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Naples : 33 ans, l’âge de l’irruption

Par Maxime Renaudet, dans la fournaise napolitaine

Ça y est ! Un pion de Victor Osimhen à Udine a permis aux enfants du Vésuve d'être sacrés champions d’Italie pour la troisième fois de leur histoire. Un sacre qu’ils ont célébré partout dans la ville, et jusqu’au bout de la nuit. Récit de cette nouvelle soirée de folie.

Naples : 33 ans, l’âge de l’irruption

Certains ne pensaient pas le vivre une seule fois dans leur vie. Ceux qui avaient connu les sacres de 1987 et 1990 n’en reviennent encore qu’à moitié. Pourtant, ce jeudi soir, cela ne fait plus aucun doute, le Napoli est sur le toit de l’Italie, et la ville s’embrase enfin pour de vrai. Notamment Piazza del Plebiscito, où une marée humaine s’est donné rendez-vous après le nul obtenu quelques minutes plus tôt sur la pelouse d’Udine (1-1). Le Palais royal et la basilique San Francesco di Paola ou la fontaine del Carciofo, elle aussi prise d’assaut, ne sont pas en reste et deviennent le réceptacle de cette effusion de joie historique. « Mes parents me parlent depuis tout petit de 1987 et 1990, et du bordel que leurs célébrations avaient créé, explique Fabio, un Napolitain de 25 ans accompagné de trois potes bientôt trop éméchés. Aujourd’hui, c’est à notre tour de vivre ça, et on ne va pas faire les choses à moitié. »

La rançon de la gloire

Alors que la météo était plus normande que napolitaine ces derniers jours, le soleil a fait son retour ce jeudi, recouvrant ainsi la ville d’un ciel bleu azur dans lequel semble se refléter la centaine de milliers de drapeaux et banderoles accrochés dans la cité. Dans les rues, la fête est déjà palpable à chaque coin de rue, et dès midi, des rumeurs de chants s’échappent des ruelles étroites et tortueuses de la ville, faisant parfois concurrence au brouhaha des klaxons et des pétards, deux institutions ici à Naples. Longtemps moquée, voire rejetée par le nord de l’Italie, la capitale de la Campanie est donc sur son 31, et elle n’attend désormais plus qu’une chose : obtenir un point face à l’Udinese, et savourer ce troisième Scudetto acquis 33 ans après le dernier. « Si le titre conquis avec Maradona était le premier des miracles, celui-ci n’est pas en reste, expliquait à l’ANSA Valentino De Angelis, curé de l’ancienne église de Santa Maria dei Miracoli, dans le quartier de la Rione Sanità. Sa conquête, toujours avec l’aide de la main de la Vierge, est certainement aussi une forme de rançon pour les gens de Naples ».

Après avoir vu notre ville comme ça, et vécu ce titre inespéré, je crois qu’on peut mourir tranquille.

Alessio, supporter napolitain

Une rançon bien méritée pour les Napolitains qui, depuis le retour de leur club en Serie A, ont dû se contenter de trois Coupes d’Italie, une Supercoupe, et quatre deuxièmes places (2013, 2016, 2018, 2019). Un palmarès de perdants qui explique aussi la joie des locaux vis-à-vis de ce Scudetto remporté cinq journées avant la fin du championnat, mais qui ne les fait pas douter une seconde quand l’Udinese ouvre le score à la 13e minute jeudi soir. Au Mezzocannone Occupato, un centre social ouvert il y a une dizaine d’années et où les matchs du Napoli sont retransmis gratuitement, le pion de Sandi Lovrić ne change presque rien à l’atmosphère. Au contraire, les fumigènes et les chants à la gloire du Napoli s’intensifient, et après l’entracte, quand Victor Osimhen égalise, c’est l’explosion de joie généralisée. Plus personne ou presque ne regarde l’écran géant, et tout le monde réfléchit déjà à quitter les lieux pour rejoindre les places fortes de la cité. Ça y est, la fête peut commencer.

Fontaine de jouvence

Après le coup de sifflet final synonyme de libération, direction donc la Piazza del Plebiscito, où la basilique San Francesco di Paola est illuminée de bleu. C’est là qu’une majorité de supporters s’est donné rendez-vous après le sacre. Et c’est là aussi que les tifosi présents au stade Diego-Armando-Maradona (où des écrans géants étaient mis à disposition des supporters) semblent converger. Mais avant de pouvoir accéder à la plus grande place de la ville, il faut jouer des coudes et se faufiler à travers la marée humaine qui festoie sous les yeux des militaires postés ici et là afin d’éviter que les monuments historiques ne soient escaladés. Raté, la fontaine du Carciofo (l’artichaut en VF) – dominée par une publicité de lingerie féminine en l’honneur des Azzurri – n’est plus qu’une masse grouillante d’où partent des fumigènes et des feux d’artifice qui tapissent le ciel de rouge. Il est alors bientôt minuit, et la fête du Scudetto tant attendue ne fait que commencer.

Une fête qui s’intensifie à mesure que les minutes passent, et que les bières se vident. Visiblement pas tout à fait prête pour le grand soir, la seule épicerie de nuit encore ouverte aux abords de la Piazza del Plebiscito est elle aussi prise d’assaut. Ce qui n’empêche pas les Napolitains de garder le sourire et de s’époumoner en chœur sur la célèbre chanson Sarò con te. « Cette soirée est vraiment exceptionnelle, analyse Alessio, qui arbore une fine moustache et un maillot de Kvaratskhelia. Après avoir vu notre ville comme ça, et vécu ce titre inespéré, je crois qu’on peut mourir tranquille. » Hélas, c’est ce qui est arrivé ce jeudi soir à Vincenzo Costanzo, un Napolitain de 26 ans décédé à l’hôpital Cardarelli après avoir reçu une balle Piazza Volturno. Outre ce décès, Naples dénombre ce vendredi plus de 200 blessés, dont une majorité liée aux pétards et aux feux d’artifice tirés. Ce qui n’a pas pour autant gâché la fête, qui s’est poursuivie toute la nuit, et va se prolonger encore jusqu’au 4 juin, date de la 38e et dernière journée de championnat qui verra le Napoli recevoir la Sampdoria au stade Diego-Armando-Maradona. En attendant, les Napolitains se sont réveillés ce vendredi matin avec une belle gueule de bois, mais avec un troisième Scudetto inscrit à jamais dans l’histoire d’une ville qui a encore prouvé qu’il est difficile en Europe de faire mieux en matière de foot et de ferveur populaire.

Dans cet article :
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Tous propos recueillis par MR, sauf mentions.

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