sans le Pibe de Oro. Symboliquement, c'est une toute nouvelle page de la destinée du club et de la ville qui s'écrit en Serie A ce dimanche soir face à la Roma.
C’est l’histoire d’un type qui est partout. Sur les murs de la ville. Dans un musée, qui lui est dédié. Dans le recoin d’une impasse, dans une des innombrables petites chapelles qui lui sont consacrées. Et surtout, qui habite l’esprit de chaque Napolitain. À Naples, Diego Armando Maradona n’est pas qu’un joueur de football, mais la matrice d’un récit qui a nourri l’inconscient collectif et qui se transmet de génération en génération. Le club n’a plus jamais été le même avec lui, il ne sera plus jamais le même sans lui. Comment le Napoli va-t-il bien vivre après Diego ? Pour se figurer quelques éléments de réponse, il faut peut-être commencer par jeter un coup d’œil dans le rétroviseur.
« Maradona nous a rapprochés du possible »
En un sens, Naples a déjà perdu Maradona une fois. C’était le 17 mars 1991, date du contrôle positif de Diego à la cocaïne. Le joueur est alors suspendu quinze mois. Sa carrière italienne est finie, sa romance avec le Napoli aussi. Alors que Maradona s’envole pour l’Espagne et Séville où il sera transféré en 1992, Naples ne perd pas seulement le meilleur joueur de son histoire : l’équipe dit adieu à son protagoniste principal, celui qui a transmuté à lui seul le récit populaire du club et de la ville dans les années 1980. Maradona a vu Naples, et l’a montré au monde. Évidemment, le talent n’entre pas seul en compte ici. Il y a d’abord cette alchimie innée qui se crée entre leDiez, ce génie du bas originaire de la banlieue pauvre de Buenos Aires, et les Napolitains, ces « terroni » (culs terreux) méprisés par le Nord. Maradona, c’est la preuve que les hiérarchies sont mouvantes. Que les limites sont franchissables. Cette rébellion contre la Juve, le Milan, l’Inter, bref, les clubs nantis, on la vit au San Paolo. Elle est condensée dans un mètre 65 de talent pur. Ce n’est ni un rêve ni une chimère. El Diez est aussi réel que les glorieux trophées qu’il remporte avec le club azzurro.
Autant de sensations nouvelles pour les tifosi du Napoli, un club dont le palmarès était vierge de trophée majeur auparavant. « Nous étions des enfants, nous étions naïfs, lui aussi était un enfant et il jouait avec nous, pour nous, décrivait, dernièrement, le journaliste napolitain Gianni Montieri. Était-ce juste du football, ou pas ? Je ne crois pas. Quand je rassemble mes souvenirs, il me semble clair que la présence de Maradona nous a permis à nous, Napolitains, de relever la barre, de hausser nos attentes vers l’avenir. L’Argentin nous a montré, dimanche après dimanche, que, du monde imaginaire au monde réel, il y avait un écart minimum, un petit seuil à franchir, il fallait avoir confiance et fantasmer mieux, rêver plus. Maradona nous a rapprochés du possible. Car c’était un champion, qui était aussi l’un des nôtres. » Puisque ce n’était « pas juste du football », Naples ne se remettra jamais tout à fait du départ de Diego. Les années 1990 et le début de la décennie 2000 sont compliquées. La politique sportive du club ne tient plus la route. Sans Maradona pour le guider, le Napoli se perd plusieurs années en Serie B avant de carrément se déclarer en faillite en 2004. Il faudra attendre l’arrivée d’Aurelio de Laurentiis à la tête du club pour voir Naples enfin repartir de l’avant, et retrouver un standing footballistique digne de ses tifosi comme de son histoire.
Célébrer le passé, construire le futur
Néanmoins, Naples n’a jamais retrouvé de héros de la dimension de Maradona. Mais le club italien pouvait toujours s’accrocher aux paroles du Diez, qui gardait un œil amoureux sur le club et commentait son actualité. À des milliers de kilomètres de Naples, Maradona continuait d’entretenir la flamme avec les Azzurri. L’histoire n’était pas finie, pas tout à fait. Diego pouvait y ajouter quelques annexes au gré de ses envies, et il y avait quelque chose de rassurant là-dedans pour les tifosi partenopei. Leur légende veillait sur eux. Désormais, elle s’est éteinte. Pour une deuxième et dernière fois, Naples a perdu Maradona. Pour une deuxième et dernière fois, Naples a dû lui dire au revoir. Ce jeudi, aux abords du San Paolo et dans les rues de la ville, des milliers de supporters ont communié – parfois fumigènes au poing – en chantant « Ho visto Maradona, ho visto Maradona » à l’unisson. Et après ? Après, il y a un club devenu structurellement fort, beaucoup plus que dans les années 1990, où le départ de Maradona avait été pour Naples le début de la fin. Ce ne sera pas le cas, cette fois-ci. Cette fois-ci, Naples peut à la fois célébrer son passé, pleurer son idole et regarder vers l’avenir. Peut-être même en soulevant prochainement un nouveau Scudetto dans son stade, qui devrait être rebaptisé Diego Armando Maradona. Un stade où l’on pourra continuer de jubiler après un but de Dries Mertens, tout en se remémorant à la mi-temps qu’entre 1984 à 1991, Dieu existait. Il était napolitain.
Par Adrien Candau
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