- National 1
- J10
- Nancy-Red Star (1-1)
Nancy-Red Star : des cris et des silences
La rencontre de National entre Nancy et le Red Star a été émaillée de nouveaux cris de singe et insultes à caractère raciste. Le phénomène se reproduit chaque saison, et dans différents stades, preuve que le mal s’avère bien plus profond que les délires de quelques idiots. Et que les mêmes fuient toujours leurs responsabilités.
Les tribunes françaises sont plus que jamais sous le feu des critiques. Dernier épisode dramatique ou dramatisé, le jet de pétard sur le gardien clermontois à Montpellier par un individu installé dans le virage populaire, si alcoolisé qu’il fut impossible de l’interroger dans un premier temps, qualifié de « connard » par un président craignant le retrait des trois points acquis sportivement. Ensuite la problématique des chants homophobes qui a agité le foot français et suscité de nombreuses réactions, y compris chez les politiques jusqu’au gouvernement. Résultats sur ce dernier point, des sanctions plus ou moins sévères décidées par la commission disciplinaire de la LFP, par exemple la fermeture de la tribune Auteuil pour un match concernant le PSG (sans parler de la petite tape sur les mains de certains joueurs parisiens) et une amende de 70 000 euros reçue par le Stade rennais, après les « débordements vocaux » pendant le derby breton contre Nantes.
Cette fois, le racisme s’invite de nouveau. Certes pas seulement dans les gradins, comme l’illustre l’affaire Bernard Casoni, coach désormais suspendu d’Orléans, club qui évolue en National. Justement dans ce même championnat, le Red Star, leader, se déplaçait à Nancy. Hormis le score nul (1-1), la rencontre à Marcel-Picot aurait été émaillée de cris de singe envers certains membres de l’équipe audonienne, du moins c’est ce qu’affirme leur entraîneur Habib Beye. Une tension qui expliquerait la nervosité des visiteurs, le capitaine de l’étoile rouge, Cheikh Ndoye, ayant même jeté une bouteille en direction d’une tribune du stade lorrain.
Version contre aversion
Surtout, les propos de l’ancien international sénégalais renvoient d’abord la faute, et son indignation, sur l’inertie aussi bien des arbitres que des instances. Un discours qui fournit un triste écho aux déclarations du Madrilène Vinícius Júnior dans France Football : « Si je suis seul face au racisme, le système va m’écraser. » Il est vrai que de ce côté des Pyrénées, l’habitude dominante reste de regarder avec mépris ce qui se passe en Liga plutôt que de s’interroger sur ce qui est produit dans nos enceintes. Habib Beye s’étonne ainsi de cette indifférence au micro de Canal+ : « On laisse dans les stades des choses comme cela se produire. Trois de mes joueurs ont été interpellés par la tribune avec des mimes et des cris de singes. J’ai des gens qui me disent aujourd’hui que dans un stade, il ne faut pas envenimer les choses. (…) Des gens arrivent à banaliser ce genre de choses, pas moi. Je serai toujours contre ça. Ce sont des choses qui ne peuvent pas arriver. (…) C’est inacceptable, et en plus des joueurs de Nancy ont salué leur public. Si on accepte ce comportement… Je me battrai toujours, jusqu’à ma mort, contre ces choses-là. J’espère que ce public sera sanctionné parce que c’est inacceptable. »
Il est vrai qu’en face, comme souvent, son homologue nancéien, l’ancien international Benoît Pedretti, a botté en touche : « Je n’ai rien vu, je ne sais pas s’il y a eu des mots ou des gestes. » Pire, celui-ci jouait la montre après la rencontre, demandant des preuves : « Quand les joueurs du Red Star rentrent au vestiaire, qu’on sent qu’il y a une ambiance un peu tendue et qu’ils applaudissent nos supporters, ça non plus ce n’est pas le plus élégant. Chacun va s’occuper de son club. Je vais m’occuper de Nancy, et qu’Habib s’occupe de son club. Quand on aura des images et qu’on pourra analyser, on aura le temps de discuter tranquillement et de prendre les sanctions qu’il faudra. » Depuis, l’auteur a été identifié et malgré le discours plein d’aplomb du président lorrain Nicolas Holveck, il faudra s’armer de patience avant de voir ce petit monde arrêter de se cacher derrière son petit doigt, de faire le sourd et enfin assumer ses responsabilités. Et cette bataille est loin d’être gagnée.
Par Nicolas Kssis-Martov