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Nantes, l’apprentissage de la patience
Aucune victoire en trois journées, un joueur placé en garde à vue, un capo interdit de stade pendant toute la saison : le FC Nantes, dix-septième de Ligue 1, vit un début de saison agité à tous les étages. Pourtant, à la lisière, les premières sorties de l'ère Cardoso offrent des signes encourageants.
La Ligue 1, son petit monde, ses vieux réflexes et un débat rouvert sur la table dimanche après-midi, par Antoine Kombouaré, dans la salle de presse du stade Pierre-Mauroy : un entraîneur doit-il absolument renier son approche du foot pour casser en deux une spirale négative ? Le coach de Guingamp, qui a pour la première fois depuis son arrivée en Bretagne en 2016 concédé trois défaites de suite en Ligue 1 (quatre, en réalité, si l’on y ajoute celle subie à Toulouse lors de la trente-huitième journée de la saison dernière), a son idée : « J’ai l’impression qu’on a disputé un match amical.(…)Le schéma est peut-être à revoir. On doit sans doute être moins ambitieux dans le jeu… » C’est une vision. La veille, on a pourtant entendu autre chose en tendant l’oreille du côté de Nantes, où les Canaris ont enchaîné un troisième match sans succès, face à Caen (1-1). Et on a surtout vu une image, d’abord : celle d’un homme de quarante-six piges, entouré de son groupe au milieu de la Beaujoire, et qui cherche surtout à ne rien casser du fil qu’il tient précieusement entre les doigts depuis son arrivée sur le banc nantais en juin.
Comment faire ? « J’ai parlé aux joueurs de l’énergie que l’on devait avoir pour continuer ensemble. Que l’on avait été tous ensemble, cette semaine, et que l’on avait apporté une réponse. » Par un point récolté, déjà, mais aussi par une seconde période qui aura laissé apparaître un FC Nantes plus équilibré et surtout plus en phase avec les préceptes de Miguel Cardoso, le propriétaire du fil à ne pas casser. Et la première mi-temps dans tout ça ? « Ce n’est pas possible de jouer comme ça » , a soufflé après la rencontre le capitaine de la bande, Valentin Rongier, replacé contre Caen dans un milieu à trois après avoir passé les deux premières journées en soutien d’un attaquant (Coulibaly ou Sala). Réponse au débat : Cardoso est sûr de son coup, les points viendront, et en août, « le plus important ce ne sont pas les résultats, c’est ce qu’on fait sur le terrain » .
« Certains vont rajeunir… »
Comment donner tort au technicien portugais ? Impossible : lors de l’été 2017, le FC Nantes version Ranieri avait lui aussi commencé la saison par deux défaites (à Lille et contre l’OM), avant, c’est vrai, de s’imposer lors de la troisième journée à Troyes (0-1). Au bout, le club avait touché une neuvième place de Ligue 1, tout le monde était content, merci, au revoir. Faux : une place dans le top 10 du championnat de France peut avoir l’allure d’un morceau de pain solitaire. Un truc moelleux, mais sec. Faire venir Miguel Cardoso, une saison pleine seulement en tant que coach principal dans les pattes, a ce premier objectif, et le président nantais, Waldermar Kita, ne s’est pas planqué pour le faire savoir durant l’été : « C’est ambitieux. Si on peut faire ainsi, certains vont rajeunir. On va retrouver le Nantes d’il y a quarante ans ! Ça va être compliqué de pouvoir tout faire, mais ça joue au ballon, il y a l’envie de s’amuser, d’évoluer en redoublement de passes, d’y mettre perpétuellement du mouvement, tout bonnement de donner une identité à sa formation sauf qu’il faut l’efficacité… Je le répète, c’est ambitieux et réclame du temps, sans compter qu’il faut composer avec la culture footballistique française. » Soit un monde bourré d’impatience, ce que Jardim lui a bien fait comprendre lorsqu’ils se sont vus lors de la première journée ( « Je lui ai souhaité la bienvenue en France, je lui ai parlé de ce qui se passe ici au niveau du championnat, de la culture, de la façon de jouer. Pour les Portugais, les premiers mois ici sont difficiles, j’ai essayé de l’aider. Quand je suis arrivé à Monaco, j’ai découvert les choses seul, personne ne me parlait. Je pense qu’il va faire un bon travail. » ), un univers dopé aux résultats immédiats et qui ne laisse bien souvent le temps à rien : pourtant, le projet Cardoso n’a besoin que de ça.
Préceptes assimilés, séquences convaincantes
Et il l’a rapidement fait comprendre à son monde. Le 22 août, Kita suggère entre les lignes d’un entretien qu’il donne à L’Équipe à son nouvel entraîneur de « peut-être oublier certaines choses et reprendre la base quand on ne peut pas tout changer du jour au lendemain » . Cardoso lui répond par les faits : un changement de système contre Caen, mais pas dans les intentions, insistant auprès de ses joueurs pour travailler un football de possession, basé sur l’intensité et le plaisir. « Ça, ça ne changera pas » , avait-il prévenu dès le jour de sa présentation.
Et c’est ainsi qu’il avance, alors que les dirigeants nantais essayent d’honorer les multiples demandes de l’entraîneur portugais – un nouveau défenseur central (Kara Mbodji) est attendu dans la matinée de mardi pour passer sa visite médicale et remplacer Koffi Djidji, prêté au Torino – tout en attendant le déclic mathématique. Mais pourquoi y croire ? Parce que Nantes avance, par séquences, et surtout parce que les joueurs de Cardoso, partisan de la périodisation tactique, adhèrent à la chose : 63,33% de possession de balle de moyenne sur les trois premières journées, 83% de passes réussies de moyenne sur la même période, recherche permanente de l’ouverture d’espace (là où Ranieri cherchait avant tout à les fermer)… Dans les préceptes, on y est, reste à ajouter l’efficacité, ce qui a fait défaut notamment contre Monaco (1-3) et à Dijon (2-0), où les Canaris n’ont pas cadré la moindre frappe.
Fronde et opération déminage
Ce soir-là, une première brèche s’est ouverte : purement française. Après la rencontre à Gaston-Gérard, certains joueurs (Rongier, Touré, Diego Carlos) ont été obligés de venir s’expliquer auprès des supporters, rincés par un contexte extrasportif tendu (fronde contre le projet YellowPark, discussions rompues entre la direction et les fans…) : là, Rongier a assuré que le groupe croyait en son nouveau coach et que tout n’était qu’une question de patience, ce qui n’est pas forcément facile à faire entendre à des supporters qui n’ont rien fêté depuis quinze ans. Samedi, le calme est progressivement revenu autour du groupe, même si l’ambiance à la Beaujoire a forcément été affectée par le premier match sans le capo de la Brigade Loire, Romain Gaudin, suspendu de stade pendant neuf mois depuis vendredi dernier pour violation d’un arrêté préfectoral lui interdisant le déplacement à Strasbourg, la saison dernière (ce que conteste le leader du groupe de supporters). Autre chose ? Oui, on a appris lundi que l’attaquant Kalifa Coulibaly avait été placé en garde à vue le 23 août dernier pour une supposée agression sur son ex-compagne. Le joueur a depuis nié « tout acte de violence » , aucune plainte n’a été déposée contre lui et le FC Nantes a soutenu publiquement son joueur. C’est donc aussi ça un début de saison au petit monde de la Ligue 1 : une opération déminage. Sacrée histoire.
Par Maxime Brigand
Propos de Waldemar Kita tirés de Ouest-France.