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Nantes : le flou du spectacle

Par Jérémie Baron
6 minutes
Nantes : le flou du spectacle

Vainqueur de Nice en finale de Coupe de France ce samedi (1-0), le FC Nantes a brisé deux décennies d'échecs et de tourments pour faire bouillir la cité des ducs de Bretagne le temps d'un week-end, et redonner une bonne dose de fierté à ses supporters. Le tout dans un contexte toujours aussi flou, aussi bien sportivement qu’en ce qui concerne la direction. Car tout cela, a priori, ne suffira ni à oublier la fracture entre les tribunes et les Kita, ni à déloger ces derniers de leur tour d'ivoire.

C’était inespéré, mais les supporters du FC Nantes arrivés au nouveau millénaire ont enfin eu droit à leur shoot de dopamine. Une nouvelle génération de fans perdue entre ce nom prestigieux et ce patrimoine immense, cet héritage trop lourd à porter et dont elle n’a rien vécu, ce club qu’elle n’a jamais connu autrement qu’otage du clan Kita, et cet amour des Canaris qu’elle a tant bien que mal créé au milieu de la tempête. Pour la génération des années 2010, il y avait eu la bande à Djordjevic, Deaux, Veretout et Cissokho, la conquête de Caen, la remontée dans l’élite après quatre ans au bagne et l’effusion qui avait suivi, en 2013 ; il y aura désormais la classe de Blas, Kolo Muani, Pallois, Chirivella et Lafont, cette saison en dents de scie, mais pleine de frissons, l’épopée contre Monaco et Nice, la prise de Saint-Denis et le sommet du pays enfin retrouvé par les Jaune et vert, en 2022.

De Michel d’Ornano à Tel-Aviv

Ce club, depuis l’entrée au XXIe siècle et avant même l’arrivée aux manettes de Waldemar Kita, n’a jamais eu de souci à passer du tout au tout, passant par exemple à un rien de la Ligue 2 (victoire face à Metz le 28 mai 2005 lors de la dernière journée) quelques mois après s’être hissé en finale de Coupe de la Ligue (mai 2004) et avoir décroché une sixième place du championnat synonyme de qualification en Coupe Intertoto. À l’instar, aussi, du diptyque 2020-2021 des hommes d’Antoine Kombouaré : à un but à l’extérieur et une main de Charles Traoré près (au barrage retour contre Toulouse la saison passée), Nantes retrouvait l’antichambre au bout d’une saison clownesque. Rien n’a changé en un an ou presque, si ce n’est que les cadres de cette équipe ont retrouvé leur football quelque part entre février et mars à l’arrivée du Kanak. Et voilà pourtant le FCN qui s’inscrit de nouveau au palmarès du football français, prêt à jouer les étendards de l’Hexagone à Tel-Aviv face au PSG le 31 juillet, et à représenter le pays à travers le continent en septembre (18 ans après la dernière apparition nantaise au-delà de nos frontières, en demi-finales de Coupe Intertoto face au Slovan Liberec).

Waldemar Kita n’avait certainement pas prévu que ce serait cette saison qu’il s’offrirait enfin un titre, après 15 ans à mener cette barque jaune et vert comme bon lui semble. L’homme d’affaires franco-polonais traverse une drôle de période, lui qui n’a jamais cessé d’être chahuté par la frange la plus radicale de supporters locaux, a vu Antoine Kombouaré couper les ponts avec lui et sent planer depuis un an maintenant au-dessus de son business l’ombre du Collectif nantais. Paradoxalement, il connaît actuellement la période sportive la plus faste de son mandat en Loire-Atlantique, au grand dam de ses détracteurs et du mouvement #KitaOut. Symbole de la fracture entre lui et son territoire, le grand chef n’était pas présent aux festivités de ce week-end place Maréchal-Foch, certainement trop distant de son coach et de cette équipe, mais surtout trop rancunier envers la maire Johanna Rolland, coupable selon lui d’avoir enterré son rêve de YelloPark à la fin de la dernière décade.

Vas-y Francky

Pendant que Ludovic Blas et ses coéquipiers fanfaronnaient dimanche soir dans une cérémonie où, comme d’habitude, les élus ont gâché la fête, le président, maître du timing, organisait une conférence de presse à la Beaujoire pour se lancer des fleurs ( « On a donné tous les moyens pour que ça réussisse » ) et amorcer la passation à son fils : « Je vais prendre du recul petit à petit et laisser la place à Franck(aujourd’hui directeur général délégué)et Philippe Mao(coordinateur sportif). […]Mes affaires sont florissantes, je vais laisser la place de président à Franck bientôt. Il a déjà les mêmes pouvoirs que moi aujourd’hui. » Mais pas de vente à l’ordre du jour, donc, alors que ce trophée était certainement l’accomplissement dont il rêvait.

C’est vrai que sous la présidence de Kita, ça n’a pas été facile pour les supporters. Ils ont fait comme moi, ils ont compartimenté. Moi, je ne m’entends pas toujours très bien avec le président.

En vérité, cette victoire porte surtout le sceau d’Antoine Kombouaré – qui a façonné ce groupe irrésistible -, mais rien ne dit que le technicien sera là dans trois ou quatre mois pour assurer le service après succès. Quelques instants après le sacre de ses Canaris, il se lâchait d’ailleurs devant la caméra de France 3, sans garde-fou vis-à-vis de sa direction : « Les supporters ont énormément souffert. C’est vrai que sous la présidence de Kita, ça n’a pas été facile pour les supporters. Ils ont fait comme moi, ils ont compartimenté. Moi, je ne m’entends pas toujours très bien avec le président. Mais j’ai mis de côté, et ce qui m’intéresse, c’est porter haut les couleurs du FC Nantes. »

Suspense amplifié dans la soirée en zone mixte : « J’ai payé ma dette. On a payé la dette de tous les mecs du Pacifique passés par le FC Nantes : Christian Karembeu, Marama Vahirua, John Gope-Fenepej, Victor Zéoula… Mes petits frangins pourront dire qu’on a payé notre dette et qu’on ne doit plus rien au FC Nantes. On ne peut plus nous réclamer quoi que ce soit, c’est fini.[…]On peut avoir des problèmes de relation avec la direction, et moi aussi j’en ai. La relation quotidienne avec le président n’est pas facile. Parfois, il y a des gueulantes qu’on pousse, et des fois des silences qu’on impose. » Randal Kolo Muani est déjà en route pour Francfort. Ludovic Blas, Moses Simon, Alban Lafont ou encore Andrei Girotto – autrement dit les éléments qui tiennent les murs depuis un an et demi – pourraient eux aussi squatter l’aéroport de Nantes-Atlantique cet été, même si la carotte de la Coupe d’Europe existe désormais. À Nantes, c’est certainement un cycle qui s’achève en ce mois de mai. Mais cette fois-ci, sa conclusion est plus douce qu’à l’accoutumée.

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Par Jérémie Baron

Propos d'Antoine Kombouaré recueillis par France 3 ou tirés de conférences de presse et zone mixte

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